Un fruit mûr pour l’altermondialisation
Devinez quel fruit pousse sur une herbe, se décline en plus de cinquante variétés et de mille types, peut être carré, rond, droit, courbé, vert, jaune, rose, tacheté, doré et même rayé ? Je ne vous ferai pas languir plus longtemps : il s’agit de la banane, fruit le plus vendu au monde (en volume), fruit spontanément associé aux pires pratiques commerciales.
Saviez-vous que seule une fraction de la production totale de bananes est destinée aux marchés mondiaux ? À peine 15% en fait, mais cette fraction est contrôlée à plus de 70% par trois multinationales américaines : Chiquita, Dole et Del Monte.
Comme au temps des Espagnols, Français, Hollandais et Anglais, les multinationales procèdent méthodiquement à l’extraction de cet or jaune qu’est la banane au bénéfice des pays développés (CNUED, Banane - Filière).
Même si les temps ont changé, leurs pratiques éhontées envers la main-d’oeuvre de cueilleurs de bananes leur colle toujours à la peau. Du reste, l’exploitation se poursuit ; elle s’est tout simplement mondialisée.
En Équateur, pays qui fournit plus de 25 % du marché mondial de la banane, les Équatoriens sont exploités sans merci (Fruits amers de la « banane dollar » équatorienne). Les multinationales ne possèdent pas les bananeraies. Elles se contentent d’acheter les récoltes... en fixant leurs conditions. La méthode Walmart, quoi !
Il est fascinant de constater à quel point les multinationales de la banane se sont adaptées à compter des années 1970. Alors qu’elles étaient propriétaires des plantations, elles ont depuis recentré leurs activités sur la distribution et la commercialisation.
Ces entreprises ont dorénavant tendance à mettre en place des contrats à long terme avec des planteurs locaux indépendants, en spécifiant leurs conditions quant à la forme, aux quantités, aux normes de qualité, à l’emballage, etc. Dans certains cas, ces sociétés fournissent également les intrants pour assurer un meilleur suivi de la qualité des produits.En somme, les multinationales se sont débarrassées des risques liés aux changements dans les normes environnementales et sociales. Elles ont cependant bien pris soin de maintenir leur contrôle sur la production avec les contrats d’offre (CNUED, Les coûts de production de la banane). Bienvenue, mondialisation !CNUED, Banane - Filière.
Les multinationales s’octroient, bien sûr, la plus grande part des marges de profit provenant de la valeur ajoutée lors du transport et de la distribution des bananes.
L’autre banane
Dieu merci, il n’y a pas que la banane capitaliste. Il y a aussi la banane équitable, et surtout la banane localisée. Rappelez-vous que plus de 85% des bananes sont consommées dans leur pays d’origine. Ce n’est pas rien !
En quantité, ce sont plus de cent millions de tonnes de bananes qui sont récoltées chaque année. Dans la grande majorité des cas, ces récoltes sont faites par des petits producteurs agricoles qui seraient bien embêtés de vous parler des multinationales. Leurs bananes sont consommées sur place.
En Inde, on appelle le bananier "kalpatharu", ce qui signifie "herbe aux mille usages". C’est qu’il est plus qu’une plante contribuant à l’alimentation de centaines de millions de personnes.
Reprenons depuis le début : quel fruit se mange, produit de l’alcool, des médicaments, du papier, de la corde, de la ficelle, du fil, des objets artisanaux variés, des parapluies, des assiettes "biologiques" jetables, des contenants à cuisson, de la colle, de la teinture, du savon... et qui peut remplacer jusqu’à 70-80% des céréales dans l’alimentation des porcs et des bovins ?
Quel est le slogan déjà ? Un autre monde est possible. Non seulement il est possible, il existe. C’est notre aveuglement de consommateur qui nous empêche de le voir.
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