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Le Produit Populaire Brut : une autre vision de l’histoire économique récente

 L’indicateur le plus communément utilisé, la croissance du Produit Intérieur Brut prend en compte l’évolution des revenus des classes aisés, des classes moyennes et des classes populaires. Mais que se passe-t-il lorsque l’on isole les seuls revenus des classes moyennes et populaires ? Quels nations et quels modèles économiques au sein des pays développés ont été les plus performants lors des trente dernières années si l’on exclut du calcul les classes les plus aisés de la société ? Quel population a dans sa grande majorité le moins bénéficiée des fruits de la croissance ? A ces questions, le Produit Populaire Brut donne des éléments de réponse pour le moins surprenants.

L’augmentation des revenus des plus aisés doit-il être un objectif politique à part entière ? La plupart de ceux qui répondront oui à cette question avanceront que l’augmentation des plus hauts revenus permet de favoriser l’investissement, de motiver les éléments les plus talentueux ou encore d’améliorer les recettes de l’Etat. L’augmentation des plus haut revenus est rarement décrite comme une fin politique en soi mais le plus souvent comme un moyen.

Dans le débat public français et j’imagine dans la plupart des autres pays européens, la fin en soi de la politique économique semble être l’augmentation des revenus des classes moyennes et populaires. Cependant, l’indicateur le plus fréquemment évoqué, la croissance du PIB (ou son proche parent le Revenu National Brut), prend non seulement en compte l’évolution des revenus des classes moyennes et populaires mais également ceux des plus aisés. Pourtant, si c’est bel et bien la croissance des revenus des classes moyennes et populaires qui est recherchée, un indicateur isolant les revenus des classes moyennes et populaires devrait permettre de juger plus convenablement l’efficacité de différentes politiques économiques.

A ma connaissance, un tel indicateur n’existe pas. En me fondant sur les travaux de Piketty et Saez sur les inégalités de revenu, j’ai créé assez facilement un indicateur de croissance du revenu des 90% de la population ayant les plus faibles revenus, c’est-à-dire un indicateur de croissance excluant les 10% les plus aisés. J’ai choisi d’appeler cet indicateur le Produit Populaire Brut. Les résultats sont plutôt surprenants et donnent une autre perspective sur l’histoire économique des trente dernières années. N’ayant de chiffres fiables sur les inégalités de revenu que jusqu’en 2006, la période étudiée sera 1980-2006, soit grosso-modo, le quart de siècle précédant la Crise.

Afin d’effectuer une petite comparaison internationale, j’ai choisi 6 pays développés pour lesquels j’avais des données fiables : la France, Les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Italie et la Suède. Comparons tout d’abord l’évolution du Revenu National Brut (RNB) pour ces 6 pays entre 1980 et 2006. Le RNB est un indicateur quasi-similaire au PIB.

Source OCDE ; Base 100= 1980

Source OCDE

 

On voit qu’en termes de croissance pure, les Etats-Unis ont été de loin les plus performants entre 1980 et 2006 avec une augmentation de 120% de son revenu réel contre seulement 67% pour la France ou 82% pour la Suède. La performance du Royaume-Uni est également remarquable avec une croissance réelle de 94% sur ce quart de siècle.

Réalisons désormais la même analyse mais sur l’évolution du Produit Populaire Brut.

Produit Populaire brut = Revenu Disponible pour les 90% de la population ayant les revenus les plus faibles

Source OCDE et Saez et Piketty ; Base 100=1980

Source OCDE et Saez et Piketty

 

Les résultats obtenus sont considérablement différents. Les Etats-Unis ne sont plus loin devant mais devancent désormais seulement de peu la Suède. La performance du Royaume-Uni est désormais comparable à celle de la France ou du Japon avec une croissance 60% sur 1980-2006 du revenu réel des 90% de la population aux plus bas revenus.

