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Accueil du site > Actualités > Economie > Adoboli et Kerviel vs Le reste du monde

Adoboli et Kerviel vs Le reste du monde

Ceux qui se souviennent de l'affaire Société générale-Kerviel et qui ont suivi la nouvelle concernant UBS ont surement été frappé par les similitudes qui unis les deux trader accusés d'avoir fait perdre à leur banque des milliards de dollars.

Pour Hollywood l'affaire est entendue, si il ne devait y avoir qu'un seul acteur pour reprendre le rôle au cinéma du natif de Pont-l'Abbé, aucun doute ce serait Tom Cruise. Par contre, je cherche encore la black star pour remplacer Kweku Adobol. Djimon Hounsou ? Trop musculeux. Morgan Freeman ? Trop vieux mais on peut lui filer le rôle du père de jeune trader. Eddy Murphy ? Trop déconneur. Peut être Cuba Gooding, qu'est-ce que vous en pensez ? La même bouille ronde et un air de Monsieur-tout-le monde à qui on peut attribuer n'importe quelle profession. Mais revenons à nos moutons.
 
Coïncidence troublantes des chiffres, 31 ans, c'est l'âge qu'avait ou qu'on les deux "rogue traders" (traders voyou) quand ils ont chuté. Mais cela n'a rien d'étonnant dans une profession où l'on début vers les 25 ans et où dépassé les 30 on est considéré comme un professionnel chevronné à qui ont peut confier de grosses responsabilités avec une surveillance allégé puisque l'on n'est plus débutant.
 
Une petite revanche pour des mal nés
 
Même si Jérôme et Kweku - j'espère qu'ils ne me tiendront pas rigueur de les appeler pas leurs prénoms- ne viennent pas du même milieu social, le premier est le fils d'un artisan forgeron et d'un coiffeuse alors que l'autre est l'enfant d'un fonctionnaire de l'ONU. On n'a pas de mal à deviner qu'il ne sont pas comme des poissons dans l'eau dans le milieu de la haute finance. Kerviel doit côtoyer beaucoup de fils de médecins, de banquiers ou de haut fonctionnaires alors que Adoboli doit être l'un des rares blacks de la salle des marchés d'UBS. 
Leurs parcours universitaires les singularisent aussi. L’université de Nottingham est au loin d'Oxford et de Cambridge que ne l'est celle de Lyon de Polytechnique ou des Mines. Leurs parcours professionnels aussi est particuliers, avant d'atteindre le Graal de la salle des marchés, leur chemin de croix a été le back ou le middle-office où ils ont pu apprendre comment étaient traitées les opérations initiées par les traders et éventuellement comment déjouer les contrôles internes ou externes. Finalement d'une faiblesse ils en ont fait une force puisque qu'ils devaient être parmi les rares traders à connaitre toutes les étapes d'une opération de marché, de son initiation à son dénouement en passant par les appels de marges et les contrôles.
 
Nos deux amis ont aussi comme point comme point commun leur altruisme. D'après certains témoignages, Kerviel n'hésitait pas à transférer quelques unes de ses opérations bénéficiaires dans les livres de compte de ses collègues moins chanceux et à partager avec ses anciens collègues des services administratifs les cadeaux qu'il recevait des courtiers (vin, champagne, chocolat etc.). Qui irait chercher des poux dans la tête d'un collègue si sympa ? Odoboli lui, organisait des soirées bien fournies en alcool et en filles dans son duplex londonien. On peut être trader et avoir l'esprit redistributif comme un Robin des Bois (surtout quand on a suivi ses études à Nottingham)
 
Ont-ils tous les deux cherché à compenser un complexe par un coup d'éclat en prenant des risques démesurés ? Je ne suis malheureusement pas un des ces psy à la petite semaine qui sévissent sur le plateau de C dans l'air pour y répondre. Mon intention n'est pas de faire le procès de ceux qui réussissent à la force du poignet (cette expression me fait toujours marrer !) ou des université de province, n'oublions pas que quand le Gan ou le Crédit Lyonnais ont frôlé la faillite personne n'a remis en cause l’enseignement dispensé à l'ENA d'où été issue beaucoup de dirigeants de la banque et de l'assureur.
 
Le plus intéressant des points communs entre les deux traders est, selon moi, le fait qu'ils travaillaient dans le même type de métier, le Delta One, supposé être une activité aux risques très limités...cela fait peut quand on pense qu'il doit exister dans chaque banque une dizaines de métiers plus périlleux !
 
Qu'est-ce que le Delta one ?
 
Cette appellation à consonance guerrière désigne une activité sur produits dérivés non-optionnels et ses sous-jacents où les cours de deux produits liés évoluent de manière identique. En français, qu'est-ce que cela veut dire ?
 
Prenons un exemple simple : à 15 heure le Cac40 (indice de référence des actions françaises) vaut 3.000 points et le dérivé Cac40 à échéance décembre vaut 3.100. Si à 16 heure le Cac40 augment de 1% et donc se retrouve à 3.030 points, son dérivé future CAC40 décembre devrait coter 3.131 points (3.100 +1%). Voilà d’ailleurs l'explication pour "one", un en anglais, car le rapport entre évolution du cours du dérivé et de son sous-jacent devrait théoriquement être égal à 1, le mot "Delta" désignant un écart.

