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La controverse autour de la monnaie chinoise dévoile les carences de nos politiques monétaires

Les fluctuations des monnaies étant loin d’être un jeu à somme nulle, les attaques en règle contre la politique chinoise du Yuan faible ne sont en réalité que des protestations à caractère protectionnistes car la demande agrégée dans les pays importateurs est également susceptible d’être encouragée par des mesures de politique monétaire. Un Yuan faible n’aurait en effet pas le même impact sur les activités économiques respectives des Etats-Unis et de l’Europe si la Réserve Fédérale et la Banque Centrale Européenne, aujourd’hui pieds et poings liés par des taux zéro ou proches du zéro, disposaient encore d’une certaine marge de manoeuvre pour réduire leurs propres taux d’intérêts.

 Dans un tel circuit hermétiquement fermé où les devises disposeraient du pouvoir exclusif de conditionner les déséquilibres mondiaux, certaines nations (pauvres) contourneraient ce Yuan faible en dévaluant leur monnaie nationale pendant que les Etats-Unis et l’Europe ne sauraient profiter de ce luxe sans provoquer de fortes tensions internationales... Au demeurant, et même dans cette hypothèse, la politique monétaire resterait néanmoins un outil précieux à disposition des Banques Centrales Occidentales qui leur permettrait d’améliorer leur consommation intérieure en procédant simplement à une augmentation de leur niveau de tolérance à l’inflation. Pourtant, nos nations aisées restent comme tétanisées par le niveau actuel de la devise chinoise et en tout cas peu enclines à opter pour des mesures peu orthodoxes qui seraient susceptibles de relancer - au moins partiellement - leur activité intérieure et ce en dépit de l’environnement hyper concurrentiel imposé par le Yuan. Il est regrettable que le conventionnalisme de nos autorités économiques et Banques Centrales soit ainsi un tel facteur de blocage dans un contexte où la population chinoise au niveau de vie très nettement inférieur au nôtre, elle, a impérativement besoin de ce Yuan faible pour ses exportations.

De fait, et même dans l’hypothèse où nos Banques Centrales seraient impuissantes dans la conjoncture actuelle de leurs taux quasi nuls, un Yuan plus élevé n’est pas le remède car les devises sont partie intégrante d’une politique monétaire : Un Yuan plus ferme aura de facto un impact déflationniste alors qu’un Yuan faible aura des conséquences expansionnistes au niveau des politiques monétaires. Les fluctuations des monnaies n’étant décidément pas un jeu à somme nulle, c’est ainsi qu’il faut comprendre les mesures hyper expansionnistes adoptées en leur temps par le Président Franklin D. Roosevelt qui réussit à raviver les anticipations inflationnistes - et donc la propension à consommer - grâce à l’affaiblissement du billet vert ! Politique équivalente adoptée aujourd’hui par les chinois et décriée par les américains...

Indispensable à un certain stade au moins dans l’objectif de canaliser et d’éviter la surchauffe de l’économie chinoise, l’appréciation du Yuan - qui équivaudra donc à un resserrement de politique monétaire - ne saurait de surcroît être promue que dans un contexte de nette amélioration de la conjoncture économique mondiale. Les dépréciations boursières de ces dernières semaines ne semblent-elles pas en effet faire écho aux mesures concernant les réserves bancaires mises en place par Pékin en Janvier dernier et ayant résulté en un raffermissement indirect de leurs taux ? Doit-on rappeler les malencontreuses hausses de taux américaines de 1937 au moment crucial où leur économie, pas encore totalement sortie de la dépression, renouait enfin avec une croissance solide ?

L’amélioration des balances commerciales américaine et européenne vis-à-vis de la Chine n’est qu’une considération mineure car un ralentissement économique éventuel de la Chine aurait aujourd’hui des conséquences dévastatrices sur notre monde dit « développé » qui ne se sort que péniblement d’une crise ayant bien failli l’emporter ! Du Sud-Est Asiatique à l’Australie en passant par l’industrie Allemande, les effets contre productifs sur la Chine d’un Yuan plus fort se doivent ainsi d’être jaugés avec prudence et humilité par ceux qui semblent aujourd’hui être partisans d’un retour au protectionnisme.

