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Accueil du site > Actualités > Economie > La question des hautes rémunérations (8) : Que conclure ?

La question des hautes rémunérations (8) : Que conclure ?

L’écart entre les hautes rémunérations dont bénéficient les dirigeants de certaines grandes entreprises et la généralité des salaires, notamment les plus faibles, suscite un sentiment d’incompréhension et de rejet même si l’opinion conteste de moins en moins l’économie de marché qui en est la cause première. Aucun raisonnement objectif, si convaincant et si argumenté soit-il, ne permettra d’y mettre fin, comme le montre la persistance des polémiques même dans les pays les plus attachés au libéralisme, comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne. Seul, un comportement honnête et mesuré des acteurs économiques concernés permettra de l’atténuer, sans qu’ils puissent espérer, à défaut d’adhésion, autre chose qu’une forme de résignation.
Il est en effet inconcevable de remettre en cause la transparence des hautes rémunérations, imposée par la voie légale qui constitue désormais la servitude, mais aussi la grandeur de la position de président directeur général de société cotée. Cette exigence qui est spécifique à cette catégorie particulière d’agents économiques appelle en contrepartie beaucoup d’objectivité et de retenue de la part de ceux, analystes, journalistes ou hommes politiques, qui commentent ces données pour éviter la chasse à l’homme ou au bouc émissaire qui est devenue trop souvent la pratique en la matière.
La fixation des hautes rémunérations doit rester avant tout la responsabilité des conseils d’administration, seuls à même de recruter, de contrôler, d’évaluer et de démettre les présidents directeurs généraux de sociétés cotées. Ce pouvoir exclusif, qui trouve sa sanction dans un éventuel renvoi par l’assemblée générale des actionnaires, impose une obligation d’information et d’explication dont les conseils d’administration ne peuvent se décharger sur le président directeur général, en particulier s’il est le bénéficiaire des décisions prises.
Discernement et mesure doivent inspirer les décisions. La pratique du marché, élargi aux cadres dirigeants, constitue une référence légitime et inévitable. Mais avant tout les conseils d’administration doivent faire preuve de sagesse et de courage et ne pas se laisser duper par le mythe du sauveur providentiel derrière lequel s’abritent souvent les abus et les excès en matière de rémunération. Face à un candidat exprimant des exigences déraisonnables, il y toujours un autre choix possible, souvent de caractère interne, peut-être moins flamboyant et médiatique, mais tout autant et peut-être plus efficace. C’est la responsabilité et l’honneur des conseils d’administration que de savoir garder raison en la matière, y compris dans les circonstances les plus difficiles.
Les présidents directeurs généraux en fonction ou futurs doivent s’astreindre, plus que je ne l’ai fait moi-même, comme je l’ai expliqué dans mon livre, à apprécier lucidement leur propre situation au regard de la situation de l’entreprise et des réactions et sentiments de l’ensemble de ses parties prenantes. Ils doivent savoir y appliquer leur esprit, quelle que soit l’urgence des autres tâches prioritaires qui les accaparent.
Vous l’avez compris, mon parti pris est que, par un comportement transparent, raisonnable, retenu et responsable, l’autorégulation des entreprises devrait permettre que la question des hautes rémunérations sorte progressivement de l’actualité et de la polémique. Mais une course contre la montre est engagée entre cet effort nécessaire et la pression de l’opinion publique dont les entreprises auraient tort de sous estimer les effets possibles. Si elles devaient perdre cette course, c’est la solution néerlandaise qui prévaudrait, c’est-à-dire tôt ou tard le plafonnement ou l’encadrement législatif de tels ou tels éléments de la rémunération.
En tout cas, que l’arbre ne nous cache pas la forêt ! Cette question à laquelle j’ai pourtant consacré beaucoup de notes n’a que peu de rapports avec la réalité de l’immense majorité des entreprises, ne concernant qu’un très petit nombre d’entre elles. Il est temps maintenant de tourner cette page !

Post scriptum  :
Ces derniers jours, l’Assemblée Nationale, en examinant en première lecture, le projet de loi « Confiance et modernisation de l’économie » a adopté deux amendements qui, s’ils étaient maintenus jusqu’au terme de la procédure, modifieraient marginalement le régime juridique des rémunérations des présidents directeurs généraux.
L’un d’eux est celui proposé par la
Commission des Lois que j’ai déjà commenté dans ma note numéro 4, relative à la transparence. Il s’agit de faire en sorte que le rapport qui rend publiques ces rémunérations soit exhaustif, que les commissaires aux comptes en attestent l’exactitude et la sincérité et qu’un défaut de publication entraîne la nullité des avantages consentis, toutes précisions tellement cohérentes avec l’obligation de transparence qui était déjà acquise qu’elles ne justifients pas d’objections.
L’autre amendement a été adopté à l’initiative du Gouvernement et vise à soumettre, dans les sociétés cotées, au régime des conventions règlementées, c’est-à-dire à l’approbation a posteriori de l’assemblée générale des actionnaires sur rapport des commissaires aux comptes, « les engagements pris au bénéfice de leurs présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle (...) et correspondant à des éléments de rémunération ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de ou postérieurement à la cessation de ses fonctions(...). »
Cette disposition qui s’applique évidemment également aux sociétés à conseil de surveillance et à directoire vise principalement les indemnités de départ et les compléments de retraite. Il s’agit donc d’un tranfert partiel de responsabilité ultime du conseil d’administration vers l’assemblée générale des actionnaires pour les types d’avantages liés ou postérieurs au départ du dirigeant.
Cette innovation, inspirée d’une disposition britannique qui est en fait de nature différente puisque le vote de l’assemblée générale n’y a qu’un caractère consultatif et ne peut annuler les avantages déjà consentis, n’est pas réellement convaincante. D’une part, je l’ai déjà écrit, je crains les effets pervers sur le comportement des dirigeants et des instances concernées de ce transfert de responsabilité. D’autre part, le caractère partiel de ce dernier peut entraîner des réactions d’ajustement qui permettront d’en contourner les inconvénients en utilisant plus intensivement les instruments de rémunération qui ne seront pas soumis à la procédure des conventions règlementées.
On peut donc être sceptique quant à l’efficacité réelle de cette législation de circonstance. En tout cas, les conseils d’administration auraient tort de considérer que satisfaire à cette nouvelle obligation les exonère de l’effort d’autorégulation qui reste indispensable, sauf à s’exposer dans l’avenir à des initiatives politiques beaucoup plus brutales.

Prochaine et dernière note : (9) Réactions


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