Mais creusons encore plus loin afin de mesurer convenablement l’évolution des revenus de la grande majorité de la population de ces pays durant ce quart de siècle. Les 6 pays analysés ont eu des trajectoires démographiques très différentes durant cette période. Les Etats-Unis ont eu une démographie dynamique, la France une démographie modérée et le Royaume-Uni, le Japon, la Suède et L’Italie une démographie molle. J’ai donc comparé l’évolution des revenus des 90% des plus bas revenus par habitant durant cette période. Les résultats sont encore plus surprenants.

Source OCDE et Saez et Piketty ; Base 100=1980

Source OCDE et Saez et Piketty

Ce sont donc les membres classes moyennes des classes moyennes et populaires suédoises qui ont vu leur revenu par tête le plus augmenté durant ces 26 ans et ce malgré la grave crise financière et économique traversée par la Suède au début des années 90. La Suède est suivie par le Royaume-Uni, le Japon et la France. Les Etats-Unis se disputent la dernière place avec l’Italie pourtant mondialement reconnue pour sa croissance atone. Bref, pour 90% de leur population, mieux valait être suédois, japonais, britannique ou même français qu’américain si on voulait voir ses revenus augmenter. Ce que révèlent également ces chiffres, c’est que l’essentiel des écarts de croissance entre les différents pays développés s’expliquent par l’enrichissement des 10% les plus aisés. Lorsque l’on prend uniquement en compte les 90% des plus bas revenus, soit l’immense majorité de la population, les écarts sont bien moins conséquents.


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14 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 12 janvier 2011 12:59

    en suede il fait tres froid
    en italie bcp moins
    donc rien que ce budget change les choses


    • plancherDesVaches 12 janvier 2011 14:21

      Et surtout, Foufouille, ils ont le bois gratuit...


    • plancherDesVaches 12 janvier 2011 14:20

      Suède = ikéa. Ikéa = travail en pays sous-développés par des enfants.

      Et ce n’est pas la première fois que ce fait est cité.

      Par contre, « la population suédoise a atteint un niveau de vie enviable reposant sur les deux piliers de la haute-technologie et d’un État-providence puissant » (Wikipédia)
      Soit, ce qui est en train de se faire détruire en France.

      Bravo et merci aux gouvernements depuis 1993 : privatisation générale par Monsieur Balladur en faisant signer l’ accord « AGCS ».


      • tmd 12 janvier 2011 15:32

        La Suède se classe si bien car elle a su au début des années 1990 limiter son État providence. La pilule a été amère à l’époque, mais ce dégraissage de l’État a permis à l’état suédois de se concentrer sur des missions plus réduites. La part de l’État dans l’économie a été réduite. La Suède en gagne aujourd’hui le retour sur ce passage difficile : elle est bel et bien sortie de la crise, alors que la l’État français creuse ses pertes en accroissant encore année après année la part de l’État dans l’economie.


        • plancherDesVaches 12 janvier 2011 16:17

          Tmd, tu as « oublié » de lire Wikipédia.
          Mais bon, comme c’est un truc de gauche, ça doit pas te plaire.

          http://fr.wikipedia.org/wiki/Su%C3%A8de

          D’ailleurs, on se demande ce que tu fais sur le net, hormis promouvoir ta propagande.


        • tmd 13 janvier 2011 11:45

          Vous avez n’avez pas dû lire les passages de l’article Wikipedia qui disent exactement la même chose que moi ! Je cite : "Le modèle économique de développement suédois, reposant sur la social-démocratie, après avoir assuré une forte croissance, affronte ses premières difficultés dans les années 1990. C’est l’époque où le pays entreprend de grandes réformes, pour alléger une fiscalité parmi les plus lourdes du monde et rendre plus flexible son marché du travail. Les années 1990 voient aussi la réforme du système de retraite." (qui est maintenant en partie par capitalisation !)

          Maintenant, concernant vos attaques personnelles, j’y répondrai simplement en disant que j’aime Wikipedia parce que c’est libre. J’aime Linux parce que c’est libre. Le libéralisme n’est pas une valeur de droite comme vous le pensez. Le libéralisme cherche à laisser la liberté,le choix et le pouvoir dans les individus, plutôt que de donner sa liberté à un État que certains croient tout puissant et qui dérive malheureusement toujours vers le totalitarisme.


