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Les traits marquants du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques

 Faisant, comme chaque année, oeuvre de pédagogie la Cour des Comptes livre, au delà des commentaires médiatiques ou partisans, son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques dont on sait qu'elles sont au coeur de toute la politique pour le prochain quinquennat. Dans son rapport la Cour livre des éléments très intéressants pour tordre le cou à certaines idées reçues que je tâcherais de mettre un peu en perspective avec la situation allemande notamment. dont on verra que la Cour Fédérale des Comptes allemande souligne qu'elle doit tenir ses engagements intérieurs pour réduire son déficit pendant que la situation est "encore" favorable.

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Le volumineux rapport, mais néanmoins accessible

I- La situation en 2011 :

Si la Cour note une trajectoire de retour à l'équilibre, elle souligne également la situation dégradée par rapport à d'autres pays européens, dont on peut considérer que c'est la pression des marchés ou certaines spécificités économiques ou comptables qui les ont conduit à des réformes ou à de meilleurs résultats. Elle s'intéresse ensuite à la structure du déficit public. Elle note que la baisse du déficit massif observé entre 2010 et 2011 résulte pour les 2/3 de l'interruption d'opérations temporaire (le plan de relance) et pour 1/3 de la réduction du déficit structuel (résiduellement de la conjoncture). Le déficit structurel, définit comme celui neutralisant les effets de la conjoncture économique, est le plus parlant à analyser : la Cour relève, contrairement à ce qu'on a pu entendre, que la baisse du déficit structurel de 0.9 point de PIB résulte majoritairement de "l'adoption de mesures de hausses de prélèvements obligatoires pérennes" et non pas de réduction de dépenses publiques. La dépense publique est réellement difficile à attaquer en France, même sous un gouvernement de droite, cela relativise l'action du gouvernement précédent sur les dépenses (pas sur les recettes) ainsi que les critiques actuelles sur le "matraquage fiscal supposé". Mais cela peut être un bon signe pour les finances du pays, car si le déficit peut se réduire ainsi alors même que l'on a à peine commencer à s'attaquer aux dépenses, il suffit d'être juste entre hausse de recettes et baisse plus importante des dépenses pour être efficace, et le nouveau gouvernement a globalement le temps pour mettre en oeuvre cela.
Les dépenses ont ainsi augmenté moins vite que le PIB (certes, mais sous réserve d'une quelconque utilité de cette liaison entre recettes et dépenses et PIB) mais ont néanmoins augmenté, tout comme les recettes qui ont elles beaucoup plus augmenté en raison majoritairement de mesures fiscales nouvelles et d'une meilleure collecte. Ces leviers se traduisent dans une baisse minime du ratio dépenses publiques (-0.6) sur PIB et une hausse du taux de prélèvements obligatoires (1.4). On peut donc conclure que la réduction du déficit s'est accomplie de manière plus importante via le levier de la hausse des prélèvements que de la réduction des dépenses.

Les objectifs de la Loi de programmation des finances publiques sont ainsi atteints a minima pour les dépenses et un peu plus pour les recettes permettant de respecter les engagements minimums contenus dans le document. On peut noter une surprise dans l'exécution de dépenses d'assurances maladie (inférieures de 500M€ aux prévisions, qui sera à relativiser avec les soucis du compte de la SECU).