Cette dispute autour du niveau approprié de la devise chinoise tend à fragiliser davantage notre monde - économiquement et politiquement - et c’est du reste à travers ce prisme qu’il convient d’interpréter le regain de tension entre les Etats-Unis et la Chine à propos des ventes d’armes à Taiwan ou de la prochaine rencontre du Président Obama avec le Dalaï Lama... Les Etats-Unis ayant récemment annoncé leur intention de doubler en cinq ans leurs exportations alors qu’il est évident que tous les pays ne peuvent être excédentaires commercialement, n’oublions pas les précieux enseignements de la Grande Dépression. C’est en effet le protectionnisme qui nuit toujours le plus aux balances commerciales.
 

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9 réactions à cet article    


  • ddacoudre ddacoudre 17 février 2010 09:33

    bonjour michel

    intéressant, depuis 2002 que la chine c’est ouverte au marché, souvent je me pose la question de l’usage que va faire un état « dictatorial » du capitalisme, vu une activité plus tourné vers les exportation et l’achat de dette américaine, je les suspecte plus d’une stratégie politique qu’économique. avec leur marché intérieur il n’ont nullement besoin de nos importations.

    j’ai le souvenir des premières discutions sur la vente des premiers tgv il voulaient et ont obtenu que leur soit vendu avec la technologie. je n’ai pas de méfiance particulière, seulement une interrogation les USA ne vont pas se laisser damer le pion sans réagir, (j’entends militairement).

    les analyses que tu fais peuvent dévoiler cela, en les comparant a celles qui nous ont apporté des conflits, même si tout n’est pas comparable en soi, car nous avons instauré des « amortisseur ».


    • ffi ffi 17 février 2010 11:36

      Désolé, mais je n’ai pas vraiment compris le sens de ce texte (trop technique)

      Par exemple, que signifie ceci en Français courant ?

      Les fluctuations des monnaies n’étant décidément pas un jeu à somme nulle, c’est ainsi qu’il faut comprendre les mesures hyper expansionnistes adoptées en leur temps par le Président Franklin D. Roosevelt qui réussit à raviver les anticipations inflationnistes - et donc la propension à consommer - grâce à l’affaiblissement du billet vert !

      Cela signifierait-il que la gestion monétaire de l’économie n’a aucune efficacité et qu’il faut adopter des politiques économiques basées sur des projets concrets ?


      • xbrossard 17 février 2010 14:33

        surtout la guerre offre un énorme avantage ; quand vous venez de dévaluer pour faire fondre vos dettes, les pays étrangers détenteurs de vos dettes ont de bonne raison de vous en vouloir.
        Alors, leur faire la guerre (pour leur rabaisser leurs caquets) ou mieux encore leur donner un coup de main supprime la dette « morale » que vous pourriez avoir...

        La question importante a trouver maintenant est donc : après que tout s’écroulera, contre qui se retourner pour se faire pardonner ? pourquoi pas contre les pays qui dispose d’une finance à peu près saine, par exemple les pays islamiques ?


      • R.L. 17 février 2010 16:34

        Lorsque je lis Frédéric Lordon, je comprends tout.
        C’est un vrai économiste lui. Mais en plus, il écrit très bien (et ils sont rares les économistes...) et est un excellent pédagogue qui ne cherche pas du tout la simplification tout en étant clair.
        Lisez son article intitulé « Si on fermait la bourse... » dans le dernier numéro du Monde Diplomatique. Formidable.

        Plus extra encore, son petit livre « Jusqu’à quand ? ». Rien que l’introduction est un régal.
        Allez, je retourne le lire et l’annoter smiley


      • plancherDesVaches 17 février 2010 12:58

        Bonjour Monsieur Santi.

        Pas un mot sur la zone de libre-échange créée à l’initiative des Chinois... ???
        Vous me décevez smiley

        Tiens, libre-échange... espèce de copieur de l’Europe et des BRIC... tout ça pour se séparer du dollar...

