Rémunération des patrons : le MEDEF recycle ses codes éthiques, applaudi par la majorité
Mardi 4 novembre, au Sénat, la majorité a refusé d’examiner une proposition de loi sur les rémunérations des dirigeants de société. Raison invoquée : le MEDEF a proposé un code de bonne conduite. Ça devrait suffire... sauf que le MEDEF propose ce genre de "codes éthiques" depuis des lustres. Au mot près... ou presque.
"C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases"
Curieux, aussi, ce besoin de faire des phrases chez les parlementaires de la majorité, sans jamais les concrétiser par des actes. Résumons. Depuis plusieurs années, tout le monde se plaint des patrons, de leurs rémunérations exorbitantes, de leurs parachutes dorés injustifiés. Sarkozy, Bertrand, Fillon, Lefebvre... n’ont de cesse de crier au scandale. Mais depuis deux ans, rien n’est fait. Et depuis deux ans... les scandales de rémunérations excessives et souvent injustifiées (salaires, parachutes dorés, stock-options ou retraites chapeau) se succèdent à une vitesse vertigineuse.
"Il est interdit d’interdire"
Mardi, l’occasion s’est présentée. Le groupe socialiste du Sénat a présenté une proposition de loi "visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations". Ce texte proposait notamment :
- Pour éviter les stock-options gargantuesques... de limiter leur montant au niveau des rémunérations fixes des dirigeants d’entreprise
- pour éviter les délits d’initiés... de planifier les cessions d’actions et d’options au moment de leur attribution
- pour plus de transparence... de faire siéger un représentant du personnel dans les conseils d’administration
- pour plus de justice... d’instituer une procédure de recours collectif en responsabilité des dirigeants de sociétés
- pour moins d’injustice... de fiscaliser (toutes) les indemnités de départ
Point trop n’en faut
Rien de choquant, donc. Même plutôt en conformité avec les dernières déclarations outrées de Laurence Parisot et de Nicolas Sarkozy. Les Pays-Bas ont d’ailleurs récemment voté une loi similaire. L’Angleterre et l’Allemagne ont aussi légiféré pour contraindre les patrons qui bénéficient de prêts d’Etat à assouplir leurs revendications salariales. Mais en France, la commission des lois du Sénat a donc refusé la discussion, la renvoyant aux calendes grecques, au motif que le MEDEF propose une charte éthique sur le sujet. Charte qui se contente de demander aux patrons de limiter leurs excès, sans aucun objectif chiffré et sans aucun moyen coercitif.
Le hic, c’est que ce genre de "charte" n’est pas une nouveauté, au MEDEF. En 2002, Le "rapport Bouton", du nom de l’ancien PDG de la Société Générale (sic), proposait déjà quelques propositions pour "améliorer encore les pratiques du gouvernement d’entreprise". Mais le meilleur est ce rapport du Comité d’Ethique du MEDEF de mai 2003, intitulé "la rémunération des dirigeants d’entreprise, mandataires sociaux".
Beau comme l’antique
Dès l’introduction, le ton est donné, le MEDEF n’a pas "attendu l’agitation médiatique actuelle [mai 2003]" pour faire ses "recommandations", parmi lesquelles le fait que "la rémunération accordée doit toujours être justifiée et justifiable au regard de critères pertinents". Patrons, tremblez ! Car "la politique des rémunérations doit donc être mesurée, équilibrée, équitable et renforcer la solidarité à l’intérieur de l’entreprise". Le rapport met aussi en garde, de façon prémonitoire peut-être, contre "la possibilité de gains démesurés [qui] amène à perdre le contrôle de la réalité. Quand il y a absence de limite, on échappe à la matérialité. Les scandales récents l’ont encore démontré. L’éthique exige mesure et maîtrise". D’où la nécessité de calibrer les rémunérations sur les résultats, insiste à plusieurs reprises le rapport.
En 2003, le MEDEF avait donc pris la mesure du problème concernant ces rémunérations exorbitantes, et souvent injustifiées. Et depuis 2003 ? Des chartes éthiques, des codes de bonne conduite, des recommandations, qui n’auront donc servi à rien. Comme un code de la route, sans le gendarme pour le faire appliquer. "L’inutilité totale est le degré suprême du luxe" disait Barjavel...
Si "Les mots ont un sens", finalement... on s’en fout ?
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