Parce qu’il le vaut !
Et alors ?
Conseil municipal extraordinaire en notre bonne ville afin de traiter dans l’urgence un dossier qui ne saurait attendre. Le bon peuple de s’interroger, de s’enquérir de ce qui mobilise ainsi toute l’attention des meilleurs d’entre-nous. La ville serait-elle en péril, menacée d’être absorbée par sa rivale tourangelle ? Le séisme des dernières législatives aurait-il bouleversé l’équilibre fragile des alliances et des concubinages ? Le budget de la cité serait-il mis à mal par les cadeaux absurdes octroyés de manière indécente à des paniers percés et des coques de noix ? Les rumeurs vont bon train et les plus folles hypothèses circulent en bord de Loire.
La défaite de l’ancien député-maire aux dernières élections ne va-t-elle pas exiger de remettre le futur ex-ministre du Châtelain sur son trône local ? Quelles seraient les conséquences de ce nouveau jeu de chaises musicales qui laisserait forcément notre bon Louis-Philippe empêtré dans son parachute traversier, lui qui a voulu franchir la Loire pour voir si les urnes lui étaient plus favorables ? L'opposition socialiste va-t-elle se scinder entre les tenants de la trahison et les derniers Mohicans d’un socialisme moribond ?
On se presse dans les travées de la grande salle du conseil municipal en dépit de la chaleur et de la curieuse heure à laquelle désormais se déroule la farce. Dans une grande ville, il convient de disposer d’une disponibilité totale pour participer à la vie municipale. Les conseils se tiennent désormais en plein après-midi du lundi, histoire d’écarter les travailleurs, classe sociale qui n’a plus sa place ici.
Mais quelle est donc l’alarme de l’heure ? Le train de vie de monsieur le Maire. La question est d’importance, il ne convient pas de s’en moquer. Son choix de ne pas mandater un nouveau poste de député l’a mis sur la paille quand l’ingratitude des électeurs a mis en péril l’avenir de deux de ses collègues. Ce monde est véritablement impitoyable et il convient de s’en préserver par des mesures appropriées.
Nos édiles ont une très haute idée de leur personne. Ils se doivent de disposer d’un train de vie confortable afin de pouvoir se consacrer pleinement à leur charge. C’est une question de prestige, de respectabilité et de justice. Curieusement, ce type d’argument ne peut s’appliquer aux employés municipaux et aux citoyens ordinaires qui eux doivent se contenter de survivre. Un élu est au-dessus du commun, et dans ce monde, la distinction se détermine au niveau du porte-monnaie.
Le compte en banque a remplacé la particule mais rien n’a changé dans la bonne ville de la branche cadette du Royaume. Le conseil tient session pour augmenter la cassette de son Prince. Parce qu’il le vaut bien, que l’homme est rond tout en se prévalant d’une forme géométrique plus anguleuse, il ne faut pas mégoter et se priver de mesure.
Pour tenir son rang, pour s’habiller comme le diable en Prada, pour être considéré par ceux qu’il fréquente dans les soirées mondaines, pour le remercier d’avoir fait don de sa personne à la collectivité, il souhaite qu’on lui fasse aumône. Le denier du culte ne pouvant servir à cette fin, c’est le denier municipal qui est grassement ponctionné.
Rassurez-vous, nous ne serons pas les seuls administrés à devoir cracher au bassinet de la grivèlerie des élus débarqués. Partout dans le pays, il conviendra de trouver de substantiels revenus compensatoires pour les exclus de la chambre. Ces gens ont intégré qu’ils devaient, par droit presque divin, vivre largement au-dessus de nous, malheureux contribuables ordinaires, citoyens de second ordre, taillables à merci pour le confort et la prospérité de nos chers représentants.
Ce monsieur vaut plus que nous. La preuve en est administrée à ses administrés incrédules. Sa charge mérite salaire c’est évident, et il conviendrait qu’une bonne fois pour toute soit déterminé le montant de cette fonction honorable et pesante, astreignante et prenante. Mais de là à calculer le manque à gagner lors d’une défaite ou d’un changement de poste, à considérer implicitement que la fonction est d’abord une source de revenus, c’est tout à la fois insulter les électeurs, rabaisser la charge à une simple question alimentaire et prendre les citoyens pour des imbéciles.
Monsieur notre Maire vaut donc bien plus que nous, les gueux de la cité. Son train de vie est une question de principe. La belle affaire que voilà. Me prend alors l’envie furieuse de m'intéresser de fort près à l’arrière-train de la chose. Un bon coup de pied remettrait sans doute les idées en place pourvu que je ne touche pas les bourses du susdit ci-devant. Mais ceci, rassurez-vous n’en restera qu’au rang de supputation fantasmée, il se pourrait bien que l’impétrant me réclame des dommages et de nombreux intérêts pour ce crime de lèse-majesté. Il n’y a que l’argent qui compte dans cette étrange caste !
Péculement sien.
Photographies République du Centre
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