Le Sénat à gauche : laissez-moi rire !
Depuis dimanche dernier et encore plus depuis l’élection d’un premier président socialiste du Sénat sous la cinquième république on assiste, au P.S., chez les verts et les radicaux de gauche à un concert de chants de victoire.
Pas sûr que dans l’opinion on soit aussi satisfait de ce résultat. Les grandes chaînes nationales (France 2 et France 3), ont d’ailleurs évité d’ouvrir leur journal du soir sur l’élection de Jean Pierre BEL au plateau, en focalisant, l’une sur les températures estivales, l’autre sur la défaite du XV de France face au TONGA, c’est dire l’importance accordée à cette information par les médias.
Il faut en effet bien faire la distinction entre une victoire du P.S. et de ses alliés et une victoire de la gauche, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, surtout si l’on considère les mesures tièdes et floues que les candidats socialistes comptent mettre en œuvre pour faire face à la crise de l’endettement et au laisser-aller du capitalisme financier.
L’impact de la réforme territoriale
Il faut également considérer que cette « victoire » a été acquise à l’arraché parce que, dans quelques départements des grands électeurs de droite, du centre ou non inscrits, craignant pour la pérennité de leurs mandats locaux, ont favorisé l’envoi de sénateurs de « gauche » au Palais du Luxembourg. C’est notamment le cas pour le département du Morbihan, jugé « gagnable » par la droite avant le scrutin et qui a voté massivement pour les trois candidats de l’opposition.
Car c’est bien cela qui agite actuellement le microcosme local : la refonte de la carte de l’intercommunalité qui vise à diminuer le nombre de communautés de communes et le nombre de syndicats (ordures ménagères, distribution de l’eau, électrification) dont l’émiettement coûte cher et n’apporte pas grand-chose à la démocratie locale, malgré ce que peuvent dire les élus qui y siège en cumulant allègrement les mandats.
C’est donc en termes de vote corporatiste qu’il faut analyser ce scrutin et non sous l’angle d’une victoire électorale due à l’attractivité d’un programme.
On imagine d’ailleurs bien les candidats sénateurs de « gauche » mettre en avant les conséquences néfastes de la réforme sur l’écharpe tricolore du maire de Triffouillis les oies, en oubliant de dire qu’il faudra bien s’attaquer un jour au dossier. En fait, cette élection a peut-être été victorieuse parce qu’à « gauche » on a su jouer sur les peurs de l’électorat comme la droite a l’habitude de le faire sur les thèmes de l’insécurité et de l’immigration. La peur de perdre son mandat et son petit cumul entre commune, communauté de commune et syndicat intercommunal ou Conseil Général aura donc été plus forte pour ces grands électeurs que la discipline de vote à droite.
La relativité du succès de la « gauche »
Ce contexte incite donc à la prudence quant à qualifier de victoire ce qui n’est en fait qu’un petit arrangement entre amis (grands électeurs et candidats) sur des intérêts catégoriels qui pourraient bien disparaître lors du prochain renouvellement partiel du Sénat, et redonner une majorité à la droite.
La relativité de ce succès doit également s’apprécier à l’aune des pouvoirs du Sénat. Si cette assemblée participe à l’élaboration et au vote de la loi, il n’en reste pas moins que ce sont les députés qui auront toujours le dernier mot sur son contenu. Pas de blocage donc, mais de simples grippages ou retardements dans le processus législatif. Le seul point de blocage tient aux reformes constitutionnelles dans la mesure où le gouvernement ne dispose désormais plus d’une majorité qualifiée au Congrès, d’où le vote impossible de la règle d’or, par exemple.
Pourquoi conserver un Parlement à deux chambres ?
La question de l’existence même du Sénat est donc posée dans son mode de fonctionnement et d’élection archaïques qui envoient siéger au Palais du Luxembourg des élus locaux en fin de carrière, des petits notables provinciaux qui monnayent les votes à coût de petites subventions tirées sur les réserves parlementaires, des recalés du suffrage universel, des ministres ou anciens ministres en quête d’une stabilité « professionnelle » bien rémunérée, voire même de politiques en quête d’une immunité parlementaire pour ceux qui confondent parfois intérêts publics et privés.
Bien sûr on nous dit que le Sénat, empreint d’une grande sagesse joue le rôle de modérateur face à une Assemblée Nationale qui n’hésite parfois pas à proposer des textes à visée électoralistes dont on sait qu’ils ne seront jamais adoptés. Cet argument est spécieux car si le Sénat n’existait pas, l’Assemblée Nationale, en particulier certains mouvements populistes, seraient obligés de réfréner leurs ardeurs et de se consacrer à un réel travail législatif.
Tout cela coûte donc cher pour une production législative et une efficacité relatives. Le Sénat, dans son rôle, sa composition, son mode d’élection, son fonctionnement est une institution qu’il convient de supprimer.
Cette idée fait son chemin. A titre d’exemple on signalera l’initiative du Conseil Municipal de Chevaigné (commune proche de Rennes) qui a décidé, lors du précédent renouvellement partiel du Sénat de ne pas désigner ses grands électeurs.
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