La Cour révèle par la suite que la dette globale continue de croître et qu'en raison de la croissance actuelle du PIB, une stabilisation du ratio dette / PIB nécessite un déficit public de 2.6% : Relevons tout de suite que ce ratio n'a que peu d'intérêt dans la mesure où il suffirait théoriquement d'une croissance plus importante pour que ce ratio diminue sans impact sur le niveau absolu de la dette. Néanmoins dans une conjoncture de croissance faible pour les 10 années à venir il nécessite d'agir réellement sur le niveau de dette (il serait plutôt préférable de réfléchir à un autre indicateur de la dette publique...)
Si la France en prend le chemin, la Cour relève que sa situation est dégradée au niveau européen que ce soit au niveau de son niveau d'endettement, de son déficit primaire et de son déficit structurel (hors charge de la dette). Néanmoins cela s'explique globalement par les "succès" des modèles fondés sur l'exportation et la spécialisation (nord de l'Europe) qui commencent à freiner avec du retard sur les modèles basés sur la consommation (Sud de l'Europe). La France souffre doublement de la baisse de la consommation consécutive à la crise et de son manque de spécialisation industrielle par rapport aux pays du Nord qui "vampirisent" en partie la croissance des pays du Sud et donc plus performants dans des statistiques basées sur le niveau de croissance du PIB (une analyse rapide montrerait qu'en valeur absolue les situations sont quasi identiques (hors solde du commerce extérieur)). Néanmoins on peut noter que la Cour Fédérale des Comptes allemande n'est pas dupe de cette situation et encourage l'Allemagne à ne pas se reposer sur ses lauriers et à réduire ses dépenses militaires notamment et à mettre en place une taxe sur les transactions financières "tant que la situation est favorable". La situation des Länders est également préoccupante.

Enfin la Cour analyse la répartition de la dette et du déficit entre administrations publiques qu'il est essentiel de relever pour mettre un terme à certain débats politiciens.
Ainsi le déficit public se concentre exclusivement entre l'État (85%) et les organismes de sécurité sociale (12.5%). Pour la dette publique la situation est quasi identique selon un ratio État - SECU - Adm Pub Loc de 80-10-10 (cela résultant des précédents ratés de la décentralisation ayant forcé certaines collectivités à s'endetter).
Le déficit de l'État et des organismes de SECU s'est réduit suite à la hausse des recettes et la relative maitrise des dépenses, concernant les collectivités territoriales, l'autofinancement s'est amélioré du fait du dynamisme de certaines recettes et de la maitrise de certaines dépenses, qui ont certes augmentées mais n'oublions pas que ce sont les collectivités qui sont la clef de voute de l'investissement public contrairement à ce que l'on peut penser. Il est nécessaire que les dépenses d'équipement (notamment) puissent être faites au niveau local, en effet les règles comptables et budgétaires sont plus strictes que celles de l'État et les collectivités sont plus proches des besoins d'investissements locaux. Cela n'empêche pas une réflexion sur le fléchage de ces investissements et d'une maitrise des dépenses de fonctionnement. L'investissement local doit être optimisé et non réduit.

II- La situation et les perspectives pour 2012 :

1° La Cour identifie des risques pesant sur les recettes et résultant notamment des incertitudes pesant sur la croissance (via l'élasticité du produit de l'impôt par rapport à la croissance et la croissance même trop optimistement prévues). On peut noter que la majorité des doutes pesant sur les recettes concerne l'impôt sur les sociétés (ce qui milite pour une réflexion sur cet impôt et une meilleure collecte et lutte contre l'optimisation fiscale, celle ci étant d'autant plus forte que la conjoncture est mauvaise). La Cour identifie un risque sur les droits de mutation après la forte hausse de 2011, ce qui accroitra la pression sur les collectivités locales en raison du retournement du marché de l'immobilier.
La somme évoquée dans les médias d'aléas de recettes de 6 à 10 Md€ résulte de l'évaluation de la Cour en cas d'une croissance de 0.4% l'an prochain (selon une fourchette basse ou haute de l'aléas de recettes). Cette fourchette est suffisamment large pour tenir compte d'une croissance un peu plus faible de l'ordre de 0.2%. Une croissance plus haute 0.5% pourrait être positive également en cas de fourchette basse de l'aléa de recettes.

Un point assez inquiétant et symptomatique de la rigueur de l'Union Européenne concernant les règles fiscales est relatif aux incidences des contentieux fiscaux. Pour faire simple les tentatives de réglementations nationales notamment concernant le régime des dividendes des OPCMV ont conduit à une condamnation de la France par la Cour de Justice de l'Union Européenne qui pourrait peser pour plusieurs milliards dans les années à venir. L'Union souhaite que ces réglementations soient prises au niveau européen, il est regrettable que la taxation de dividendes aussi importants ait été si mal réalisée juridiquement, car s'il faut augmenter la TVA à terme de manière temporaire ce sera en partie à cause de cela.

