Dans l’ombre des banquiers centraux
Mervyn King a tout récemment été nommé pour un second mandat à la tête de la Banque d’Angleterre en dépit d’une certaine réticence manifestée par le Premier ministre britannique. Toutefois, les faux pas évidents de King dans la déroute de la banque Northern Rock n’ont pas terni le prestige d’un homme considéré comme un des artisans de l’expansion économique de son pays ces dix dernières années. De plus, c’est King, en sa qualité de sous-gouverneur puis de gouverneur, qui a inauguré et conduit avec succès l’indépendance de la Banque d’Angleterre.
Au même moment, son collègue américain de la Fed, Ben Bernanke, accomplissant la première moitié de son premier mandat de quatre ans, semble mal parti pour un second mandat.
Ayant pris ses fonctions le 1er février 2006 après avoir été choisi par George W. Bush, Bernanke est considéré comme un républicain modéré. Tout comme Mervyn King, Ben Bernanke est sous le feu de critiques encore plus intenses l’accusant de n’avoir pas démarré à temps les baisses de taux américains, d’être responsable de l’emballement des prix et de la baisse du dollar... Les critiques les plus virulentes le rendent également responsable d’avoir encouragé le développement des prêts subprimes ces dernières années et même ses plus fervents soutiens ont été déstabilisés par ses décisions récentes, la plus spectaculaire ayant été à ce jour la baisse en urgence de 0,75 point des taux américains ! Malheureusement pour Bernanke, Bush ne sera plus président lorsque sonnera le moment de sa réélection et il est fort peu probable qu’il sache la négocier avec le brio de son prédécesseur Alan Greenspan. Ce dernier avait effectivement démontré son talent politique et son opportunisme en occupant ce poste successivement sous des présidents républicains et démocrates, soit sous les présidents Bush père, Bill Clinton et Bush fils. Greenspan avait eu la chance de voir son mandat renouvelé à la fin du premier mandat de Clinton en 1996. Entre temps, il avait su convaincre Clinton d’adopter une approche fiscale prudente qui avait contribué à faire prospérer l’économie américaine. Il n’est même pas acquis que Bernanke soit ré-appointé en cas de victoire du républicain McCain car celui-ci s’est distancé du président de la Fed en plusieurs occasions et dispose de son propre panel de spécialistes financiers de haut vol. Bien évidemment, le sort de Ben Bernanke est étroitement lié à l’économie de son pays et 2008 sera à ce titre déterminante. Ainsi, si les Etats-Unis parviennent à éviter la récession, il conservera en ses mains de précieux atouts pour sa réélection.
C’est dans une tout autre posture que se trouve Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne. Son attitude empreinte de sang froid et de détermination dans la gestion de la crise mondiale a en effet favorablement marqué les esprits. Fortement critiqué par certains politiques européens pour son manque de flexibilité, Trichet fait néanmoins naviguer la BCE dans les eaux troubles de la conjoncture mondiale tout en maintenant son objectif ultime de lutte contre l’inflation. Comparé à Trichet, son homologue américain Bernanke exprime fébrilité et manque d’expérience. Du reste, c’est Jean-Claude Trichet qui, le premier, avait réagit le 8 août dernier à l’aube de la crise subprimes en injectant près de 100 milliards d’euros sur les marchés afin d’éviter une crise du crédit. Cette institution vieille de dix ans seulement et autrefois fort controversée a pu ainsi acquérir ses lettres de noblesse avec, à sa proue, la figure emblématique et rassurante de Jean-Claude Trichet. Pourtant, il semble que des temps plus durs attendent Jean-Claude Trichet, principalement si les Etats-Unis sombrent dans une récession. En effet, la croissance commence déjà à se tasser en Europe, certains pays comme l’Irlande et l’Espagne subissent un effondrement immobilier et les pressions inflationnistes en Europe laissent craindre des renégociations salariales à la hausse... De plus, il semblerait qu’une crise bancaire européenne se profile du fait de certains établissements de l’Union qui n’auraient pas été transparents quant à leur exposition aux subprimes ! Dans une telle hypothèse, Trichet subirait alors une pression intensifiée de la part des politiques et la lutte contre l’inflation devra être alors reléguée au second plan.
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