De l’indépendance énergétique à la dépendance au nucléaire, la France au risque de l’atome
Chaque semaine, presque chaque jour apporte son lot de révélations sur la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daiichi. On se souvient des rejets massifs d'eau contaminée dans l'océan, de la zone d'exclusion devenue zone interdite autour de la centrale, des polémiques sur la consommation de produits agricoles de la région. Récemment, Tepco, l'exploitant de la centrale, a confirmé ce dont tout le monde se doutait, à savoir la fusion de barres de combustible dans les réacteurs n°2 et n°3. Hier, 1er juin, les experts de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) ont rendu publiques leurs conclusions. Et la très molle agence dont le rôle est à la fois de contrôler et de promouvoir les activités liées à l'atome, n'a pu que confirmer que Tepco avait sous-évalué le risque de tsunami .
En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a annoncé son intention de sortir du nucléaire en arrêtant les dix-sept centrales nucléaires allemandes d'ici 2022 au plus tard. Peu avant, la Suisse avait également annoncé son intention de sortie du nucléaire pour 2034.
Alors forcément, en France, on se sent un peu bête avec nos 58 réacteurs nucléaires et 75% de notre électricité produite par ces réacteurs.
L'idée très gaullienne qui a mené au développement de la filière nucléaire française, tant civile que militaire, est celle de l'indépendance de la France. Au point de vue militaire, avoir la bombe garantissait au pays un rôle particulier face aux deux blocs, Est et Ouest, en guerre froide, comme l'explique le général de Gaulle en 1963 : ici
Au point de vue civil si l'on considérait dans les années d'après-guerre le nucléaire comme une énergie d'avenir, c'est dans les années soixante-dix que le parc de centrales françaises va prendre une dimension stratégique dans le contexte des deux chocs pétroliers, de 1973 et 1979. Face à la flambée et à l'instabilité des prix du pétrole l'atome semble offrir des garanties au pays, traçant ce qui sera le chemin particulier de la France. En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des centrales...
Ce choix du tout nucléaire, objet d'un consensus droite-gauche assez large depuis une quarantaine d'années, n'aboutit plus à l'indépendance énergétique de la France, mais met en lumière la dépendance à l'atome de notre pays. En effet, la France, n'ayant pas sur son territoire de mine d'uranium, doit s'en remettre à la politique néocolonialiste d'exploitation du minerai d'Areva, dans un contexte où ces activités doivent bientôt être privatisées....
La France se retrouve piégée, par son histoire, par ses choix qui rendent impossible une sortie rapide du nucléaire. Comment compenser la perte des trois-quarts de la production d'électricité d'un pays ? Comment financer le démantèlement des centrales françaises ?
L'évolution de l'opinion publique sur ces questions, en France comme en Allemagne, peut permettre à nos dirigeants de revoir leur logiciel. La demande sociale en termes d'énergies renouvelables, de sécurité des installations, la défiance vis-à-vis des responsables de la filière nucléaire, Areva, agence de contrôle, ministère de l'Industrie, tout ces éléments concourrent à faire du nucléaire un enjeu politique au sens fort. Malgré les dénégations répétées des caciques de l'industrie nucléaire, le débat se posera en France (il se pose déjà), y compris lors de la prochaine élection présidentielle.
Enfin, en contre-point des préoccupations européennes, il faut signaler que le Brésil en plein boom économique a fait le choix de développer son programme nucléaire. L'atome reste attractif malgré tout, au risque de payer le prix fort un jour ou l'autre.
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