2° Concernant les dépenses, les risques sont mesurés, ce qui pourrait être favorable à une action dès maintenant sur ces dépenses pour éviter un trop gros choc l'année prochaine (encore qu'on peut relever que des dispositifs instaurés prochainement rapporteront beaucoup en étant pérennisés). C'est sur ces dépenses que le risque est faible (au maximum 2Md€ mais résulte d'une "sous-budgétisation" lors de la loi de finances de l'année dernière qui a été fortement médiatisée mais qui mérite d'être relativisée du fait de son caractère chronique encore que cela reste fortement criticable. // Au rayon des bonnes nouvelles qui n'en sont pas, l'aggravation récente de la crise a favorisé une baisse des taux d'intérêts des emprunts français qui pèseront d'autant moins lourd cette année et l'année prochaine sans doute.
La Cour appelle ensuite à utiliser des outils de pilotage permettant de maitriser ces risques comme le redéploiement de crédits ou des réserves de précautions issues de crédits gelés et qui ont tendance à être utilisés trop vite dans l'année alors qu'ils devraient être préservés pour faciliter l'exécution budgétaire finale. Le débat sur le pilotage budgétaire est une réflexion complexe qui évoluera peut être lors des débats sur une future réforme fiscale (cf site du Ministère des Finances)

La Cour n'est pas trop inquiète concernant les recettes et dépenses des APUL et des organismes de SECU, même si elle pointe les difficultés d'accès au crédit des collectivités territoriales.

La Cour recommande ainsi pour tenir l'objectif de 4.4% cette année" d’une part, une stricte vigilance sur l’exécution des dépenses par un effort supplémentaire, ce qui implique de ne pas financer par voie d’ouvertures de crédits en LFR les risques budgétaires identifiés, et d’accroître, par des mesures de gel complémentaires de crédits la réserve de
précaution ; d’autre part, pour compenser la baisse des recettes fiscales, des mesures fiscales nouvelles, dont le
montant précis devra être apprécié au vu des informations disponibles à la fin du semestre et de l’ampleur de la réduction du poids des dépenses publiques effectivement décidée". La Cour prévoit enfin un taux d'endettement de 90% à la fin 2012 du fait des garanties apportées dans les divers mécanismes européens (mécanisme dont on voit qu'in fine ils accroissent la tension...).

III- Les perspectives pour 2013 et au delà :

De manière à tenir les objectifs du quinquennat et à assurer la crédibilité de la France, la Cour des Comptes dont on peut penser qu'elle sera très largement suivie propose des principes d'action et des leviers pour les pouvoirs publics qui ont fait l'objet de diverses interprétations dans les médias.

Après avoir rappelé les enjeux macro-économiques la Cour affirme que pour tenir ses engagements en se basant sur des prévisions de 1% de croissance en 2013, le gouvernement devra fournir un effort budgétaire sur son déficit structurel de 33Md€ (qui sera probablement plus proche de 35%). La Cour souligne que la conjoncture en recette est incertaine et qu'il faut stabiliser la hausse tendancielle des dépenses publiques.

La Cour appelle par la suite à une action sur les dépenses publiques et à une rénovation de l'action publique.

- La réduction des dépenses publiques est justifiée dans un souci de maintenir la qualité des services publics via le concept un peu flou "d'efficience collective" qui traduit la pénétration des logiques privées dans le fonctionnement du service public en marche depuis près de 20ans (dont on voit assez peu ce que le concept recouvre exactement) et par des études tendant à montrer que la réduction est d'autant plus efficace à moyen terme si l'on agit sur les dépenses.
- La Cour dans une rénovation de l'action publique appelle de ses voeux une clarification des compétences des diverses collectivités publiques de manière à augmenter la lisibilité des dépenses et des recettes et afin que les premières soient couvertes par les secondes. Voeu pieux si l'on se réfère à l'histoire administrative française on peut néanmoins espérer un progrès.
- La Cour appelle ensuite à la fin des sempiternelles réformes de rationnalisations administratives pour favoriser une réforme sur le contenu et l'efficience ( !!!!!!!) des politiques publiques, tout en favorisant une association des acteurs locaux et des ministères en tirant les leçons de la centralisation excessive de la RGPP dont les limites avaient été exposées dans de précédents rapports.
- Néanmoins l'action sur les dépenses ne peut faire l'impasse d'un "relèvement mesuré" des prélèvements obligatoires concernant notamment la fiscalité dérogatoire qui est actuellement en route... Voire même à un relèvement temporaire et mesuré de la TVA ou de la CSG (dont on peut néanmoins perçevoir les limites via la pression sur la consommation (même si arrondir à 20% ce serait drôle probablement). La Cour appelle à favoriser l'action sur les comptes sociaux.
La Cour appelle également à renforcer la crédibilité via des hypothèses de croissance réalistes (dont on peut imaginer qu'ils seront assez faibles).

Parmi les leviers d'action utiles à ce titre la Cour identifie la maitrise de la croissance de la masse salariale, réexaminer les dépenses d'intervention et optimiser les investissements publics.
1° La Cour identifie qu'il faut maitriser la masse salariale (à périmètre constant via un gel des avancements et du point de la fonction publique ou à périmètre restreint en réduisant le nombre de fonctionnaires). La Cour appelle ainsi à une optimisation de l'action publique locale via une péréquation et une différenciation de l'évolution des dotations (notamment à destination des communes et des intercommunalités qui sont encore en phase de rodage ce qui a conduit à une hausse de certains effectifs (contrairement aux départements et aux régions)).
2° La maitrise des dépenses d'intervention (notamment les prestations sociales) implique une meilleure évaluation de celles ci, évaluation actuellement difficile du fait de la rigidité de celle ci (hausse du chômage...) et de l'enchevêtrement des compétences délaissé par méfiance par l'ancien gouvernement. Cela pourrait passer par une indexation différente des diverses prestations (l'indexation sur la croissance et non plus sur l'inflation montre bien que la croissance sera inférieure à l'inflation pour longtemps)).
3° Concernant les investissements publics, ils sont dans la moyenne de l'UE, mais ils sont insuffisamment évalués et de manière peu transparente (conduites par les opérateurs eux mêmes...). La Cour appelle à une optimisation.

IV- Les conséquences des nouvelles règles européennes :

Le renforcement des règles communautaires est vu comme une avalisation de ses précédents rapports concernant l'amélioration de la gouvernance budgétaire. Ces règles "six pack" bientôt en vigueur s'articulent autour de la qualité des comptes publics (audit, évaluation, informations fiables...), l'équilibre structurel des comptes publics (règle d'or, réduction d'1/20ème de l'écart supérieur des 60% de dette publique (on peut critiquer cette réglementation qui comporte les mêmes défauts que la RGPP (trop centralisée...))), le contrôle du respect des règles budgétaires (qui doit être amélioré au niveau local et des organismes de SECU), et une réforme de la gouvernance des finances publiques (contraintes imposées à l'ensemble des acteurs publics de manière à améliorer la lisibilité de l'action publique)...



Conclusion : Sans céder aux sirènes médiatiques et politiques ce rapport n'est pas si alarmiste que cela dans la mesure ou la pression européenne combinée à une relecture d'ensemble de la politique fiscale sera probablement à même de surmonter les objectifs à venir. L'inquiétude viendra beaucoup plus probablement des problèmes macro-économiques de la zone euro ou d'une nouvelle bulle boursière. Les efforts engagés actuellement ne vise qu'à rendre plus crédible notre parole sur ces sujets au niveau international dans l'attente de la prochaine crise ou aggravation de la crise.


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1 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 4 juillet 2012 11:34

    Ce qu’ils veulent, c’est nous faire payer la crise d’un système économique au bord de l’asphyxie. De la Grèce au Portugal, en passant par l’Italie, la France ou l’Espagne, ce sont les travailleurs qui doivent accepter l’austérité pour résoudre une crise dont les seuls responsables et les seuls bénéficiaires sont les banquiers et les rentiers ..............
    http://2ccr.unblog.fr/2012/02/03/ce-qui-nous-attend/

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