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Accueil du site > Actualités > Economie > Les tontines en Afrique : ancêtres du microcrédit

Les tontines en Afrique : ancêtres du microcrédit

Les difficultés d’accès au système bancaire dans de nombreux pays en développement, ont mis en évidence le rôle extrêmement important et toujours croissant que jouent les circuits financiers informels, dont les tontines sont une des composantes essentielles, si ce n’est la plus importante.

Un prêt basé sur la parole donnée

L’idée est simple : un groupe de personnes décide de créer un pot commun où chacun versera la même somme d’argent régulièrement. Cette somme profite à chacun à tour de rôle sous forme d’un prêt sans intérêts donc. C’est donc l’opportunité pour les plus pauvres - qui n’ont pas accès au crédit bancaire - d’acheter un troupeau ou un véhicule par exemple.

Bouman donne en 1977 une définition plus générique (et plus sociale) de la tontine : pour lui les tontines sont des associations regroupant des membres d’un clan, d’une famille, des voisins ou des particuliers, qui décident de mettre en commun des biens ou des services au bénéfice de tout un chacun, et cela à tour de rôle. C’est pourquoi, il incorpora les tontines dans une catégorie plus large qu’il dénomma « associations rotatives d’épargne et de crédit ». L’idée sociale prédominante dans la tontine est donc que l’obligation de rendre est basée sur la morale associée à un groupe aux liens forts : famille, clan... Refuser d’honorer sa dette, c’est prendre le risque de l’exclusion sociale ! En un sens, on peut donc dire que la tontine est un encouragement au travail, puisque le récipiendaire se doit de rembourser.

Un lien social fort

Dans certaines régions d’Afrique, le taux de participation de la population à une tontine est proche de 100 % ! Cet engouement pour les tontines n’est pas seulement le résultat d’un manque d’accès au système bancaire. Ce sont aussi des motivations non financières qui l’expliquent : on y vient pour échanger des idées, communiquer une information, voir du monde, etc. Cela nous montre donc l’importance accordée à la tontine dans la vie sociale. Rien d’étonnant donc, qu’elle ait fait l’objet d’études approfondies, notamment au Cameroun où les femmes arborent un boubou spécial en signe d’appartenance à une tontine spécifique. L’on retient en général la classification de Bruno Bekolo-Ebe, qui donne un aperçu des différentes formes que peuvent prendre les tontines camerounaises, et du comportement d’épargne des agents économiques à l’intérieur de celles-ci.

Origines des tontines

Terminons par le commencement : d’où vient le mot tontine et quelles réalités a-t-il recouvertes dans l’histoire ? Le mot tontine vient de Lorenzo Tonti, banquier napolitain qui proposa ce système à Mazarin au XVIIe siècle. Chaque souscripteur verse une somme dans un fonds et touche les dividendes du capital investi. Quand un souscripteur meurt, sa part est répartie entre les survivants. Le dernier survivant récupère le capital. C’est donc un fonds d’épargne collective, ancêtre de la tontine décrite ci-dessus. Néanmoins, on pense que les premières tontines asiatiques sont apparues dès le IIe siècle après Jésus Christ. En effet, la définition de Bouman ne se résume pas qu’à l’aspect financier. Elle englobe aussi les services et les biens. Ainsi, par exemple en France, autrefois, les paysans avaient l’habitude de travailler ensemble dans le champ de chacun à tour de rôle, ou de réparer ensemble le toit des maisons, l’une après l’autre. Nous sommes donc bien dans la logique de tontine, mais sous une forme non financière.

Des critiques subsistent

Pour finir, il faut savoir que la tontine fait l’objet de nombreuses critiques en Afrique. Critiques de la part des gouvernements qui y voient un frein au développement du pays par la mise en place de financements parallèles. Critiques aussi de la part des banquiers qui y voient une fuite de liquidités. Le véritable reproche économique que l’on puisse faire à ce système, porte sur l’égalité des membres : le premier bénéficiaire profite d’un prêt gratuit immédiat, tandis que le dernier obtient un prêt lorsque tous les autres en auront profité. Ainsi, comme il ne touche pas d’intérêts durant cette attente et comme l’inflation risque d’éroder la cagnotte, l’égalité est rompue.

Mais au fond, n’est-ce pas la volonté d’unir et de tisser des liens sociaux qui est primordiale dans ce système ? Car un lien est déjà une grande richesse en soi !


