Une politique écologiquement et socialement responsable est-elle possible ?
Comment mettre en place une politique résolument sociale et protectrice de l’environnement, sans faire fuir les capitaux, et avec eux, l’activité économique et les emplois ? Selon B. Borrits, ex-dirigeant d’entreprise et membre du conseil scientifique d’Attac, limiter la libre circulation des capitaux est une condition nécessaire, sans laquelle toute politique délibérée conduirait au chaos ou serait contrainte de revoir ses ambitions à la baisse (c’est-à-dire à des ajustements à la marge, cas de la France en 1982-1983). Cela peut être fait par la taxation des transactions, ou bien par le contrôle des changes.
Soyons réaliste, toute politique délibérée visant à protéger l’environnement, à lutter contre les émissions de CO2, à renforcer la solidarité, ne peut se faire qu’au détriment des profits financiers, et donc de la rentabilité du capital. Sommes-nous donc condamnés à nous résigner, à nous contenter d’ajustements à la marge, sous prétexte que de telles politiques feraient fuir les investisseurs ? Devons-nous laisser les investisseurs dicter les politiques à mener sous prétexte que, si elles ne leur plaisent pas, ils iront investir ailleurs ?
Non, bien sûr ! De telles politiques doivent donc être accompagnées d’une limitation de la liberté de circulation des capitaux. Cela peut être une taxe sur les transactions financières, ou un contrôle des changes.
Mais le contrôle des changes, ça nous fait peur ! Serait-ce synonyme d’isolement, de privation, de renoncement aux libertés individuelles ? Bien sûr que non, cela consiste simplement à ne pas laisser les marchés financiers décider des politiques publiques... Selon Benoît Borrits (qui a longtemps dirigé une entreprise high-tech) le contrôle des changes n’a rien à voir avec une entrave à notre liberté individuelle, à notre liberté de circulation, ni même avec une entrave au commerce international.
La preuve ? Le Vénézuela a mis en place un tel contrôle des changes pour faire face à la fuite des capitaux décidée par les élites économiques du pays. Mais n’est-ce pas aux représentants du peuple, démocratiquement élus, de décider de la politique à mener ?
Pour quel résultat ? Le Vénézuela a enregistré 9% de croissance en 2005 (la plus forte du continent américain), affiche une vitalité économique nouvelle, avec une réduction du taux de chômage (de 11,5% à 9,5%), une réduction drastique de l’inflation, une baisse du nombre de foyers vivant sous le seuil de pauvreté ; un succès, de l’aveu même de la Banque mondiale. Cette politique n’est pas du tout synonyme d’isolement, puisque les échanges internationaux se sont développés de 40% en 2005.
Comme quoi, contrôle des changes, cela ne veut pas dire soviétisation ! La preuve, c’est Keynes lui-même, qui proposait une chambre de compensation internationale, idée qui n’a jamais été suivie et que Benoît Borrits souhaite réhabiliter. C’est amusant de voir comment une mesure proposée par un économiste libéral à l’époque fait office de mesure soviético-archaïque aujourd’hui ! Des préjugés à combattre... Et une leçon, dont l’Europe pourrait s’inspirer. L’Union européenne doit en effet se préoccuper d’autre chose que de libéraliser "tout ce qui bouge" et d’étendre le marché. Une politique sociale et écologique, ainsi qu’une aide accrue aux pays récemment entrés, pourrait tout à fait être accompagnées d’une limitation de la libre circulation des capitaux. C’est beaucoup moins archaïque qu’il n’y paraît !
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