Heureusement pour nos joyeux spéculateurs, "la main invisible du marché qui corrige toutes les anomalies de marché" est parfois occupée à faire quelque d'autre aux heures de travail et la correction ne se fait pas ou mal. Si au lieu de coter nos 3.131 points le Cac40 décembre est à 3.135 cela signifie qu'il est trop cher de 4 points et qu'il faut donc le vendre car tôt ou tard le prix s'ajustera à son cours théorique et donc redescendra. Les marges sur ce type d'activité sont infimes en pourcentage et si on veut faire des gains conséquents qui couvrent tous les frais (frais de courtage, salaires des traders, ceux du middle et du back office, la location d'immeuble somptueux etc.) il faut engager de très gros montants. C'est donc une activité grosse consommatrice cash, contrairement aux produits optionnels qui offrent des effets de leviers importants- 1 euro joué peut rapporter ou faire perdre 10 euros-.
 
Voilà selon moi l'explication de l'ampleur des fraudes observées dans une activité qui devrait être peu risquée, puisqu'il faut parier des montants colossaux pour être bénéficiaire, rien de plus naturel pour les middle, back office et autre contrôleurs et auditeurs que de lire ces montants énormes dans les contrats alors que dans des activités optionnelles toute transaction supérieure au million d'euros met la puce à oreille de tout banquier.
 
Notre champion national a tout de même l'avantage au point avec 4,9 milliads d'euros contre "seulement" 1,6 milliards pour son alter ego anglais "d'origine ghanéenne" comme le désigne les médias anglais (cela me rappelle Yannick Noah) même si il semble que l’addition finale pour UBS puisse encore évoluée. Même si les pertes sont d'un même ordre de grandeur pour le commun des mortels -imaginez que vous héritier d'un oncle d'Amérique 49 milliards de dollars ou 1,6, vous ne serait pas moins heureux dans le second cas- la différence est grande pour les établissements concernés. Quand la Société générale annonce la fraude en janvier 2008, la banque se portait bien et le monde n'était pas en crise alors que la perte d'UBS intervient après une long séries de déboires pour la banques zurichoise -de grosses pertes sur les subprimes, une amende de 780 millions de dollars infligées par l'administration américaine pou avoir aidé des contribuables à frauder le fisc, la pertes de nombreux clients suite à toutes cette affaire- mais surtout dans un contexte de défiance vis à vis de la solidité des banques européennes (voir "On ne va pas encore nationaliser les banques !") 
 
Et l'avenir ?
 
Quelle sera la stratégie de défense que va adopter Kweku ? Même si très peu d'informations ont filtré jusqu’à aujourd'hui, je suis prêt à parier une caisse de champagne que sil il est établi qu'il est à l'origine de grosses pertes elle sera la même que celle de Kerviel : "j'ai fauté, c'est vrai, mais ma direction était au courant et m'a même encouragé". Comme Kerviel il rencontrera le même problème ; apporter la preuve positive (et non pas "ils ne pouvaient pas ne pas savoir") qu'UBS était au courant et approuvait ses agissements.
 
A tout malheur quelque chose est bon, cette affaire renforce encore un peu plus les partisans d'une séparation des activités de banques d'affaire et d’investissement et de banques de dépôts.

Je tiens à rappeler que Jérôme Kerviel a interjeté appel et que Kweku Adoboli n'a toujours pas été jugé. Tous deux sont donc présumés innocents des faits qui leur sont reprochés.

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8 réactions à cet article    


  • colza 20 septembre 2011 10:32

    Ce type, comme Kerviel, est « tombé » pour « opération illégale ».
    Si son « opération illégale » s’était soldée pour un bénef de 2 milliards de dollars pour UBS, aurait-il été sanctionné et, question subsidiaire, à combien d’« opérations illégales » se livre chaque année un trader du « Delta One » ? smiley


    • Le taulier Le taulier 20 septembre 2011 11:13

      D’abord ces opérations ne sont pas illégales mais non autorisée. Par exemple si tu as le permis de conduire et que tu empruntes la voiture de ta femme (mais que vous avez payé ensemble) sans lui demander son autorisation c’est non autorisé mais pas illégal.

      Si ces opérations non-autorisées s’étaient soldées par des gains le mec aurait été viré sauf que cela se serait fait dans le plus grand secret (sans flic ni justice) et qu’il aurait reçu un sacré chèque en échange de son silence. Cela se fait tout les jours dans la finance.


    • Jude 20 septembre 2011 11:43

      Article intéressant.

      Dans le cas de Kerviel, il a mené des opérations non autorisées mais les a camouflées de manière illégale. Il a d’ailleurs été condamné pour « faux en écriture de banque, usage de faux et atteinte au système de traitement automatisé des données ».

