Accidente maestro
J’imagine à mon tour, qu’à Copenhague on réfléchît « plus » sur l’écologie politique, sur l’inflation des envies, sur le rôle de la Cité et de ses dérives moyenâgeuses.
Encore Arendt, nous dit « que si le seigneur féodal peut rendre justice dans les limites de son fief », le nanti de l’antiquité grecque et romaine, quel que soit son pouvoir, « ne connaissait ni loi ni justice hors du domaine politique ». Ajoutons à cela Sophocle, ici jouant le rôle de l’évidence militante, et qui exprime l’idée, par la voix d’Antigone, que les lois ancestrales (le sens commun et éthique des hommes) l’emportent sut les lois de l’archonte, humaines et circonstancielles, nécessaires certes pour « le vivre ensemble » mais à condition d’éviter l’hubris, la démesure.
Voici en quelques lignes ce à quoi nous sommes confrontés à travers les affaires qui secouent la société française (et pas seulement). Elles concernent l’hubris et le sens commun (EPAD), la révolte d’Antigone et le droit (Clearstream), la démesure et l’addiction à l’argent (banques, bonus), en d’autre termes la régression de la pensée à l’intérieur de la Cité.
Reste, sans doute, la place du créateur, de l’artiste au sein de la Cité. De tous les scandales, de tous les éclats provoquant l’indignation, de tous les pièges à alouettes, c’est le plus difficile à cerner. Je ne crois pas que les citoyens exigent corps et âme des représentants et des créateurs d’une éthique et d’une morale irréprochables. Bien au contraire. C’est tout le sens de la réplique du citoyen qui répondait à Aristide à sa question pourquoi il ostracisait son nom : « j’en ai marre d’entendre tout le temps Aristide le juste ». Mieux qu’un exemple, on demande aux élites d’être comme tout le monde, ni plus ni moins. Mais on leur demande, aussi, de ne pas abuser. L’hubris encore.
Attaqué, l’artiste s’offusque de l’amalgame fait entre ce qu’il écrit et ce qu’il est. Le citoyen répond que si crime d’amalgame existe, c’est lui qui le perpétue en voulant créer et diriger en même temps.
Le citoyen reproche à l’artiste de trahir la puissance de ses dires, de ses écrits en voulant changer de statut. Il y a amalgame entre exhibition artistique (et dans ce cas la vie de l’artiste reste libre) et exhibition politique (où elle ne l’est plus).
Enfin, pour terminer le tableau, quelle est l’universalité du droit face au créateur ? Je n’oublierais jamais l’étonnement mêlé d’indignation du mythique directeur du Piccolo Teatro : « Ils ne me croient pas ces sauvages de carabiniers, ils ne croient pas que la cocaïne (un kilo) était pour usage personnel. Ils me prennent pour un dealer ». Tout est dit. Dans ce milieu « hors les murs de la cité », les règles ne sont pas les mêmes. Elles sont parallèles, protégés par leur excentricité (sans jeu de mots) par rapport aux murs protecteurs de la Cité. Et parfois, par accident, ces deux mondes se rencontrent, comme une claque venue de l’au-delà, du réel. « Accidente maestro ». Arbitrairement, par loterie négative, quelqu’un paie pour que ces murs protègent les uns (le vivre en commun) et les autres (la création débridée).
2 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON