Où l’on vous reparle de la prise en charge des retraites des employés de La Poste !
En marge du débat sur les régimes de retraites spéciaux, vous savez sans doute que l’existence de ces régimes de retraites spéciaux est un obstacle à la privatisation totale ou partielle de certaine sociétés d’Etat. Car les nouveaux actionnaires potentiels ne sont pas chauds du tout pour prendre en charge des futures charges de retraites considérables non provisionnées qui risquent de plomber les résultats de la société pendant des années, et offrent donc de ce fait à l’Etat un prix très inférieur aux espérances de celui-ci pour la vente ou la mise en Bourse de sa participation. Cela a été le cas dans la privatisation d’EDF, par exemple. C’est aussi le cas non seulement dans le public, mais dans de nombreuses sociétés privées américaines, celles en particulier où la mise en place des nouvelles normes comptables a fait émerger des charges de retraites jusqu’ici non visibles qui ont affecté considérablement le bilan desdites entreprises et leurs cours en Bourse.
Pour le cas d’EDF et d’autres sociétés nationales, le gouvernement a trouvé la solution : refiler le mistigri, la charge de ces régimes spéciaux, au privé, moyennant le paiement par l’entreprise privatisée d’une soulte aux régimes de retraites et à l’Etat pour la partie Sécurité sociale de ces retraites. Avantage supplémentaire pour l’Etat : le versement de cette soulte a permis, il y a deux ans, de diminuer le déficit du budget de l’Etat et de respecter les engagements pris vis-à-vis de Bruxelles !
Le montant de la soulte payée reflète-t il réellement la charge transférée aux futurs retraités du privé ? On ne sait pas vraiment, tant les calculs dits actuariels pour l’évaluer sont complexes. En tout cas, l’Etat s’est débarrassé du problème, et les salariés du privé qui ne s’intéressent que peu à cette question n’ont rien dit ni vu. Seule les a défendus Madame Karniewicz, la présidente de la Caisse nationale d’assuranece vieillesse, qui a réussi à faire monter la note pour EDF. Etonnant, donc ! Incidemment, les inventeurs de la méthode du mistigri : Monsieur Francis Mer, suivi de Monsieur Sarkozy.
Jusqu’ici les montants de charges transférées discrètement aux régimes du privé pour l’adossement de ces régimes ont été d’un montant relativement limités. Par contre se profile à l’horizon d’autres régimes de retraites dont le coût est infiniment plus élevé, celui de la RATP, et surtout celui de La Poste, qui se montait à 60/70 milliards d’euros ! C’est d’ailleurs ce qui freine leur privatisation.
Or, à l’occasion des discussions pour bâtir le budget 2007, on en entend soudainement reparler. Car le bouclage du budget de la Sécurité sociale, dont la Cour des comptes vient de rappeller la fragilité extrême, est particulièrement difficile. Le gouvernement souhaiterait ramener son déficit, pour le plan tout au moins, à 8 milliards d’euros, pour un déficit prévu en 2006 de 10,3 et alors que les charges continuent d’augmenter malgré les réformes Douste et Fillon. Les pistes envisagées pour augmenter les recettes en taxant davantage ou en déshabillant Pierre (le malheureux Fonds de réserve des retraites) pour habiller Paul ont fait long feu. Et c’est là qu’émerge l’idée géniale de commencer l’adossement du régime de retraites de la RATP et de La Poste au régime du privé, moyennant le paiement d’une soulte de ces entrepises. Efficace, discret et sans risques électoraux, puisque les salariés du privé se laissent faire sans même s’en rendre compte !
Seule difficulté, les montants sont sans commune mesure avec ceux de régimes de retraites d’EDF ou de GDF déjà "adossés". Double difficulté, car la RTP et La Poste n’ont pas les moyens, à très court terme, de payer de telles sommes en compensation des transferts. Et d’autre part, les salariés et les caisses de retraites finiront peut-être quand même par alerter l’opinion, si la pilule qu’on essaie de leur faire avaler est trop grosse.
La solution ? Une méthode en principe interdite dans les sociétés privées de bonne gouvernance : le saucissonnage ! On va adosser lesdits régimes au privé sur plusieurs années. Ce sera plus facile pour la RATP et La Poste, de financer le versement de la soulte en trois versements, et sans problème vis-à-vis de la Sécurité sociale, dont on réussira à boucher le trou pour trois ans de rang ! Seuls obstacles : il faut trouver un accord avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse, dont on sait que la présidente, Madame Karniewicz, est particulièrement pugnace, surtout maintenant qu’elle a abandonné ses ambitions de prendre la tête de la CGC. Autre obstacle, les délais techniques pour boucler le budget.
Mais après tout, un plan n’est qu’un plan, et les hypothèses prises pour le construire ne sont pas censées se réaliser toutes. On peut donc se fonder raisonnablement sur l’hypothèse de la réussite de ces adossements. Ce serait vraiment trop dommage de laisser passer une aussi bonne idée, qui permet de régler deux problèmes à la fois.
Je prends le pari. Dans le plan 2007 de la Sécurité sociale, nous aurons bien le transfert des retraites de la RATP et de La Poste... La fracture sociale public/privé va encore s’agrandir !
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