        Et coup de pied au cul magistral à l’OMC, aussi.
        Logique : ils n’ont pas obtenu de droits de vote supplémentaires dans les plus hautes instances économiques mondiales.

        Les Asiatiques me plaisaient déjà, mais là, c’est de plus en plus.


        • le naif le naif 17 février 2010 13:02

          Petite info au passage

          http://www.la-chronique-agora.com/articles/20100217-2511.html

          ▪Puisqu’on en est à parler de faillite obligataire, voyons un peu ce que nous disait le site investir.fr ce matin : "la Chine a reculé au deuxième rang des détenteurs d’obligations du Trésor américain en décembre, derrière le Japon, après avoir occupé la place pendant 15 mois".

          "Les étrangers sont restés acheteurs nets d’actifs américains à long terme en décembre, mais le rythme a ralenti et un nombre record d’obligations ont été revendues« .
           
           »La Chine a été vendeur net d’obligations du Trésor, son portefeuille ayant baissé de plus de 34 milliards de dollars à 755 milliards de dollars en décembre, soit la baisse mensuelle la plus importante depuis au moins 2000, date à laquelle le Trésor a mis en place ces statistiques en ligne. Le Japon a pris la tête avec 769 milliards de dollars d’obligations du Trésor détenues en décembre".

          On dirait bien que la Chine commence à se lasser de la prodigalité de son principal client et débiteur... et qu’elle commence aussi à douter de l’utilité de caresser ledit client et débiteur dans le sens du poil.


        • ddacoudre ddacoudre 17 février 2010 16:59

          bonjour plancher des vaches

          a force de cligner vers eux tu vas avoir les yeux bridés, mais si pour faire la guerre de pouvoir aux marchés il nous contraignent à importer leurs misère nous ferons la gueule car ce ne sont pas ceux du cac 40 qui trinquerons mais nous. difficile donc de trouver la solution. si ce n’est d’aller voir du coté du bric, s’il veulent aussi développer leur marché intérieur plutôt que de venir couler le notre. le fait de concevoir que l’on soit la tête et eux les jambes ne durera pas bien long temps.

          cordialement.


        • HanKuang HanKuang 18 février 2010 03:06

          Dans le cadre actuel des relations sino-américaines, la querelle monétaire est avant tout politique, ou relève davantage de considérations politiques intérieures américaines pour la Maison Blanche et le Parti démocrate à mi-parcours — le mid-term — tout en ayant à affronter la rage populiste des « tea party ».

          L’autre sujet de préoccupation — et d’interrogation — se rapporte essentiellement à l’intention, pour les Américains, de doubler en cinq ans leurs exportations. Mais exporter quoi puisque leurs importations en provenance de la Chine proviennent essentiellement de la délocalisation, par leurs propres firmes, d’usines dans ce pays ? (Les pneumatiques chinois bon marché constituent le meilleur exemple à cet égard.)


          • epapel epapel 19 février 2010 17:25

            La monnaie chinoise :
            - est soumise au contrôle des changes au contraire des autres monnaies.
            - n’est pas flottante car son taux de change est imposé par le gouvernement chinois sur la base d’une parité fixe avec le dollar.

            Il y a deux conséquences :
            - le dollar a beau baisser, ça n’a aucun effet sur le déficit commercial des USA vis à vis de la Chine
            - quand le dollar baisse vis à vis de l’euro, ça donne un avantage commercial à la Chine vis à vis le l’UE

            Conclusion :
            - le but de la Chine est pérennise l’accroissement du déficit commercial des USA vis à vis d’elle
            - tous les échanges entre la Chine et le reste du monde sont faussés car ils sont de fait indexés sur la politique monétaire américaine

            Rappelons que la Chine ne respecte pas les engagements qu’elle avait pris sur la libération des changes afin d’être admise à l’OMC, la Chine est donc le passager clandestin du commerce international. Cette situation perdure car elle favorise la politique de délocalisation des multinationales qui permet d’accroître leur bénéfices.

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