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Les PME dans l’escarcelle de NYSE Euronext

Coup dur pour NYSE Euronext. Plus de quatre mois après sa présentation au Ministre de l’Economie, François Baroin, le rapport sur le financement des PME-ETI par le marché financier corédigé par Gérard Rameix, médiateur du crédit et Thierry Giami, président de l'Observatoire du financement des entreprises par le marché, a été rendu public le 21 février dernier. En 124 pages, les deux auteurs font état du besoin croissant des entreprises de trouver des financements au sein des marchés financiers pour compenser l’effet attendu du resserrement du crédit bancaire. Dénonçant le manque de volonté de NYSE Euronext à promouvoir les petites et moyennes valeurs, le rapport débouche sur deux propositions dont l’une, la filialisation des marchés PME-ETI qui impliquerait une participation de la Caisse des Dépôts, est actuellement à l’étude. 

Que démontre le rapport ?

A ce jour, le nombre de PME-ETI cotées forment une petite minorité. NYSE Euronext en compte 574, représentant à elles-toutes moins que la capitalisation de la première grande valeur française. Sur les 200 grandes entreprises françaises, 60% sont cotées en bourse contre 0,3% des 164 000 entreprises de plus de dix salariés.

Pour encourager l’introduction en bourse des PME-ETI, un plan de relance avait été mis en place en 2009. Au programme, l’adaptation du cadre législatif et des règles de marché, le lancement par NYSE Euronext d’une plateforme de communication permanente, le renforcement de la présence d’investisseurs institutionnels ou encore la constitution d’un Observatoire du financement des entreprises par le marché. Des initiatives salutaires mais insuffisantes aux yeux des entrepreneurs qui demeurent méfiant à l’égard de NYSE Euronext, selon le rapport.

Gérard Rameix et Thierry Giami regrettent que l’entreprise de marché ait fait fi des engagements auxquels elle avait souscrit en prenant des « mesures contradictoires » et préjudiciables à la promotion des valeurs des PME-ETI. Les réformes structurelles et tarifaires que NYSE Euronext a menées en 2010 ont consisté à diminuer le nombre d’analystes – « plus de 50% des valeurs petites et moyennes cotées à Paris ne sont suivies par aucun analyste financier et 71% des sociétés suivies ne le sont que par un seul » ; à tripler les commissions de négociation perçues par l’entreprise de marché NYSE Euronext sur les opérations concernant les PME-ETI, alors qu’elles ont été divisées par deux pour les négociations des titres des grandes valeurs ; à majorer le tarif des transferts d’Euronext vers Alternext alors même que « la taille critique d’Alternext est jugée stratégique » ; et à augmenter le prix de courtage sur les valeurs moyennes et intermédiaires, aujourd’hui plus coûteux que celui sur les plus grandes valeurs.

Marc Lefèvre, le directeur du listing France de NYSE Euronext, qui lors d'un colloque organisé à l'Assemblée Nationale en octobre dernier reconnaissait la nécessité de mettre en place un cadre boursier approprié pour les PME-ETI, a sorti son bouclier. Dans un article paru à La Tribune ce 22 février, il a rebondi sur ces derniers points, expliquant que « le coût de transfert vers Alternext est en moyenne inférieur à 25 000 euros et qu'il ne dépasse pas 10 000 euros pour les capitalisations boursières inférieures à 10 millions d'euros ». Il a également signalé que « la hausse des frais de courtages communiquée en octobre 2010 a fait l'objet d'une révision "dès mars 2011", à la suite d'une réaction des émetteurs ». Les tarifs ne seraient donc pas prohibitifs.

La « crise de confiance » invoquée dans le rapport est assortie d’une conjoncture économique peu propice aux introductions en bourse des PME-ETI. La déstabilisation des marchés a débouché sur une plus grande volatilité des titres et donc, corrélativement, une recherche plus âpre de liquidité. Les PME-ETI, du fait d’une capitalisation plus basse, représentent un faible taux de liquidité et sont donc, de facto, moins attractives. Les sociétés de gestion qui sous-traitent les opérations des grands investisseurs s’orientent plus volontiers vers des valeurs sûres (< 1 Md€ ») assez liquides pour que « leur titres puissent être échangés rapidement ».

Que préconise le rapport ?

La Mission Giami-Rameix dresse le portrait d'un environnement boursier largement défavorable aux PME-ETI. Pourtant, « tout laisse penser qu’il existe une tendance lourde en faveur (…) de l’accroissement du rôle du marché financier dans la couverture des besoins des entreprises moyennes et intermédiaires en fonds propres comme en instrument de dette ». Seulement, pour jouer ce rôle, l’entreprise de marché doit concevoir un nouveau modèle cadrant davantage avec la morphologie administrative et l’économie des PME-ETI.

