Jurys populaires, pouvoir citoyen, force citoyenne
Le Sénat examine à partir du 10/05/2011, le projet de loi instituant des « citoyens assesseurs » dans les tribunaux correctionnels. Cette réforme provoque un beau tollé. A l'occasion de cette réforme démagogique pour ne pas dire plus , il serait intéressant d'étudier et de proposer une réforme institutionnelle dans notre belle république, préconisant un vrai pouvoir citoyen reposant sur le tirage au sort des citoyens.
Jurys populaires, jurys citoyens
Outre les difficultés pratiques, l’engorgement total des tribunaux, l’aggravation de la paupérisation de la justice, il est remarquable de noter que cette réforme dites des « jurys populaires » ne concernera pas les affaires économiques et financières ni les affaires de corruption, de prise illégale d’intérêt, de trafic d’influence. Elle ne concernera que les délits « qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population » . Cette réforme démagogique qui titille notre fibre sécuritaire coûtera au bas mot 20 millions d’Euros pour la seule indemnisation des 8 000 « citoyens-assesseurs ».
D’après « Tocqueville défenseur de la justice populaire » de DENIS SALAS Magistrat .
- « Cependant, le principe même d’une justice rendue par des citoyens tirés au sort est infiniment respectable, selon Tocqueville. « le peuple fait les lois par ses représentants et rend la justice par ses jurés ». La souveraineté du jury exprime l’appropriation démocratique de la fonction de juger. C’est pourquoi, le rituel démocratique du tirage au sort fait du juré la figure sans doute la plus accomplie du citoyen. Dans notre modèle républicain, le citoyen sera représenté avant tout par les pouvoirs élus, mise à part la parcelle maintenue du jury en cour d’assises. A l’inverse des représentants qui font la loi et des magistrats qui l’appliquent, eux seuls sont à la source de la légitimité. Leur présence maintient, gravé dans l’appareil d’Etat, le geste démocratique fondateur de la Révolution. »
On assiste aujourd’hui à une renaissance de la « démocratie participative », compte tenu de la crise de la démocratique représentative que nous vivons. Depuis les élections de 2007, lors desquelles Ségolène Royal a remis à l’ordre du jour la démocratie participative, avec ses « jurys citoyens », ce concept est devenu une constante sociétale. La proposition malheureuse, sécuritaire et politicienne de « jurés populaires » pour les tribunaux correctionnels voudrait également participer aussi de ce mouvement.
Ainsi au lieu de rétablir un pouvoir citoyen pour juger les « délinquants », pour participer à la sécurité et la tranquillité de la population, il semble plus opportun et essentiel que l’établissement d’un pouvoir citoyen , basé sur le tirage au sort des citoyens, soit mis au service du contrôle institutionnel et à l’enrichissement de la vie publique et démocratique.
C’est le renouveau du pouvoir citoyen
Principe
Pour paraphraser Tocqueville , on pourrait dire que « le principe d’un pouvoir exercé par des citoyens tirés au sort est infiniment respectable. » Le Tirage au sort est donc le principe fondateur de ce pouvoir citoyen, selon la règle ; « les élus font la loi, les magistrats l’appliquent et les citoyens contrôlent. »
Seules les assemblées élues, possèdent les pouvoirs de décision et de gestion politiques.
Le pouvoir citoyen aura donc des compétences et des responsabilités non de décision ou de gestion, mais des fonctions de contrôle, de proposition et d’information. Ce pouvoir citoyen doit être indépendant des pouvoirs élus ou administratifs. Il s’appuiera en revanche sur la technicité et l’ implication avisée et attentive des cours des comptes.
