Tourner la page de l’austérité
Le débat sur la pertinence de l'austérité est relancé. Trois universitaires américains ont pointé les erreurs des travaux de deux économistes réputés Reinhart et Rogoff ("R & R"), qui démontraient que le taux de croissance d'un pays est corrélé négativement à son endettement public, dès lors que celui-ci dépasse la barre des 90 % du PIB. Or, les conclusions de R & R ont servi de caution scientifique pour justifier la mise en place de programmes d'austérité dans de nombreux pays de l'UE.
Le débat qui agite les médias économiques porte sur le fait de savoir si l'étude de R & R a influé sur la politique économique alors en élaboration, ou si elle est simplement utilisée comme une justification a posteriori de mesures de toute façon inévitables. Mais peu importe car l'incertitude demeure sur une question jugée comme fondamentale : quel niveau d'endettement un Etat ne doit-il pas dépasser ?
La question est essentielle en période de crise puisqu'il s'agit de savoir si pour éviter l'accident sur une route verglacée, on doit appuyer sur le frein ou l'accélérateur. Les Pays-Bas ont créé la surprise en modifiant totalement leur position. Ils tablent désormais sur une relance de la consommation et de l'investissement pour sortir de la crise.
L'hirondelle batave annonce-t-elle le printemps et la fin de l'austérité ? Ces derniers mois, le FMI a reconnu avoir sous-estimé l'impact de l'austérité sur la croissance dans la zone euro et a plaidé pour accorder plus de souplesse à certains pays placés sous assistance financière internationale. Pour autant les préconisations du Fonds ne semblent pas avoir été entendues par les gouvernements.
La question est d'autant plus sensible en France qui pour rassurer Bruxelles évoque un nouvel effort fiscal en 2014 alors que les prévisions de croissance se réduisent comme peau de chagrin. La Commission soutient que la dette française constitue un important facteur de déséquilibre, qu'à 90% du produit intérieur brut (PIB), elle est trop élevée et ne cesse d’augmenter. Plus d'austérité serait pourtant prendre le risque de faire basculer la France dans la récession avec un risque de dominos dans l'UE.
Le revirement de la politique économique des Pays-Bas doit amener la France à s'interroger sur sa stratégie.
De la même façon, la remise en cause des travaux de R&R devrait pourtant pousser Bruxelles à sortir de ses dogmes. La Commission relève que la rentabilité des entreprises françaises, notamment industrielles, est la plus faible de la zone euro et que leurs marges sont rognées parce qu’elles ne parviennent pas à reporter la hausse des coûts sur les prix.
Et pour cause. En 1997, juste avant de devenir Chancelier, Gerhard Schröder déclarait : " que se passera-t-il lorsque l'outil de la dévaluation ne sera plus disponible en Espagne et en Europe et que l'économie allemande s'imposera partout grâce à ses énormes gains de productivité avec la monnaie unique ?"
Poser la question de la rigueur et/ou de l'austérité, devrait amener à se poser la question de l'euro et de la politique monétaire de la BCE. Seule monnaie au monde orpheline d'un Etat, l'Euro est surtout la monnaie d'une institution l'UE sans dette.
Le Collectif Roosevelt 2012 propose une solution qui jusqu'alors n'a guerre retenu l'attention de nos dirigeants. Redonner de l'air aux Etats en transférant sur l'UE les "vieilles dettes". En 2012 déjà il mentionnait dans son manifeste : "La situation de la France est moins dégradée que celle d’autres pays mais nous n’allons pas laisser abîmer nos écoles, nos hôpitaux, nos centres de recherche et l’ensemble de notre système social pour sauver la rente d’un tout petit nombre. Comme citoyens adultes, comme Pères et Mères de famille, nous ne pouvons pas accepter plus longtemps le triomphe de la cupidité et la dictature des marchés".
Tout l'enjeu est là, changer l'image de l'UE. Que celle-ci ne joue plus le rôle d'huissier qui presse les peuples tel un citron pour rembourser les créanciers mais, qu'elle soit le bouclier qui protège, une institution en capacité d'initier et de financer des grands projets structurants et d'avenir.
Illustration : Gerhard Schröder - Crédit photo : SPD-Schleswig-Holstein
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