Les pertes fiscales liées aux paradis fiscaux sont aujourd’hui évaluées, aux Etats-Unis, à 100 milliards de dollars. Le nouveau président américain, Barack Obama, entend lutter très activement contre l’évasion fiscale et son corollaire, le secret bancaire, qui privent les Etats-Unis de capitaux susceptibles d’être ré-investis dans l’économie réelle à l’heure où la première puissance mondiale engage près de 800 milliards pour la relance de son économie.
L’Union ne fait pas la force…
En Europe, trois pays dont la Suisse, le Liechtenstein et le Luxembourg, viennent s’ajouter à la liste noire des pays fixée par la nouvelle administration américaine, alors que la liste noire du GAFI (Groupe d’Action Financière) est vide depuis 2006. Curieusement, les principautés de Monaco et d’Andorre ne figurent pas dans cette liste. Dans l’enceinte de l’Union européenne, la Belgique, l’Autriche et le Luxembourg refusent l’échange automatique d’informations fiscales entre états. Dans ce contexte, la stigmatisation de ce paradis fiscal que sont les îles Caïmans en perd un peu de sa valeur symbolique.
En France…
Pour autant, jamais, au grand jamais, nous n’avons entendu parler de l’interdiction faite aux banques d’utiliser les pays offshore qui mettent en avant le dumping fiscal. M. Prot, directeur de PNB-Paribas, le 4 février face à la commission des finances, présidée par le très socialiste Didier Migaud, déclarait : “Et il n’y a aucune incompatibilité entre les activités que nous menons et la présence dans les paradis fiscaux.” Ils peuvent désormais développer ce type d’activité avec l’argent du contribuable !!!
Fortis, une semaine après l’annonce de son sauvetage, réunissait ses courtiers à Monaco pour quelques agapes à raison de 3000 euros la dégustation de caviar. On peut aussi avoir le mauvais goût d’avoir du goût !
Causes…
Pour l’essentiel, les paradis fiscaux ont été très largement alimentés par l’explosion des profits depuis le début des années 80 et l’arrivée des néo-conservateurs. En France, ce sont 10 points de PIB qui ont glissé des salaires vers les profits. L’explosion de l’EBE dans tous les pays du monde a privilégié les investissements spéculatifs et la constitution de bulles. Elle a aussi contribué au développement des crédits hypothécaires afin de maintenir artificiellement les niveaux de vie des pays du Nord afin d’éviter le “déclassement” généralisé.
Dans ce contexte, il est toujours étonnant de voir les gouvernements européens et français notamment, à l’exception notoire de Gordon Brown, ne pas prendre la mesure du tsunami auquel nous faisons face. Alors que l’Allemagne mettait en place la TVA sociale, le gouvernement français mettait en place le bouclier fiscal… à contre-courant de l’histoire.
Solutions
De 1942 à 1981, les Etats-Unis ont mis en place une fiscalité sur les revenus avec un taux d’imposition qui, de 90% en 1942, est passé à 70% au début de l’ère Reagan. Roosevelt, qui ne passait pourtant pas pour un dangereux gauchiste, déclarait en 1942 : “Aucun citoyen américain ne doit avoir un revenu (après impôt) supérieur à 25 000 dollars par an.” Plus de 65 ans plus tard, Thomas Piketty, directeur de l’EHESS et professeur à l’école économique de Paris, ne l’exprime guère différemment : “J’en suis venu à penser que la seule solution serait de revenir à des taux marginaux d’imposition quasi confiscatoires pour les très, très hauts revenus.”
Parmi quelques autres doux rêves, nous attendons toujours, de la part du FMI et de son directeur - socialiste ? - actuel, Dominique Strauss-Kahn, la mise en place de la taxe Tobin. Les produits de cette taxe fixée entre 0.5 et 1% permettraient de financer les projets structurants des pays les moins avancés. Elle permettrait, par son pouvoir dissuasif et aussi au travers de l’emploi des produits de la taxe, de déverser les monceaux de liquidités dans le réel pour une économie et une finance au service de l’Homme et de l’environnement.
Sous l’impulsion des Verts, d’Eva Joly et d’une majorité de gauche qui disent clairement Stop à Barroso (à l’image de François Hollande), il faut exiger l’automaticité de l’échange d’informations financières et fiscales entre les pays de l’Union Européenne, assortie d’une levée totale du secret bancaire afin de faciliter les procédures judiciaires.
C’est aussi cela l’enjeu des élections européennes du 7 juin.
Source : Planète Béranger
Crédit photos : SwissWorld, France24, partenia2000-en-2007
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