Parallélisme de l’organisation
Ce pouvoir est bâti pour correspondre fidèlement à la hiérarchie institutionnelle et territoriale actuelle. A chaque niveau de décision, doit correspondre un lieu de pouvoir citoyen, en commençant par le niveau communal, cellule de base de la démocratie ; ces lieux de pouvoirs citoyens peuvent être dénommés « Chambres citoyennes » ou « Comités de citoyens ».. A chaque niveau d la hiérarchie administrative, l’inscription de cette nouvelle institution entraîne des conséquences visant à remplacer avantageusement des « doublons » ou satisfaire une efficacité des moyens mis en œuvre. Ainsi outre le fait que l’instauration de ces comités de citoyens entraînera ipso facto la disparition des Comités Economiques et Sociaux, il est clair dès lès à présent qu’elle devra s’accompagner d’une augmentation sensible des capacités des Cours des Comptes Nationale et régionales. Nous ne sommes ni les premiers ni les derniers à demander la disparition du Sénat. En ce qui concerne les Comités économiques et Sociaux, ceux-ci au fil du temps sont devenus des lieux de lobbying, de corporatismes, de cooptation amicale ou pour services rendus, de lieux de pantouflage pour les permanents d’organisation.. Leur disparition ne semble pas poser un gros problème, d’autant que les organismes de la société civile ont d’autres lieux pour s’exprimer , se rencontrer et formuler leurs revendications sans peser sur les finances publiques.
Hiérarchie organisationnelle
- Le Comité Sénatorial des Citoyens ;
Comme De Gaulle en 1969, il est proposé de supprimer le Sénat actuel, de supprimer le CES national, et de refonder cette institution en un Comité Sénatorial de Citoyens, dont les membres seront tirés au sort parmi les 130 000 conseillers municipaux sans aucun autre mandat ni fonction, respectant la parité hommes/femme et une bonne répartition régionale. Le mandat du tiré au sort ne durera pas plus d’un demi mandat municipal (3 ans).
- Le Comité Régional des Citoyens et départemental
Il est également proposé de supprimer les Comités Economiques et Sociaux régionaux. Les comités régionaux ou départements sont composés de membres tirés au sort sur les listes électorales des territoires correspondants. Ils ont désignés pour un demi mandat des élus des assemblées correspondantes.
- Le Comité Communal des Citoyens
Considérant les avancées particulières de la démocratie communale, il serait bon en s’appuyant sur les nombreuses et diverses initiatives locales, laisser le débat et la réflexion prendre tout leur place dans les communes.
La Force citoyenne
Les fonctions des comités (Sénatorial, Régional ou départemental) des citoyens sont ;
- Fonction de contrôle du gouvernement et des assemblées et des autres organismes publics correspondants au niveau territorial adéquat en association avec les Cours des Comptes. (suivi des recommandations)
- Fonctions d’avis, d’enquêtes et d’études
- Fonction de relais-citoyen ( gestion et responsabilité des pétitions pour les RICs (référendums d'initiative citoyenne)
- Fonction d'information des citoyens (responsabilité dans le suivi, l'éthique et la transparence des commissions de débat public communication ; débats publics nationaux- Responsable de la mise en œuvre de la politique de sensibilisation et de l’information à la vie civique et démocratique du peuple.
Le Statut du Citoyen « tiré au sort. »
- Les Tirés au sort sont indemnisés sur le modèle de la rémunération actuelle des membres des Comités Economiques et Sociaux.
- Le mandat d’un tiré au sort n’excédera pas la durée d’un demi mandat du représentant de l’assemblée élective correspondante ( 3 an). On ne peut être tiré au sort qu’une fois.
- Il sera établi une charte du « Citoyen tiré au sort » contenant des droits et devoirs en particulier celui du compte rendu public de son mandat.
La formation civique
En conclusion d’un article sur son expérience de juré d’assise, Madame Barbara Cassin, philosophe met l’accent sur plusieurs nécessités ;
- « Il faut du temps, des moyens, de l’éducation, un esprit libre, pour être les héritiers non illettrés de 1789. C’est cela qu’il faut nous donner, à nous et aux juges que nous voulons toujours compétents et ouverts, et non pas une réforme qui mise sur un peuple n’ayant d’autre guide et d’autre compétence que sa peur. »
C’est pour cela qu’une réforme pour l’instauration d’un POUVOIR CITOYEN basé sur le tirage au sort nécessite l’installation
- la mise en place d’une grande politique de sensibilisation et de formation aux droits et devoirs du citoyen, aux libertés publiques, aux contrôles démocratiques.
- l’installation dans chaque ville ou commune d’une Maison du Citoyen chargée d’en être le vecteur
C’est ainsi que la démocratie participative retrouvera sa complémentaire avec la démocratie représentative, que le pouvoir citoyen retrouvera sa vigueur, et que notre république se rénovera.
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON