Le transport galère
Le couloir de bus ne passe pas par la piscine
Les cars scolaires
Je vous avais déjà narré l'histoire de cette classe qui, par quatre fois, avait vu son car scolaire arriver avec près de trente minutes de retard pour se rendre à la piscine. Quatre séances annulées sur les douze prévues, il y avait de quoi enrager. Puis des témoignages me sont parvenus afin de souligner que la chose n'arrivait pas que dans notre bonne ville, qu'elle était fréquente et qu'il n'y avait rien à faire …
Je ne doute pas un seul instant qu'il en soit ainsi dans les écoles du premier degré. La répartition des rôles et des responsabilités dilue tellement le problème qu'elle finit par noyer le poisson. Le directeur d'école n'est pas reconnu comme un interlocuteur valable pour réserver un car ; il doit en référer à son organisme de tutelle : la mairie.
Plus on multiplie les intermédiaires, plus le risque est grand de perdre en route la bonne information, de manquer le contre-ordre éventuel ou bien d'échapper à la précision indispensable. Au pays du jacobinisme triomphant et du mépris des subalternes, tout est mis en place pour que l'affaire tourne au ridicule. Il n'y a aucune raison qu'il en aille autrement.
Pour bien vous administrer la démonstration que Courteline et Kafka sont d'aimables plaisantins, je souhaite vous narrer la dernière péripétie d'un des jeunes dont j'ai à suivre la scolarité. Noé, nous l'appellerons ainsi, est en CP dans une classe menée de main de maître par une jeune enseignante formidable, dévouée, efficace ; oui ça existe !
Noé a une paralysie des membres inférieurs associée à une absence de sensation des sphincters. Vous pouvez aisément deviner que ce lourd handicap n'est pas simple à gérer et pourtant, il est parfaitement intégré dans sa classe où tout est fait pour qu'il mène une scolarité identique à celle de ses camarades. Pour les cours, le sport, les sorties, la jeune maîtresse met tout en œuvre afin qu'aucune différence ne se fasse sentir. C'est en tout point remarquable …
Lundi, nous recevons, au service, un appel téléphonique d'un responsable quelconque nous demandant si Noé peut passer sous la douche avec son fauteuil roulant. Belle surprise que voilà. Qui donc pouvait nous interroger de la sorte pour nous demander un telle énormité ? Qu'importe, il était trop tard pour en savoir plus ; je décidai donc de me rendre le lendemain matin, à l'heure indiquée par notre correspondant, pour voir de quoi il en retournait exactement.
A la piscine, personne n'était au courant de l'arrivée de Noé. Naturellement, l'horaire n'était pas celui de la classe et je ne pouvais attendre plus longtemps. Je m'enquis néanmoins de l'existence éventuelle d'un fauteuil adapté. Ce bassin n'en disposait pas mais il y en avait en d'autres lieux : il suffisait de prévenir le service des sports. Si c'était trop tard pour cette première séance, la chose serait possible pour les suivantes. La responsable du bassin me fournissant aimablement toutes les informations utiles.
C'est jeudi que j'allai voir mon ami Noé et sa charmante institutrice. Je voulais savoir comment s'était déroulée cette première séance, quelles avaient été les solutions de remplacement prises par la maîtresse pour pallier l'absence de fauteuil supplémentaire, puisqu'il était naturellement hors de question de mouiller celui de l'enfant. J'appris alors que le pauvre Noé était resté tout seul à l'école. Que s'était-il passé ?
Tout simplement une erreur de transmission. Pour que Noé puisse monter dans un car, il faut que celui-ci soit adapté à son handicap. La demande avait été faite en passant par les arcanes de l'administration municipale qui ne peut déléguer une telle responsabilité. Le matin, à l'heure prévue, c'est un car ordinaire qui se présenta devant l'école et, en dépit du désir de l'enseignante de prendre en charge Noé malgré tout, il lui fut retourné un refus catégorique ! La fameuse responsabilité, le néanmoins célèbre règlement et les innombrables tracasseries que mettent en avant ceux qui ne veulent jamais rien faire …
Noé resta donc à l'école tandis que ses camarades partaient vers leur première séance de natation. Vous pouvez imaginer cette injustice supplémentaire, sa rage et sa déception. Mais ce sont là broutilles au regard d'un parapluie qu'il faut toujours maintenir ouvert désormais dans ce pays engoncé dans ses textes et entravé par des hiérarchies frileuses.
Quelque temps plus tard, le car adapté arriva devant l'école pour une autre classe qui allait vers une autre destination. Le message était bien passé mais avec les inévitables interférences dues à la machinerie administrative. Ici, c'est donc une erreur de car quand ailleurs, c'est le car qui n'arrive pas souvent à la bonne heure. Il n'y a rien à faire puisque les écoles n'ont pas la responsabilité de la demande. Taisez-vous dans les rangs !
On peut se dire que tout ceci n'a guère d'importance. Oui, effectivement ; cela n'empêche nullement la terre de tourner mais c'est parfaitement insupportable, facilement modifiable avec un peu d'intelligence et de confiance, largement amendable s'il y avait une vraie volonté de déléguer, de donner un pouvoir aux directeurs d'école. Mais cela n'est pas envisageable : le personnel du premier degré est bien la dernière roue du carrosse éducatif.
Noé n'est pas allé à la piscine. Je tiens à remercier tous ceux qui , dans l' obscure chaîne de décision, sont responsables de cette injustice. Naturellement, il est bien difficile de trouver un poste nominatif à montrer du doigt : c'est si labyrinthique que tout ce joyeux monde est à l'abri du grief qui vaudra, s'il se renouvelle trop souvent, réprimande avant avertissement.
Exaspérément leur.
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