      PS : vous auriez du relire votre texte, il comporte beaucoup de fautes ou de mots oubliés


      • Jude 20 septembre 2011 12:07

        Je me permets de vous les lister pour une meilleure lecture et que d’éventuels contradicteurs ne puissent pas détourner le sujet principal. J’espère que vous ne m’en voudrez pas. smiley J’aurai préféré le faire par mail mais le site n’offre pas la possibilité d’écrire aux auteurs. Merci à la modération de les corriger puis de supprimer mon commentaire :

        3e § :

        « c’est l’âge qu’avait ou qu’on les deux »rogue traders«  » : avaient et non avait
        « dans une profession où l’on début vers les 25 ans » : débute
        « qui ont peut confier » : on
        « avec une surveillance allégé » : allégée

        4e § :

        « On n’a pas de mal à deviner qu’il ne sont pas » : ils
        « Leurs parcours professionnels aussi est particuliers » : sont à la place de est

        6e § :
        « d’où été issue beaucoup de dirigeants de la banque et de l’assureur. » : étaient issus

        7e § :
        « cela fait peut quand on pense » : peu

        10e § :
        « à faire quelque d’autre aux heures de travail » : quelque chose d’autre ?
        « la location d’immeuble somptueux etc.) » immeubles

        12e § :
        « vous ne serait pas moins heureux » : vous ne seriez
        « pour la banques zurichoise » : banque
        « une amende de 780 millions de dollars infligées » : infligée
        « pou avoir aidé des contribuables » : pour
        « la pertes de nombreux clients suite à toutes cette affaire » : perte et toute

        13e § :
        « que sil il est établi qu’il est à l’origine » : s’il

        15e§ :
        « Jérôme Kerviel a interjeté appel » : en appel


        • Le taulier Le taulier 20 septembre 2011 18:28

          Merci des corrections signalées. C’est vrai que Kerviel a été condamné en première instance et qu’il ne nie pas les faits mais comme il a interjeté appel (j’ai vérifié c’est le bon terme et pas en appel) je m’en tiens à une présomption d’innocance.


        • Elysium Elysium 20 septembre 2011 16:57

          Le vrai scandale dans cette affaire, c’est peut-être moins le trader qui a fait perdre sa banque, que la banque elle-même !
          Plusieurs médias ont évoqué que la perte aurait eu lieu en spécualnt contre le Franc suisse (spéculation à la hausse du franc) Si ça se confirme, alors, c’est vraiment grave ! Car ça impliquerait que l’UBS, banque suisse, sauvée avec l’argent du citoyen suisse aurait trahi son pays (La banque centrale suisse, la BNS, avait racheté pour 39 milliards d’actifs toxiques et la Confédération avait injecté, en plus dix milliards, de fonds propres en octobre 2008, évitant ainsi à l’UbS de se trouver en cessation de paiements) La Suisse lutte en effet avec l’énergie du désespoir contre la surévaluation de sa monnaie afin de sauver son tourisme et son industrie d’exportation qui sont dangereusement renchéris par cette montée du franc, face à l’Euro et au dollar (valeur-refuge en cas de crise)

          Si ça se confirme, malgré les guignols que les banques ont un peu partout dans le pouvoir politique, l’UBS ne va pas s’en sortir ainsi !


          • Le taulier Le taulier 20 septembre 2011 18:30

            Bonjour,

            je n’ai pas abordé ce sujet car il y a des choses très contradictoires actuellement. J’ai lu qu’il avait spéculé sur le cours de change du France suisse dans un journal puis dans un aurte que c’est sur les indices Dax et Footsie.


          • BA 20 septembre 2011 21:32
            Mardi 20 septembre 2011 :

            Union Européenne : Bruxelles juge une recapitalisation des banques « peut-être nécessaire ».

            Une nouvelle recapitalisation des banques européennes sera « peut-être nécessaire » en raison de l’aggravation de la crise de la dette, a déclaré mardi le commissaire européen chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia lors d’une conférence de presse.

            Il va proposer d’étendre les règles mises en place par la Commission en 2008 et 2009 pour permettre aux gouvernements d’apporter une aide publique à leur secteur bancaire.

            « Malheureusement, avec l’aggravation de la crise des dettes souveraines, de nouvelles banques auront peut-être besoin d’être recapitalisées » en plus des neuf qui n’ont pas réussi les tests de résistance des banques effectués en juillet, a dit M. Almunia.

            Dans ces circonstances, « je vais proposer cette année de prolonger les règles autorisant les aides d’Etat » mises en place en 2008-2009, « afin de permettre aux gouvernements de continuer à aider publiquement leurs banques au-delà de 2011″, a-t-il annoncé.

            Ce recours au financement public doit intervenir « en dernier recours », a-t-il mis en garde, encourageant les banques à se « financer sur les marchés et à prendre toutes les mesures possibles, comme la vente de filiales et la limitation des dividendes, avant de se tourner vers le soutien public ».

            « J’aurais préféré qu’on revienne plus tôt aux règles normales » de concurrence, « et c’était mon intention jusqu’à cet été. Mais la situation à laquelle nous sommes confrontés plaide pour une prolongation du régime existant » permettant aux Etats d’aider leurs banques, a-t-il expliqué.


            En clair :

            Contribuables européens, préparez-vous à payer.

            Contribuables, vous allez payer pour recapitaliser les banques européennes.

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