Décroissance or not décroissance ?
La croissance c’est comme faire l’amour, si c’est trop laborieux, il n’y a plus de plaisir !
Les entretiens du Professeur VaZlin’. [email protected] le 23 Mars 2017 N° 255
Ah la « décroissance » quel malheur !
Nos gouvernements nous ont tellement martelé que la croissance c’est le progrès, le confort, le bien être, etc.. que le mot « décroissance » est devenu synonyme de « sacrifice ».
Chacun se dit : « aujourd’hui, c’est parce qu‘il y a peu de croissance que mon pouvoir d’achat baisse, que je vois plus de chômeurs, que les services publics se dégradent, que les impôts augmentent, etc.. qu’est-ce que ce serait si nous nous trouvions en décroissance ? »
Bref, hors de la croissance point de salut !
J’y croyais dur comme fer jusqu’à ce que l’on me parle de « croissance comptable », que je vais illustrer par le « paradoxe du point noir » ([i])
Imaginez le cas suivant : notre gouvernement, ému par le nombre d’accidents sur les routes secondaires ([ii]) décide d’éliminer tous les « points noirs ». Il lance un emprunt pour en financer les travaux. Ces travaux exécutés, - victoire -, en quelques années, le nombre d’accidents s’effondre.
Ça, c’est bon ! Moins de décès, moins de veufs et d’orphelins, moins de soins, ça c’est bon pour le trou de sécu. Moins de frais d’assistance, moins d’ambulances, moins de voitures à remplacer, moins de dépannages, moins de primes d’assurance, moins d’absentéisme au travail, moins de gâchis des ressources naturelles, etc..etc.. donc un « mieux social » et plus de pouvoir d’achat.
C’est pas de la « bonne » croissance ça ?
Eh bien, NON ! et c’est ça le « paradoxe du point noir » car pour le gouvernement, c’est de la « mauvaise » croissance !
Pourquoi ? parce que cette « bonne croissance » ne se fait sentir qu’à moyen terme !
À très court terme – c'est-à-dire, pour boucler le budget de l’Etat en fin d’année -, cette embellie pose un double problème comptable :
1) le budget se trouve plombé de l’emprunt levé pour les travaux, plus les intérêts futurs ;
2) et surtout, moins de voitures à remplacer, moins de dépannages, moins de soins, moins d’enterrements etc.. etc.. etc.. sur lesquels la TVA s’applique, ce sont moins de rentrées fiscales !
L’inverse de ce que le gouvernement nécessite urgemment pour boucler son budget !
Donc, geler les dépenses d’entretien des routes pour faire des économies et ne pas emprunter, c’est que du bon pour le budget. Mieux, si l’on pousse le raisonnement, en laissant se dégrader les routes : augmentation des « points noirs » ! avec sa cohorte d’accidents, de pannes, de soins etc.. c’est à dire, de frais sur lequel la TVA s’applique : que du bon pour les recettes fiscales ! plus on casse, plus c’est bon !
Dans ce cas, adieu le « mieux social », les Français morflent, mais le budget est bouclé grâce à cette « croissance comptable » !
Je dis « comptable » car, comment peut-on parler de croissance quand on détruit ?
Pour ceux qui vont posséder moins que hier, qui devront dépenser pour remplacer ce qu’ils possédaient hier, qui vont souffrir plus qu’hier, pour eux, c’est de la décroissance !
Alors, que signifie cette « croissance comptable » qui nous est imposée ?
Notre gouvernement a déjà répondu :
Déclaration de Michel Sapin le 30 mai 2014 lors d’un séminaire gouvernemental :
« Si la consommation des ménages a diminué, c'est parce que la consommation d'énergie a baissé du fait du beau temps. C'est mauvais du point de vue du produit intérieur brut.
A l'inverse, une marée noire provoque une croissance supplémentaire parce qu'elle suscite une activité supplémentaire pour réparer les dégâts dus à ladite marée noire. »
Oui, vous avez bien lu : ah s’il y avait eu une marée noire ! Quelle belle croissance !! Mieux, une centrale nucléaire qui explose ! Quel bonheur ! le budget serait bouclé pour les vingt ans à venir ! Quelle superbe « croissance » c’eût été !
Consternant !
C’est quoi ce bordel ! C’est quoi, ce « Dieu croissance du PIB » qui se nourrit des catastrophes et de nos « sacrifices » ?
Houps ! que se passe-t-il ? Nous venons d’associer « sacrifice » à « croissance », et non à « décroissance » ! Car c’est bien la « décroissance de notre bien-être » auquel notre gouvernement est prêt à nous condamner dans sa quête stupide d’une « croissance comptable » - bonne ou mauvaise -, qu’il justifie par de telles âneries ! »
Quant à nous, posons-nous la question ? Est-ce si grave de renoncer à cette « croissance comptable » ? Ne serait-il pas plus intéressant et urgent d’aspirer à une « décroissance » de tout ce qui rend notre vie stressante, fragile et difficile ?
Ce sera l’objet d’un autre entretien.
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