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Le business du CO2

L’OMC vient de rappeler aux Etats qu’aucun accord concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne saurait être conclu s’il n’est pas compatible avec les règles du libre échange.

Avis aux Etats qui seraient tentés par des mesures que l’OMC trouverait trop protectionnistes : le business d’abord ! On voit où nous mènent la concurrence libre et non faussée, la sanctification du marché.
 
Produire plus propre, avec moins de carbone, d’accord, disent-ils, mais pas touche au système dont il faut seulement ravaler la façade pour le rendre plus présentable, surtout pas toucher aux fondations. Tant pis si l’édifice chancelle. Ils croient -en tout cas ils veulent- sauver leur modèle. Celui symbolisé par Madoff, ce financier tout puissant de Wall Street, qui a pu détourner 65 milliards de dollars ! Hélas, pour lui, la bulle financière a éclaté, révélant les terribles failles du système. Il a pris 150 ans…pourquoi pas 200 ou 300, la morale est sauve.
 
« Pensons à l’après-crise, au défi majeur qui nous attend avec « le réchauffement climatique » qui nous concerne tous » : c’est la nouvelle tarte à la crème pour susciter toutes les peurs et détourner l’attention sur la faillite de ce capitalisme qui passe au vert pour nous faire oublier qu’il nous a mis dans le rouge.
 
Et pour mieux esquiver sa responsabilité dans la fuite en avant en faveur d’un mode de production qui n’a pas lésiné sur le pillage des ressources de la planète et l’exploitation des peuples jusqu’à l’esclavage, au prix d’insupportables inégalités et de dégâts considérables sur notre environnement. Ils nous disent : « attention cela ne peut plus durer  » confondant pollueurs et pollués comme ils tentent de rendre captifs de leur productivisme, les consommateurs qu’ils poussent à l’endettement.
 
Finie la lutte des classes, c’est dépassé, passons à l’écologie, il est temps d’instaurer quelques mesures pour réduire la consommation d’énergies et de produits trop riches en carbone. Il est temps en effet, car ils ont tellement pillé les énergies fossiles, tellement endommagé notre environnement qu’ils ne peuvent pas faire autrement que de se donner bonne conscience, ne serait-ce qu’aux yeux d’électeurs qui ne voient que les progrès technologiques, le confort dont ils bénéficient, relativement à tant de peuples laissés dans le sous-développement.
 
La réponse du capitalisme vert
 
Reconnaissons-le, ils ne sont pas à court d’idées. Par exemple, s’ils sont impuissants à endiguer l’hémorragie des emplois (que voulez-vous, c’est la crise), ils créent des sociétés qui se donnent pour mission d’aider les entreprises, en leur fournissant des données climatiques pour gérer leur impact sur leurs activités.
 
Ils réfléchissent à des dispositifs, comme la taxe carbone, incitant particuliers et entreprises à produire et à consommer moins de carbone. Pourquoi pas ? Mais là ça devient plus délicat, on touche au porte-monnaie des plus pauvres et aux profits des plus riches. Pas facile de concilier les deux.
 
C’est d’ailleurs pourquoi le « Grenelle de l’environnement » initial ne l’avait pas programmé. Voilà qu’on en parle à nouveau en haut lieu avec une « contribution énergie climat » qui se propose de taxer les produits selon leur contenu en carbone. Mais le gouvernement hésite à créer une nouvelle taxe pour ne pas pénaliser les entreprises -toujours la crise- et Borloo a renvoyé la question à 2011…dans le meilleur des cas. Certains, à droite, sont favorables à une taxe carbone qui se substituerait à la taxe professionnelle, principale ressource des communes !
 
Et puis il y a le marché du carbone, on n’arrête pas le progrès. Un marché qui se développe, fondé sur le principe de l’attribution de droits à polluer pour les entreprises qui dépassent leurs quotas d’émissions de gaz à effet de serre et qui peuvent acheter la différence à des entreprises qui atteignent leurs objectifs et disposent d’un reliquat de droits d’émission non consommés. Avec l’argent récupéré en bourse elles peuvent continuer à faire des économies de carbone.
 
Cela paraît astucieux mais, comme tous les marchés financiers, c’est plein de chausse-trappes et de risques, de très gros risques, on n’en est pas sorti. Le prix, qui dépend du volume de la demande de ceux prêts à payer pour polluer et dont l’activité s’est réduite (la crise). Ils polluent moins donc moins de demande et chute des cours. Au début, le prix, en Europe, tournait autour de 30 euros la tonne de CO2 , ces derniers jours il était tombé sous les 10 euros.
 
