La rente électorale
Les pharmaciens, les dentistes et les notaires, pour ne parler que de ces professions privilégiées, font grève et manifestent devant les préfectures pour garder leurs rentes en veillant jalousement sur les conditions d’exercice de leurs professions protégées. Il y a bien sûr de l’indécence dans tout cela à l’époque du chômage de masse et de l’augmentation du minimum vieillesse de 8 euros par mois.
Ces braves gens mettent le plus souvent en avant les difficultés d’exercice en milieu rural pour faire oublier que la majorité d’entre eux gagne plus que confortablement leur vie.
En politique aussi, l’argument du rural se porte bien
Les résultats des élections sénatoriales sont là pour nous le prouver et il n’y a rien de changé au Palais du Luxembourg : ce sont les mêmes élus de droite ou de gauche, cumulards et dinosaures de la politique locale ou nationale qui siègeront désormais en faisant toujours preuve de leur inutilité. A quoi sert le Sénat ? La question mérite d’être posée. Il se contente de freiner le travail parlementaire, là où les reformes deviennent urgentes et il rédige des rapports qui ne seront lus que par quelques initiés. Autre fonction « essentielle », le Sénat est le représentant des collectivités territoriales et c’est bien là que le terme de rentiers de la République trouve tout son sens.
Outre le fait que les sénateurs sont également des cumulards (Maires, Conseillers Généraux et Régionaux ou anciens Ministres qui arrondissent leurs fins de mois) on notera qu’ils cherchent à pérenniser leur rente avec l’argument du rural à l’instar de leurs « collègues » notaires ou pharmaciens.
Au cours de la campagne électorale auprès des grands électeurs, les sénateurs ont su jouer d’un bon vieux clivage surfait entre les territoires (ruraux et urbains), avec l’argument, pas toujours vrai, qu’on vivait moins bien en secteur rural que dans les villes. Derrière cet argument de campagne se cache en fait le rejet absolu d’une réforme territoriale qui supprimerait les conseils généraux, inciterait à la création d’intercommunalités dignes de ce nom et diminuerait le nombre de syndicats intercommunaux.
La conséquence serait donc la diminution du nombre d’élus, perspective impensable pour ces rentiers de la politique et leurs partis, même si, à l’instar des consommateurs qui pourraient payer des médicaments moins cher, les citoyens pourraient trouver là des économies bienvenues sur leurs impôts locaux.
Les élus de tous bords se comportent donc comme pour les pharmaciens ou des notaires qui refusent de perdre leur rente.
L’argument du rural est-il toujours recevable ?
Certes, il existe des spécificités propres à ces territoires comme l’absence de services publics, la pauvreté qui s’y cache ou l’éloignement des entreprises qui embauchent avec comme corollaire les frais de transport, mais on pourrait mettre dans la balance qu’un demandeur d’emploi dans les cités aura des frais de logement plus importants qu’en milieu rural et pourra se sentir tout aussi isolé socialement.
Opposer des citoyens en fonction de leurs domiciles relève du clivage artificiel, cher à certains élus ou partis et ne résout en rien les problèmes de ces différents territoires et des populations qui y habitent. Cela participe de cette rente électorale que je dénonce.
Ils sont où, les élus ?
Et quand bien même trouverait t’on des arguments solides pour différencier les territoires (et il y en a certainement), la bonne question à se poser est la suivante : qu’ont-ils fait ces élus rentiers et cumulards pour gommer ces différences depuis qu’ils sont au pouvoir et depuis que la décentralisation de 1981 a accru considérablement leurs pouvoirs, c'est-à-dire depuis plus de 30 ans ?
Où sont les grandes lois qui auraient dues être proposées par le Sénat, représentant des collectivités territoriales, pour résoudre les problèmes constatés ?
Où sont les mesures proposées par les Conseils Généraux pour venir en aide aux secteurs défavorisés ?
Ces élus rentiers ont toujours botté en touche, renvoyant l’Etat à « ses responsabilités », en oubliant leur rôle de proposition et de proximité et les compétences générales dont ils disposent. Ils ont organisé la dépendance des élus locaux accros aux subventions pour le rond point ou l’achat de bacs à fleurs et en cultivant l’esprit de clocher qui nous coûte très cher. Ils n’ont pas proposé eux-mêmes les restructurations de l’intercommunalité et des syndicats intercommunaux qui s’imposeraient préférant cultiver leur image et préparer leur avenir en remettant des médailles, en fêtant la centenaire de la maison de retraite ou en posant fièrement sur les photos lors de l’inauguration de la nouvelle salle communale ou du banquet des chasseurs.
Ils ont failli à leur tâche qui est de représenter les intérêts des citoyens qui les ont élus, quels que soient les territoires qu’ils habitent et pire encore, ils cherchent à les tromper en disant que rien n’est de leur faute et qu’en plus, si on supprimait leurs mandats, le pays s’écroulerait.
Ils se comportent comme des féodaux et ils voudraient qu’on évite de parler de tous leurs manquements, de toutes les dérives commis en notre nom, de l’abandon des territoires ruraux ou urbains, et tout cela au service de leur rente électorale.
La France « moisie »
Ils nous proposent une image erronée d’une France moisie, immobile et méfiante et ils cultivent l’opposition entre les populations : « villotins » contre campagnards, agriculteurs contre fonctionnaires, français contre étrangers ou supposés tels, et sans doute demain bruns contre blonds ou roux, ou handicapés contre valides, si nous ne sommes pas capable de mettre un terme à la dérive de leurs discours électoralistes et populistes.
Ils mettent à mal le lien social, le vivre ensemble, par des clivages artificiels ou réels qu’ils n’ont jamais voulu résoudre afin de démontrer leur « utilité ».
Cette France « moisie », c’est l’image qu’ils voudraient donner de ses habitants. Nous ne sommes pas dupes de leurs manœuvres.
Les prochaines élections aux Conseils Départementaux devraient encore battre des records d’abstention : personne ne s’en étonnera. A u moment où le couvercle de la cocotte minute explosera sous le mécontentement social, n’oublions pas de demander des comptes à ces rentiers de la politique qui vivent sur l’ignorance de pseudos réalités qu’ils entretiennent.
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