Inde, chimère de la croissance économique
L’Inde, une des super-puissances de l’Asie, dont la croissance économique semble s’accélérer à une vitesse vertigineuse, est loin d’être conforme à l’image qu’elle présente dans des médias internationaux.
L’Inde a parcouru un long chemin. Il y a des années, l’économie n’arrivait à maintenir qu’une croissance annuelle d’environ 4% du produit intérieur brut (PIB), alors elle avait commencé à grimper, s’élevant à 6% et puis à une moyenne de 8% pendant les trois dernières années.
Ce taux de croissance relativement élevé a été réalisé dans un contexte macro-économique plus ou moins stable. L’inflation maîtrisée, la balance des paiements plus ou moins optimisée, la menace de l’augmentation des prix du pétrole reculant, l’environnement macro-économique devenait de plus en plus favorable.
On n’est pas donc étonné de voir le premier ministre Manmohan Singh parler de la possibilité d’un taux de croissance annuel de 10%. Cependant, en dépit d’un bilan avéré très positif de son parcours professionnel, on doute fort qu’en Inde, la croissance économique puisse atteindre une telle ampleur.
En effet, il est difficile d’imaginer une augmentation significative du taux de croissance au cours des années à venir, lors qu’aucun changement n’est en vue, ni à court terme ni à long terme. La Planning Commission elle-même a fait remarquer certaines mesures gouvernementales qui empêcheraient de dépasser le taux de croissance actuel.
Il est vrai que les réformes économiques entreprises en 1991 ont eu de véritables retombées positives sur l’économie indienne. Depuis lors, même le secteur de fabrication, qui retardait, a gagné un élan remarquable. Mais les domaines où l’Inde est relativement le plus en réussite sont ceux où c’est le plus facile d’y parvenir.
Quelque impressionnante que soit la représentation de l’Inde dans des médias internationaux, au sujet de son intégration globale, la réforme économique a été aussi cahotante qu’hésitante. Même des partis politiques qui, au cours de la dernière décennie, les ont soutenus lorsqu’ils étaient au pouvoir n’ont pas d’ailleurs oublié de les discréditer à la veille des élections pour plaire à leur électorat.
Cette duplicité se reflète le mieux dans le comportement des partis de gauche. Dans les Etats où ils sont au pouvoir, ils sont souvent conduits par l’inexorable logique de l’imminente faillite fiscale et obsédés par l’investissement, jugé favorable à la réforme ; tandis qu’à New Delhi, leurs idéologues se livrent souvent à des harangues démagogiques dénigrant la politique d’investissement étranger direct à tue-tête.
Le Parti communiste indien (marxiste) n’arrête pas de demander au gouvernement fédéral de passer en revue la politique sur des zones économiquement conviviales (ZEC), estimant que de telles unités blesseraient des recettes fiscales à la longue. Ils pensent qu’en accordant des primes aussi élevées aux ZEC, le gouvernement risque de perdre 21,5 millions de dollars en recettes fiscales.
On estime également que seulement 25% de la terre destinée aux ZEC serait employée pour la fabrication tandis que le reste serait employé à des buts commerciaux. Ce qui signifie que ZEC s’adressent essentiellement à des immobiliers. Réclamant une halte jusqu’à ce que soit fait un examen complet de la politique de ZEC, les leaders de gauche signalent que la croissance aveugle de ZEC est non seulement nuisible aux intérêts de la communauté paysanne, mais constitue également une menace devant la sécurité nationale de nourriture en raison de l’acquisition des champs agricoles à grande échelle.
A quoi donc s’attendent-ils ? A un retour en arrière ? Absolument pas. Le gouvernement de gauche, actuellement au pouvoir dans l’Ouest Bengale est allé jusqu’à acquérir une région agricole importante dont ont été bien entendu expulsés un bon nombre de fermiers pour un projet de mini automobile de Tata.
Cette politique de deux poids, deux mesures du parti marxiste n’est pas confinée uniquement à la question de ZEC, mais va également en impliquer d’autres, aussi bien sur le plan économique que politique. Alors que celui-ci soutient les mouvements des ouvriers au Kerala, à l’Ouest Bengale, le parti tend à interdire la grève dans des secteurs de technologie de pointe.
En général, en raison de l’hétérogénéité sociale et de l’inégalité économique, l’environnement social et politique en Inde est tellement déchiré de conflits qu’il serait difficile d’y établir un consensus et de mener à bien une telle réforme à long terme, basée surtout sur la loi du marché.
Cependant, l’intégration économique d’un pays au marché global exige qu’il soit ouvert aux investissements étrangers, qu’il adhère aux lois du travail flexibles et se donne des politiques fiscales bien soignées.
Dans un pays avec un niveau de pauvreté aussi élevé accompagné d’inégalités économiques profondes, de telles réformes ne pourront jamais gagner le terrain. L’Inde donc a misérablement échoué dans son intention de vendre son projet de réforme aux masses.
En effet, la discipline fiscale est très importante pour garantir la crédibilité et la perennité des politiques macro-économiques. Sur ces points, l’Inde a très mal joué, contre toute attente. Même en minimisant tout calcul, la quantité du déficit fiscal du pays (y compris celui des gouvernements des Etats fédérés) est monté jusqu’à 7,5% du PIB pour l’année fiscale de 2006, ce qui est pourtant inférieur de 2% au niveau de l’année 2001. Tant il est vrai que le déficit de l’Inde est le plus grand parmi les principaux pays dont le marché est en train d’émerger.
Tout de même, la réforme gagnerait peut-être un peu plus de popularité, si elle pouvait s’attaquer efficacement à des problèmes d’infrastructure publique de base, comme l’éducation, la santé, l’eau potable, l’irrigation, etc., s’avérant viscéralement insuffisants. Le gouvernement y est tellement indifférent qu’à Vidarva, un district dans l’Etat de Maharastra, victimes de cette réforme libérale, plus d’une centaine de fermiers de coton endettés viennent de se suicider.
En plus, dans l’euphorie de voir le taux de croissance s’élever au cours des dernières années, on ne devrait pas oublier, non plus, par exemple, que le secteur de la santé en Inde est plus mal en point même qu’un certain nombre de pays africains - par exemple, en Inde, non seulement le pourcentage des enfants sous-alimentés est cinq fois plus grand qu’en Chine, mais encore, la situation est plus pourrissante que dans la plupart des pays africains.
La réforme économique ne bénéficie qu’à une poignée d’Indiens, dont, surtout, les grands industriels, tandis que la vaste majorité n’en vit que des conséquences graves, et le taux de croissance sert uniquement à alimenter la fantaisie des peuples indiens dupés par leurs leaders cherchant à dévier leur regard de la réalité qui continue à se dégrader chaque jour.
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