L’inclusion digitale (et sociale) en question
Introduire des ordinateurs dans un milieu défavorisé (comme le font les "Pontos de cultura" au Brésil ? voir ce billet) est chose courante. C’est sans doute pour cela que dans vos commentaires (voir aussi ce billet) les sceptiques semblent l’emporter sur les fervents. J’espère que l’entretien qui suit vous invitera à poursuivre le débat.
Lia Ribeiro, directrice de la revue A Rede qui se veut "canal de communication entre les différents réseaux d’inclusion digitale", a un observatoire unique sur ce sujet. A Rede a enregistré 7000 centres (elle est envoyée gratuitement à 15 000 souscripteurs, "un par projet", précise Lia).
Ces initiatives surgissent de partout. "Elles ne sont pas coordonnées et n’ont pas d’objectif commun. Ce gouvernement n’a pas, contrairement à ce qu’on pourrait croire, une politique d’inclusion digitale. On ne saurait nier pour autant que c’est lui qui a lancé l’inclusion digitale", explique Lia.
Elle en veut pour exemple le fait que la Banque du Brésil a ouvert plus de 1600 telecentros (liés par un portail commun) en accord avec des institutions locales. "Rien de tout ça n’existait il y a trois ans", précise-t-elle.
Évaluer les résultats est fondamental aux yeux de François Bar, avec qui j’ai fait le voyage grâce à un financement du Annenberg center de la University of Southern California dans laquelle il enseigne. C’est lui qui a demandé à Lia Ribeiro ce qui se faisait en la matière.
"Nous en sommes encore à faire l’enquête, à discuter de la méthodologie", a-t-elle répondu. "Nous cherchons à définir les meilleures pratiques." Elle signale, par exemple, l’effort de l’Observatoire des politiques publiques d’info-inclusion. On y trouve, pour le moment, plus d’articles de réflexion et d’analyse des pratiques en cours qu’une évaluation de leurs résultats.
En attendant l’étude, Lia Ribeiro a ses convictions sur les centres d’inclusion digitale. "Ceux qui fonctionnent le mieux ne sont ni les plus riches ni ceux qui sont créés dans les milieux ayant le plus haut niveau d’éducation. Ce sont les centres qui sont les plus liés à leur communauté."
"Dans un pays pauvre et plein d’inégalités comme le nôtre," ajoute-t-elle, "l’inclusion digitale doit être aussi une inclusion sociale. Les outils de la technologie permettent une appropriation plus ample, laquelle, à son tour, favorise l’inclusion sociale."
Elle n’a pour le moment que des "preuves empiriques", comme elle dit. Elle cite, par exemple, le cas de Carlos Alberto da Silva qui, après s’être timidement présenté dans un telecentro, est devenu moniteur pour aider les autres. Aujourd’hui, il étudie la philosophie. "Nous avons beaucoup de cas comme celui-ci. Des jeunes qui deviennent des professionnels. Ils n’avaient aucune possibilité dans leurs favelas."
Lia Ribeiro est mieux placée que quiconque pour tirer des conclusions sur la base d’une large expérience. Elle sait aussi que l’analyse de l’impact social de l’inclusion digitale est indispensable. Ne serait-ce que pour permettre à ceux qui s’y emploient de le faire avec plus d’efficacité.
Qu’en dites-vous ?
[Photos prises par François Bar]
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