Quand même
De la nuance en ce propos !
Quand même ! Voilà bien une expression qui me laisse souvent perplexe. Que signifie-t-elle vraiment ? Est-elle prononcée sur le ton du reproche avec cette petite nuance dans l’intonation qui en dit long sur le degré d’exaspération de votre interlocuteur ? : « Ah quand même ! Te voilà enfin ! » Est-elle encore un simple signe d’impatience qui se prononce en un léger soupir final ?
Que faut-il donc entendre quand on vous félicite en vous disant d’un air indéchiffrable : « C’est bien quand même … ! » J’avoue ne savoir que faire alors de cette expression qui vous place immédiatement dans le rang des improbables, des gens dont la réussite ne peut être que provisoire, fugace et incertaine. Vous souriez, vous devez faire bonne figure à cette réplique qui vous plante un couteau dans le dos.
N’y aurait-il pas parfois du « Quand bien même ! » dans la formule abrégée et plus courante que nous évoquons ici ? Ce n’est pas aisé d’en juger d’autant plus que la tournure est si obsolète qu’elle ne doit pas effleurer beaucoup de monde. Pourtant celle-ci me convient, elle se pare des nuances qui siéent à la pleine et précise subtilité d’un langage qu’on rabaisse de plus en plus au rang de créole de l’intérieur.
Certains entendent « Quand m’aimes ! » Quand m’aimeras-tu à nouveau ? Quand oseras-tu me le dire, me le glisser tendrement au creux de l'oreille. Ceux-là sont en quête d’un chevalier servant, d’une princesse de légende, ils ont l’âme Verlaine et le cœur en capilotade. Il convient de prendre très au sérieux ce cri du plus profond de leur intimité.
Quand même, il ne s’agit pas d’en faire un fromage, de délayer la réflexion sur la façon de s’exprimer de nos concitoyens. La langue a perdu ses nuances et sa précision d’horloger. Le vulgaire la maltraite, la simplifie, la dilue dans d’autres vocables. On la malaxe d’argots exotiques, de termes de la rue, de mots créés sur place. Et tout ça, quand même, fait une langue vivante, une forme de plus en plus complexe qui rend compte d’univers si différents qu’une poule n’y retrouverait plus son petit.
Il se trouve parfois des formes qui ne passent pas le seuil de la logique. La langue de bois, quand bien même serait-elle au premier degré, n’en demeure pas moins le discours de ceux qui nous conduisent tout droit au naufrage. Non seulement le pays prend l’eau, sa langue fuit de toute part et ses élites se noient dans un verbiage incompréhensible, mais en plus, le navire France sombre dans le ridicule quand ses représentants lisent fort mal des discours qu’ils n’ont même pas écrits.
Ceci pour vous dire, quand même, que nous imposer des débats de primaire à l’emporte-pièce, c’est nous demander bien des efforts pour ce qui ne sera que les préliminaires d’un pensum plus insupportable encore lors d’élections présidentielles devenues ipso facto parfaitement et délibérément secondaires.
Il faudra aller voter, quand même, et le lendemain du prochain désastre nous dirons tous que nous l’avions bien cherché quand même. Notre imagination manque-t-elle à ce point de ressources pour laisser faire et surtout dire ces minables sans leur trouver une alternative crédible, un nouvel espoir qui sortent enfin de ces langages convenus, sans renouvellement ni perspective ?
C’est, quand même, l’occasion de leur signifier que nous n’attendons plus rien d’eux quand bien même ils feraient tous assaut de promesses vaines, de grimaces factices et de paroles creuses. Quand on aime son pays, on ne peut plus longtemps accepter de laisser se poursuivre pareille mascarade. Que diable, réagissez quand même, malgré toutes ces difficultés, ces désillusions, ces soucis qui s’abattent sur nos existences. L’espoir est au bout de nos rébellions et ça, voyez-vous, c’est quand même réconfortant !
Littéralement vôtre.
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