        • Traroth Traroth 16 janvier 2011 23:26

          Le libéralisme économique n’a rien à voir avec la liberté. Cessez de jouer sur les mots, vous êtes ridicule !


        • Blé 13 janvier 2011 07:03

          Article intéressant, clair, et en plus, j’ ai tout compris.


          • Daniel Roux Daniel Roux 13 janvier 2011 09:11

            @ l’auteur

            C’est toujours intéressant de lire des analyses originales.

            « L’augmentation des plus haut revenus est rarement décrite comme une fin politique en soi mais le plus souvent comme un moyen. »

            La seule fin politique qui vaille est la suppression de la misère.

            Il existe également un indice dit de « développement humain » de plus en plus utilisé pour comparer ce qui est comparable sur des critères quantifiables.

            ées 2007 Variation par rapport à 2006 Données 2007[5] Variation par rapport à 2006[5] 1  Norvège 0,981 0,001 2  Irlande 0,975 0,002 3  Canada 0,969 0,002 4  Australie 0,966 0,001 5  Islande 0,965 0,001 6 (1)  Pays-Bas 0,964 0,003 7 (1)  Suède 0,964 0,002 8 (3)  France 0,961 0,003 9  Suisse 0,960 0,001 10  Japon 0,960 0,002 11 (3)  Luxembourg 0,960 0,001 12 (1)  Finlande 0,959 0,004 13 (1)  États-Unis 0,956 0,001 14 (2)  Autriche 0,955 0,003 15  Espagne 0,955 0,003 16 (2)  Allemagne 0,955 0,002 17  Belgique 0,953 0,002 18 (1)  Italie 0,951 0,001 19 (1)  Royaume-Uni


            • sleeping-zombie 13 janvier 2011 10:01

              Analyse instructive, et point de vue original, j’aime beaucoup.

              Ca aurait le must de pondérer ces jolies courbes par l’inflation durant la même période, parce que quand j’entends une collègue dire « en 80, je pouvais louer un appart à Paris avec mon salaire de secrétaire débutante », je la crois, mais du coup je doute que l’indice de richesse ait cru de 40% durant cette période...


              • Walid Haïdar 16 janvier 2011 23:48

                Article qui aurait pu être intéressant s’il avait intégré la redistribution des richesses.


                Vous ne mesurez pas semble-t-il ici, la richesse redistribuée sous forme de soins « gratuits » (avec cotisation dépendant des revenus) et autres services publiques.

                Y en a marre des pseudos analyses bidons et partielles qui fond passer des idées fausses.

                Ici, on a l’impression que le populo Français est à peine mieux loti que l’américain, et bien moins loti que le britannique, ce qui est faux, et n’intègre pas toutes les données importantes.

                • Nathanael Faibis 17 janvier 2011 00:10

                   Vous croyez vraiment qu’il est possible de faire une analyse non-partielle mais complète d’une question aussi complexe en l’espace d’une page ? Ai-je prétendu donné une image exacte de la situaion économique des différents pays cités ?


                   Un indicateur, aussi intéressant soit-il, restera toujours un indicateur soit une simplification et une vision partielle de la réalité.

                • Walid Haïdar 17 janvier 2011 15:09

                  Si, on peut faire une analyse non partielle, parce que la complétude du contenu dépend de la formulation des objectifs et de la conclusion.


                  Vous dites : « Pourtant, si c’est bel et bien la croissance des revenus des classes moyennes et populaires qui est recherchée, un indicateur isolant les revenus des classes moyennes et populaires devrait permettre de juger plus convenablement l’efficacité de différentes politiques économiques. »

                  Fondamentalement, votre PPB n’a pas de raison d’être un meilleur indicateur. Car en dehors du revenu, il y a un système de taxes et de politique publique variées qui font que : 
                  - il y a de plus ou moins gros impôts sur le revenus
                  - les services publiques sont plutôt axés armée, police et justice ou plutôt axés école et santé
                  Tout cela fait partie de la politique économique, et relativise de fond en comble la pertinence de votre PPB.