A noter que si les centrales et les industries à forte consommation d’énergies peuvent acheter jusqu’à 40% du volume total des émissions de CO2, les secteurs du bâtiment et des transports en sont exemptés ?
 
Et puis rien n’empêche une entreprise d’acheter sur n’importe quelle place financière du monde, il faut faire jouer la concurrence, n’est-ce pas, d’autant qu’il n’y a guère d’harmonisation d’un continent à l’autre. Comme on n’entend plus parler de cette fumeuse prétention à réglementer les marchés, et même à les moraliser, on se dit que la spéculation a encore de beaux jours devant elle.
 
Le groupe financier américain NYSE s’est associé avec l’ensemble des places boursières européennes, fusionnées depuis le 4 avril 2007, pour former un ensemble de 15 000 milliards d’euros de capitalisations boursières.
 
Ce nouveau monstre financier a créé avec la Caisse des Dépôts et Consignations, le 21 décembre 2007, une bourse de l’environnement qui se veut mondiale pour faire face à la financiarisation des marchés du carbone, peut-on lire sur Wikipédia.
 
Comme quoi tout devient marchandise, même les droits à polluer qui auraient la vertu de réduire les émissions de gaz à effet de serre !
 
Le rapport 2009 de la Banque mondiale sur l’état du marché du carbone indique qu’il a doublé pour atteindre 126 milliards de dollars, mais il accuse une tendance à la baisse, (toujours la crise), parce que les investisseurs potentiels prêts à quelques reconversions technologiques plus propres attendent les engagements des Etats, le sommet de Copenhague pour concrétiser leurs projets, nous dit-on.
 
La question du réchauffement climatique global et anthropique (à laquelle je n’adhère pas), tombe à point nommé pour faire oublier que ce sont les abus mêmes du capitalisme, sa nature profonde, ses gâchis matériels et humains, ses échecs cuisants à réduire les inégalités -si tant est qu’ils le veuillent- à respecter l’environnement, à placer l’économie au service des hommes et de la sauvegarde de la nature…c’est cette réalité qu’il leur faut absolument occulter. Oui, il y a besoin de beaucoup plus d’écologie, d’écologie politique, incompatible avec le libéralisme.
 
L’idée que la croissance verte va nous sortir de la crise en prend un sérieux coup quand on voit comment ils préparent « l’après-crise », comme si elle était derrière ? Ils aggravent toutes les tendances qui nous y ont plongés : dérégulations, privatisations, baisse du coût du travail, chômage, précarisation, liquidation des acquis sociaux…la liste est encore longue.
 
Leur objectif, de plus en plus contesté, c’est de continuer à transformer la planète en un vaste marché de consommateurs captifs dont l’immense majorité ne peut accéder aux droits humains fondamentaux : se nourrir, se loger, se soigner, s’instruire, avoir un travail correctement rémunéré, être reconnus et respectés.
 
On n’est pas obligés de laisser faire. Les idées alternatives ne manquent pas au plan économique et social, ni environnemental. C’est leur concrétisation au plan politique qui redonnera confiance à tous ceux qui l’ont perdue.
 
René Fredon

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8 réactions à cet article    


  • wesson wesson 1er juillet 2009 11:27

    Bonjour l’auteur et merci pour cet excellent article.

    L’instauration d’un marché des droits à polluer, c’est effectivement un excellent candidat pour la prochaine bulle financière, dont il est prédictible qu’il causera la prochaine grosse crise sans qu’il ne règle en aucune manière le problème environnemental.

    La encore, il convient de dire le plus simplement possible les choses telles qu’elles sont : la protection de la planète n’est pas et ne sera jamais compatible avec le libéralisme. Le libéralisme cherche à maximaliser les profits à court terme, la rente exceptionnelle, tandis que la protection de la planète ne peut se concevoir que dans la durée.

    Voilà, tand que l’on ne parlera pas de revenir à une configuration fortement contrainte et limitée du capitalisme, la terre n’est pas prête de mieux respirer !


    • omar omar 1er juillet 2009 11:58

      Article excellent.

      Dommage qu’il ne renseigne plus avant sur les principaux initiateurs de ces « nouveaux » courants idéologiques qui surfent allègrement sur l’émotion et la culpabilité afin de créer les conditions d’une nouvelle bulle spéculative géante.


      • Jec75 1er juillet 2009 13:33

        Atterrant. Simplificateur et populiste. Sans parler des contradictions (quel besoin de dénoncer l’inefficacité des politiques de lutte contre le changement climatique puisque vous nous dites que vous ne croyez pas au réchauffement climatique...).

