L’école du « Vivre Ensemble »
Depuis une semaine la Droite s'est subitement saisi de la question halal qu'elle dédaignait jusque là. Sarkozy, Guéant, Fillon, chacun y va de ses déclarations fracassantes et superfétatoires, quitte à multiplier ensuite excuses emberlificotées et déclarations contradictoires.
La Droite et Sarkozy sont au pouvoir depuis 5 ans. Or, à plusieurs reprises durant cette période, les problémes que suscitaient le halal ont été mis en évidence ; ils présentaient d'une certaine manière un cas d'école pour le « vivre ensemble » dans un pays où la consommation « halal » est devenu un fort marqueur identitaire pour nos compatriotes musulmans (lire à ce sujet l'excellent ouvrage de Gilles Kepel « Quatre-vingt-treize »).
D'abord les problémes liés à la souffrance animale, qui ont été signalés à plusieurs reprises par différentes associations de protection des animaux. L'étourdissement des animaux avant leur mise à mort est d'ailleurs obligatoire en France. Grande victoire remportée par les défenseurs de la cause animale même si des dérogations pour motif religieux sont prévues. Dérogations qui, par définition, doivent être limitées et dans la mesure du possible ponctuelles.
Une application laxiste de la loi nous a amené à la situation actuelle où plus de 30% de la viande commercialisée en France est halal, pour une population musulmane représentant entre 10 et 15% de la population totale.
La quasi totalité de la viande halal "en surplus" est commercialisée sans indication distinctive, et consommée dans la plus profonde ignorance de sa spécificité.
Là encore, le problème avait été plusieurs fois signalé, et des demandes quant à la tracabilité de cette viande ont été formulées. Deux projets de loi visant à cette tracabilité ont été d'ailleurs déposés et... retoqués par le gouvernement actuel. Ce même gouvernement qui, aprés avoir nié tout problème, affirme aujourd'hui par la voix du Président de la République qu'il serait souhaitable que la mention "halal" soit indiquée sur la viande concernée.
Cela dans un climat pour le moins deletère où un contexte d'islamophoblie interfère avec la défense du consommateur et la cause animale. On pourra accuser Marine LePen pour avoir déclenché la polémique en pleine campagne électorale. Comme dit le proverbe : "Qui veut noyer son chien...". Néanmoins si la polémique a pris une telle ampleur c'est par l'émotion et les déclarations imbéciles que l'intervention de Me LePen a déclenché.
Réactions incohérentes du gouvernement qui niait tout probléme, pour ensuite pointer le problème du doigt ... Réactions imbéciles de certains qui nient tout souci, et à l'image d'un Mélenchon estiment que manger halal ne pose pas probléme parce que cela ne vous rendra pas "musulman". A ce compte là on pourrait obliger les musulmans à manger "non halal", ou pire à manger du porc, parce que manger du porc n'est pas nocif pour la santé et ne rend pas, comme dirait Mélenchon, "chrétien".
Etrange campagne électorale où une question aussi marginale que le "halal" (et par extension le "casher") tient aujourd'hui le devant de la scène, reléguant la crise économique, sociale et industrielle de la France à l'arrière plan.
Question marginale mais significative de l'état de délabrement du débat public où des incapables et des dilettantes tiennent les rênes du pouvoir, où des aboyeurs démagogues les accompagnent et en fin de compte, les assoient dans leurs postures stupides. Le halal : une polémique imbécile née de l'incapacité d'une société à assumer ses lois et ses valeurs.
Alors que faire aujourd'hui pour raccommoder ce "vivre ensemble" si bien mis à mal par cette polémique ?
Il semble évident qu'établir, enfin, la tracabilité des viandes selon leur mode d'abattage est indispensable. Les autorités religieuses musulmanes et juives s'y opposent pour des raisons peu crédibles : peur d'une stigmatisation fantasmatique, alors qu'elles mêmes affirment que de nombreux non-croyants consomment de la viande "consacrées" sans probléme. L'autre motif tient à des raisons économiques, les pratiquants craignant de voir les prix de la viande "consacrée" augmenter si les non-croyants ne consomment pas une viande étiquettée "halal" ou "cacher" produite en " surplus" .
Toute liberté a son prix. Il semble logique que les pratiquants paient pour leur pratique.
Le "vivre ensemble" a aussi un prix : le respect des uns et des autres, et des uns par les autres. Il est difficilement concevable de pérenniser une situation où certains se voient contraints de manger et cotiser pour une viande consacrée sans en être informés.
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