Les auteurs rappellent que l’automne dernier, la commission européenne avait posé les jalons d’une réforme structurelle en vue de faciliter l’entrée des PME-ETI sur les marchés financiers. Une proposition de modification de la directive 2004/109/CE, dite Transparence, préconisait la suppression de l’obligation de présenter des rapports financiers trimestriels pour les PME-ETI, et demandait à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) de préparer des modèles-types pour les documents financiers. Le rapport reconnait leur utilité, mais estime que ces mesures ne suffiront pas à inverser la tendance.

Quelle est-elle ? Un management « opérant à l’américaine » faisant la part belle aux liquidités et à la vélocité des échanges et une faible présence commerciale. Voici, en substance, les principales critiques émises par Middlenext, le MEDEF, les places financières régionales et les organisations professionnelles du marché financier à l’égard de la politique de NYSE Euronext vis-à-vis des PME-ETI. De simples mesures d’ajustement tel qu'un réexamen de sa grille tarifaire qui pénalise de « façon anormale » les transactions de petites valeurs ne bouleverseront pas le cours (boursier) des choses.

Pour changer la donne, Gérard Rameix et Thierry Giami n’excluent pas une ouverture à la concurrence. « La concurrence est presque inexistante dans cette partie du marché. Les PME-ETI choisissent quasi exclusivement l’entreprise de marché présente sur le marché financier national compte tenu des difficultés de se coter à l’étranger. Par ailleurs, le capital et la liquidité qu’elles offrent aux investisseurs n’intéressent pas les nouvelles plates-formes d’échanges ».

Et Marc Lefèvre de répondre, « ce n'est pas en encourageant la concurrence, ce n'est pas en préconisant la fragmentation, que l'on va apporter une réponse au problème du financement des PME » (La Tribune du 22/02/12). Si cela devait se faire, un candidat s’est déjà porté volontaire. Xavier Rolet, le directeur général du London Stock Exchange se dit disposé à investir le marché financier français au moment où les portes lui seront ouvertes.

Plus envisageable et, toujours dans l’optique de casser le monopole de cotation de NYSE Euronext, Thierry Giami et Gérard Rameix propose la création d’une filiale de l’entreprise de marché qui isolerait l’activité boursière des PME-ETI et proposerait des outils et des modalités d’entrée et de sortie ad hoc. NYSE Euronext n’en serait pas l’unique actionnaire. Le ministre de l’économie et des finances, François Baroin, a demandé à NYSE Euronext et à la Caisse des Dépôts d’examiner avant l’été la faisabilité d’une telle scission.

Autres nouveautés, un fonds fermé spécialisé dans les PME-ETI cotées a été ouvert par l’entreprise de marché. Quant à la création d’un Comité Stratégique d’Investissement visant à faciliter l’accès des PME-ETI aux marchés de capitaux que les auteurs ont appelé de leurs vœux, NYSE Euronext a déjà annoncé sa composition et une réunion est prévue le 23 mars.

Anaïs Morgane (GC)


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3 réactions à cet article    


  • isabellelurette 7 mars 2012 16:46

    Si je ne m’abuse, la Bourse est plus un instrument de prédation que d’assistance aux entreprises. Est-ce bien raisonnable de chercher à renforcer ce moyen de financement ?
    Les PME PMI qui restent en dehors de ce « machin » auraient peut être bien raison !


    • Anaïs Morgane Anaïs Morgane 7 mars 2012 17:13

      La bourse n’est bien évidemment pas un « instrument d’assistance ». Mais elle n’est en aucun cas non plus un « instrument de prédation ». Il ne s’agit pas tant de chercher à renforcer ses moyens d’actions que de faire en sorte que les PME puissent bénéficier du même traitement que les grandes entreprises.

      D’autre part, les nouvelles contraintes réglementaires qui pèsent sur les assureurs ainsi que sur les banques réduiront inévitablement leurs investissements. La bourse peut alors jouer un rôle compensateur dans le drainage de capitaux.


    • credohumanisme credohumanisme 19 mars 2012 14:46

      L’accès des petites entreprises à la levée de capitaux auprès du grand public pose un dilemme. Ou bien on les contraint une règlementation lourde et disproportionnée (en particulier en terme d’information des actionnaires et de normes comptables) ou bien l’on prend le risque d’abus.

      Ainsi ces dernières années de nombreux scandales peu médiatisés ont-ils eu lieu sur le segment Alternext (segment régulé mais non règlementé). Un des derniers exemple en date : Loyaltouch voir par exemple http://loyal-touch.blogspot.fr/&nbsp ; environ 200 millions d’euros disparus dans la nature alors que la société annonçait régulièrement des chiffres extraordinaires. Des clients floués, 200 salariés sur la paille, les petits actionnaires ... les obligataires ... et pendant ce temps le dirigeant se dore la pilule en toute tranquillité sur les côtes américaines.

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Anaïs Morgane

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