        Quant à la bulle, il faut comparer ce qui est comparable. la bulle financière était due à la titrisation de dettes, qui permettait de créer un effet multiplicateur pour obtenir plus de crédits, à nouveau titrisés. D’où le cycle infernal de création de produits financiers sans fin qui s’échangeaient sur des marchés, sans que plus personne n’ait les moyens de rembourser des dettes dont on ne connaissait plus l’origine.

        Pour le carbone, les quantités de quotas sont limitées par une enveloppe fixée par la commissions européenne. Il ne sera donc pas possible de créer une bulle puisque le nombre de quotas est bordé. Et que les émissions déclarée sont vérifiées par des cabinets techniques, ce qui n’était pas le cas des subprimes... Je vous fais d’ailleurs remarquer qu’à partir de 2012, la commission a affiché le pourcentage de réduction des quotas alloués, pour aller contre les défauts constatés en 2005 d’une allocation trop permissive par les Etats membres.

        D’ailleurs, les émissions de CO2 étant liées à la consommation d’énergie, on peut considérer que l’activité industrielle est planifiée - et vous le regrettez ?

        Ceci dit, je trouve amusant que vous dénonciez une bulle à venir tout en nous expliquant que le marché s’éffondre et que c’est un scandale...

        Documentez vous.


        • wesson wesson 1er juillet 2009 14:18

          Bonjour Jec75,


          d’abord il convient de parler de la titrisation au présent, et non pas au passé comme vous le faite. D’une part les titres qui ont tout fait exploser existent encore, on les a simplement planqué dans le hors bilan, mais aucun n’a été annulé, ce qui pourtant aurait été une mesure de salut public.

          Pour la suite, même si vous avez des quotas fixés, la spéculation se chargera très vite de gager ou jouer sur les quotas futurs alloués. Ce qui ira se trader, c’est les droits sur les quotas à venir, et les annoncer d’orhes et déjà très limité, c’est un appel direct à spéculer là dessus : vous pensez, un produit commercial dont on peut contrôler / organiser la rareté à volonté, c’est pratiquement le cas d’école du libéralisme !

          voilà encore une fois pourquoi cette histoire du marché du CO2 est une nouvelle bombe financière inventé par les libéraux, et qui nous pétera à la gueule comme toutes les précédentes. 

        • Fredon 4 juillet 2009 19:30

          Bonjour Jec75,
          Absent quelques jours, je n’avais pas eu le temps de vous dire ce que m’inspire votre réaction. Avec tout le respect que je vous dois, même si ce n’est pas réciproque, vous avez le droit de ne pas être d’accord et de le dire.
          J’ai l’impression que vous avez lu un peu en diagonale. Passons sur vos qualificatifs.
          Où sont les contradictions et les inexactitudes ? Dans les citations de l’OMC et de la banque mondiale ? Dans l’approche de la taxe carbone...du marché du CO2 ?
          On peut évidemment discuter de l’interprétation d’une politique, fût-elle environnementale.
          Il n’y a nul besoin de croire ou non à la théorie « du réchauffement climatique global et anthropique » (vous ne citez pas ces deux derniers adjectifs...) pour être convaincu qu’il est temps de mettre un frein -et je dirais même un terme- au productivisme et au tout marchand, autrement dit au capitalisme parce qu’il génère une course aux profits à court terme incompatible avec le respect de l’environnement, comme avec une répartition équitable des richesses produites avec toutes les conséquences sur la santé publique, l’alimentation, le niveau de vie, pour faire court.
          Si je ne crois pas à la pensée unique sur ce sujet, je ne devrais pas me mêler des politiques écologiques et suivre aveuglément dirigeants, experts...sans me poser de questions ?
          Vous me dîtes que l’activité industrielle est planifiée ? Je ne m’en étais pas aperçu. Vous auriez pu me dire que Wall Street s’était convertie au socialisme et que Sarkozy s’apprêtait à le faire ! C’est à peu près pareil. Quant à la finance, à la monnaie, au crédit...je les sens toujours au service des politiques libérales et même si le gouvernement envoyait un représentant dans les conseils d’administration, ça ne changerait rien. Et la spéculation continue. Même le CO2 en est un objet.
          Merci Wasson pour votre mise au point ainsi qu’aux autres intervenants.
          J’ai tout à fait conscience de ne pas avoir tout dit, loin s’en faut, d’autant que mes connaissances ne sont pas illimitées...
          Je me permets de vous recommander quelques références, comme l’article du Monde du 27/6 de Max Dorra « Contre la cécité volontaire », Le dernier Frédéric Lordon « La crise de trop, reconstruire un monde failli », celui de Paul Boccara « Capitalisme mondialisé : quelle alternative ? », « Technosciences et démocratie » de Jacques Testart...parmi nombre de chercheurs et d’auteurs pas très sollicités sur les plateaux de télé. Ce n’est qu’un tout petit échantillon.
          Je ne demande qu’à poursuivre le dialogue.
          René Fredon