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6 réactions à cet article    


  • vinvin 14 janvier 2008 15:28

    Bonjour.

     

    je tiens a préciser, suite a votre article très instructif, que les Tontines se pratiques également en France dans la comunauté Africaine isssue de l’ immigration.

    En tant qu’ époux d’ une femme Camerounaise, entre 1991 et 1995, nous avons nous meme participé a deux Tontines qui nous avaient permis a l’ époque d’ acheter quelques meubles.

    Dans chaque villes, il existe une petite communauté Africaine qui se rassemble, s’ entraide, et s’ organise comme elle peut.

    Quequefois par quartiers........

     

    Il parait aussi que ce système de Tontine se pratique courament dans le milieu Asiatique, mais là, je ne connait pas du tout ce milieu, donc je parle au conditionel......

     

    Bref, les Tontines sont courantes en france, ( tout comme la polygamie, d’ ailleurs, mais cela est un autre sujet ).

     

    Bien cordialement.

     

    VINVIN.

     

     


    • Yves Rosenbaum Yves Rosenbaum 14 janvier 2008 21:32

      Je confirme que cette tradition se poursuit dans certaines communautés de nos pays. En Belgique, la communauté nigérienne procède de la même manière. Dès que l’un deux est placé en centre de rétention, les autres puisent dans la tontine pour trouver le meilleur avocat possible pour le faire sortir ... smiley Et ça fonctionne plutôt bien !


    • apami 14 janvier 2008 16:16

      Il ne s’agit pas comme vous l’expliquez d’un systeme de pret sans intérêt. Il existe de multiple formes de tontines assez complexes parfois. Votre description est exacte concernant le devenir du capital, mais les variations concernent les intérêts et comment on détermine qui "ramasse" la tontine à chaque tour.

      La regle de base est que chacun ramassera la tontine une seule fois (si la tontine a autant de tours que de participants).

      Une méthode classique est le rachat de la tontine. Le montant de la tontine pour un tour (la cotisation fois le nombre de participants) et vendu aux enchères entre les participants qui ne l’ont pas encore ramassée.

      Le prix de la tontine est donc evidemment plus elevé au début qu’à la fin. par exemple le dernier ramasse la tontine gratuitement (il serait fou de payer ; il est seul à enchérir).

      à la fin le prix d’achat de toutes les tontines est redistribué ou investi dans un projet commun.

      donc celui qui ramasse tôt reçoit moins (la tontine moins le prix). On voit alors que ceux qui ont besoin d’argent rapidement vont encherir, et les autres pourront attendre et toucher plus.

      Une autre approche est de tirer le gagnant de la tontine au hasard (dans ceux qui ne l’ont pas encore eue).

      Les protestations des gouvernements & des banques s’expliquent par l’opacité de la tontiine. Intaxable, naturellement discrète, créant du lien social, c’est un outil d’importance primordiale pour l’économie en Afrique.


      • Bof 14 janvier 2008 21:58

        Merci pour ce rappel . Rappel, car les tontines ont existées dans mon village dans le nord de la France. Le principe me semble très intelligent puisque cela soude la communauté et écarte toute cette administration qui n’administre plus rien du tout car elle est capable "d’égarer " les entreorises nationalisées , les plus belles entreprises du monde comme elf, sanofi ,le crédit Lyonnais qui devait être la banque de l’Europe...jusque "mon" usinor qui actuellement fait de très gros bénéfices ....


        • brieli67 16 janvier 2008 09:59

          des Clubs d’Epargne dans toutes les auberges et bistrots de l’ Est de la France..

          faut regarder cher professeur.

          Les tontines africaines ..... il n -y a pas que l’argent..... des échanges de produits des achats de produits aussi des services.... jusqu"à la prostitution. Et des prix à la tête du client.

          Il y a aussi des tontines chez les immigrés Turcs. Pas de turc sans sous s’installe chez nous. On évoque le blanchiment de l’argent de la drogue et répartion par saupoudrage. ;; ;

           

          Par le passé dans nos provinces les juifs et les petits commerçants donnaient moultes micro"crédits....

           


          • raphael57 raphael57 16 janvier 2008 12:29

            Je souhaitais présenter les tontines sous la forme d’un lien social et pas uniquement pécunier. A l’origine, la tontine procédait d’ailleurs autant (si ce n’est plus) du lien social que du produit financier...

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