                  La réalité, c’est que le PIB (ou le PNB) est un indicateur idéologique. Il est évident qu’il ne mesure en rien l’efficacité économique. Partir du PIB pour bricoler un indicateur tout aussi trivial et insignifiant qui prétend être un meilleur indicateur, c’est détourner les yeux du sens profond du PIB, qui est en vérité un symbole-arme redoutable pour empêcher la nation de comprendre ce qu’est réellement sa richesse et son développement, car même restreintes à l’économie, ces notions n’ont rien à voir avec le PIB, qui n’est qu’un artifice idéologique.

                  En effet, pour aller dans votre sens, aucune chance de définir « plus convenablement » la richesse, même économique, en 1 ou 2 pages, aussi le plus simple est de s’abstenir de cette prétention à travers un dérivé d’artifice.

                  Ce qui apparaît, au contraire, est que le biais fondamental du PIB et de ce genre d’indicateur, est qu’il est purement quantitatif, alors que les enjeux économiques modernes sont d’ordres qualitatifs. Ce n’est pas parce que le populo fonce plus vite dans un mur que l’économie est « plus efficace ».

                  • Nathanael Faibis 19 janvier 2011 00:14

                     J’ai en effet dit « plus convenablement » pas « parfaitement ». 


                       Le PPB a en effet en lui-même la plupart des limites du PIB, il ne prend pas en compte les impératifs sociaux, culturels, éducatifs, environnementaux ou encore médicaux. Est-ce que cela rend le calcul du PIB inutile ?

                     « C’est détourner les yeux du sens profond du PIB, qui est en vérité un symbole-arme redoutable pour empêcher la nation de comprendre ce qu’est réellement sa richesse et son développement » 

                     Je vous assure que le fait qu’un américain moyen ait un PIB moyen trente cinq fois supérieurs à celui d’un nigérian moyen ou vingt fois supérieur à celui d’un indien moyen se traduit très concrètement dans la réalité et décrit un écart de richesse véritable. Allez faire un petit tour au Brésil ou au Vietnam et demandez-leur si les 8 points de croissance par an sont « un artifice idéologique » ou s’ils se traduisent concrètement par une amélioration des conditions de vie.

                    « Ici, on a l’impression que le populo Français est à peine mieux loti que l’américain, bien moins loti que le britannique, ce qui est faux, et n’intègre pas toutes les données importantes.’ »

                     Je ne fais aucune comparaison dans l’absolu des situations entre les différents pays. Je compare juste les rythmes de croissances. Le point de départ n’étant pas le même, on ne peut pas tirer de conclusion sur les niveaux de développement des différents pays. Si j’avais mis la chine et la suisse dans ce graphique, la chine aurait été largement plus performante que la Suisse. Pourtant, il est évident qu’un Suisse est infiniment mieux loti qu’un chinois. D’autres parts, le PIB et donc le PPB ne prend en compte que les revenus monétaires comme vous l’avez justement noté. On ne peut donc tirer pas la moindre conclusion sur les aspects d’éducation, de santé, d’environnement ou de quoi que vous vouliez d’autres. C’est parfaitement votre droit de penser que ces aspects sont infiniment plus importants que le simple aspect monétaire. Il faut pourtant que vous soyez conscient que ce n’est pas le cas d’une large partie de l’humanité et également d’une large partie des français (dont je ne fais pas spécialement parti par ailleurs).

                     Mon analyse des chiffres du PPB est la suivante : La différence de croissance de revenu monétaire entre ces 6 nations pour les 90% les moins aisés de la population ont quasiment été les mêmes alors que le PIB montre d’énormes écarts. N’essayez de me convaincre que j’ai dit plus que cela. J’ai écrit un article idéologiquement le plus neutre possible, presque purement factuel. Je n’avais pas « d’objectif » et ne rechercher pas à faire une « conclusion » à l’emporte pièce sur le monde tel qu’il est. Au lecteur d’en tirer ses propres conclusions. 

                     Si vous voulez savoir ce que je pense, vous pouvez aller sur mon blog :


                    ou lire ce livre que j’ai traduit :

                     

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