        • Lapa Lapa 1er juillet 2009 16:47

          le marché carbone (dans lequel ont investi massivement le gouroux Al Gore et d ’autres avant leurs films écoélocorrects) promet effectivement d’être juteux pour quelques uns.
          Le peuple est toujorus prêt, bien conditionné, à courber l’échine et gober n’importe quoi pour se faire racketter sur le thème du réchaufement climatique , d’autres récolteront la manne.

          ceci ne veut pas dire qu’une tva sociale et environnementale ne soit pas une bonne idée par contre (notamment pour lutter contre la pratique d’aller faire faire en chine un truc qu’on sait très bien faire ici). Mais il s’agit de taxe et non de marché. Donc pas de droit à polluer.


          • Jean Lasson 1er juillet 2009 23:48

            @ BobGratton,

            Non, malheureusement, le pétrole ne se renouvelle pas. Cette idée du pétrole « abiotique » était un canular qui n’a jamais pu être confirmé. Lire à ce propos cet article de Richard Heinberg.

            Mais ce fait ne retire rien à l’escroquerie du CO2 (cf. plus bas) !


          • Jean Lasson 1er juillet 2009 23:37

            Merci à l’auteur pour son bon angle d’attaque de la question.

            Je remets ici un commentaire écrit sous cet article d’hier traitant la question sous un autre angle, plus bureaucratique. Je sais qu’en principe ça ne se fait pas, mais mon excuse est d’être très en colère contre les prêtres de cette nouvelle religion et le troupeau bêlant de ceux qui les suivent.

            Il est maintenant raisonnablement prouvé que le réchauffement climatique anthropique (RCA) est une hypothèse fausse, qui n’est confirmée par aucune observation. Tous les scientifiques qui se sont sérieusement penchés sur la question le savent. Les seuls qui maintiennent cette fiction y ont intérêt (professionnel et/ou financier).

            Sur les aspects scientifiques, voir tout le site pensee-unique.fr (ou pensee-unique.eu, car le premier n’est pas accessible par Free ou Aliceadsl, et ce depuis plus d’un mois...)

            Mais la question qui revient est : pourquoi le GIEC et certains scientifiques entretiendraient-ils une telle fiction ?

            Nous avons à présent une réponse apportée par un long et passionnant article de Matt Tiabbi (1re partie et 2nde partie ; désolé, l’article est en anglais). L’auteur y décrit la prochaine bulle : celle des crédits de carbone. Il s’agit d’un marché annuel de mille milliards de dollars à terme. La banque Goldman Sachs est positionnée, depuis longtemps, pour en tirer d’immenses bénéfices en toute certitude. La semaine dernière, Obama a fait adopter par la chambre des représentants la législation ad hoc (cap-and-trade bill). Quelle surprise, on en a assez peu parlé dans les médias... L’Europe va suivre, bien sûr, lors de la grand-messe de Copenhague cet automne. Sur ce sujet, lire aussi cet article de Paul Jorion (déjà cité plus haut, il est en français).

            Voilà la raison de la promotion de l’escroquerie du RCA : créer un marché de mille milliards de $, basé sur du vent mais profitable aux banquiers et autres « hélicologistes » (N Hulot, Y Arthus-Bertrand, JM Jancovici, Al Gore, etc.) Ceux qui sont sincères et qui suivent le mouvement devraient quand même savoir pour qui roulent le GIEC et tous ces gens-là. Vous croyez au RCA et soutenez la réduction des gaz à effet de serre par les crédits de carbone ? Alors vous êtes un « idiot utile » pour ces escrocs qui, eux, sont très malins et vous méprisent pour votre naïveté. 

            Je ne sais toujours pas si, techniquement, il serait possible de compenser la baisse de production du pétrole et du gaz. Mais, de toute façon, si l’humanité perd son capital dans de telles opérations qui sont autant de « mésinvestissements » flagrants, il est évident qu’il ne sera pas possible d’effectuer les bons investissements indispensables pour amortir la décroissance énergétique qui débute.

            L’avenir se dessine et il ressemble de plus en plus au présent de la Corée du Nord...

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