On parle beaucoup, et on se noie un peu dans les débats
théoriques sur les pédagogies de la lecture, de la grammaire, et aujourd’hui du
calcul. Ce n’est pas nouveau, mais les débats prennent une allure de querelle
entre anciens et modernes. Dans cette image rapide des choses, le ministre
Gilles de Robien ferait office de porte-parole des anciens, dans ses
préconisations d’apprentissages mécaniques des connaissances, et les syndicats,
de chefs de file des modernes, tant leur discours est irradié par les
problématiques de la recherche pédagogique. Pendant ce temps le monde tourne,
et les enfants ont des activités à l’école, et des savoirs, simples
relativement aux gigantesques possibilités du cerveau, ne sont pas maîtrisés.
Illustration de cette situation embrouillée, Gilles de
Robien a annoncé hier sa volonté de mettre en place cette année (circulaire en
février) un apprentissage simultané des
quatre opérations dès la maternelle, un gros quart d’heure de calcul mental
quotidien. Pas d’annonce sans rapport d’expert : ici c’est l’Académie des
sciences sur l’enseignement du calcul qui l’a fourni, avec la mention suivante :
il faudra « former massivement les maîtres » car « cela fait
trois ou quatre décennies que le calcul est mal enseigné ». La
justification de ce jugement est apportée : il faut une introduction « aussi
précoce que possible d’une certaine pratique des quatre opérations », les
enfants manipulant dans leur vie (les experts donnent l’exemple du partage des
bonbons) la division comme les autres opérations. Le rapport choisit de
stimuler la capacité des cerveaux juvéniles à concevoir la complexité, « les
liens entre géométrie et calcul » devront aussi être introduits, et encore
la règle de trois, à maîtrise à la fin de l’école primaire, tout ceci en
interdisciplinarité, pour fonder le travail d’abstraction sur un sens, avant
que les automatismes ne se mettent en place. L’outil (la calculette) doit
rester un outil, d’où l’importance de travailler les différentes procédures de
calcul, « mental, posé, approché, exact et instrumenté ».
Des syndicats d’enseignants réagissent : le secrétaire
général du SE-Unsa dénonce « un faux procès supplémentaire »,
opposant qu’on « enseigne déjà le calcul mental et les opérations en
primaire ». Le SNUIPP ironise : « C’est évident qu’on ne commence pas au cours
préparatoire par du Balzac ! », en référence à une circulaire qui
rappelle la nécessaire progressivité des apprentissages.
Pendant ce temps, beaucoup d’enseignants testent, changent,
adaptent leurs méthodes pour trouver ce qui fonctionne le mieux pour des élèves
qui ne sont jamais tout à fait les mêmes d’une année sur l’autre, assez loin
des débats théoriques, qui conduisent souvent à introduire des réformes en
chaud et froid. Est-il faux de dire : peu importe la méthode, l’essentiel, c’est d’y croire ?