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Les PME, hérauts de la transition énergétique ?

Les objectifs esquissés dans le débat en cours sur la transition énergétique reposent sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Pour les atteindre, une volonté politique forte sera nécessaire, tout comme la présence d’acteurs capables d’innover et de porter des projets écologiquement et économiquement viables. Dans ce domaine, notre tissu de PME a un vrai rôle à jouer, à condition qu’on leur en confie les moyens.

L’innovation au cœur de l’ADN des PME du secteur énergétique

Les PME françaises sont nombreuses à s’être illustrées, pour leur capacité d’innovation, dans le secteur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Photowatt, avant ses récents déboires, figurait dans le top 3 mondial des entreprises du photovoltaïque. La Compagnie du Vent est quant à elle une célèbre pionnière dans le domaine de l’énergie éolienne. Aujourd’hui encore certaines pépites sont très prometteuses : Delta Dore par exemple s’illustre sur le marché de l’efficacité énergétique, ou Disasolar sur celui des modules photovoltaïques de nouvelle génération.

Malheureusement nombreuses sont les PME, qui, malgré cette vraie capacité à innover, sont fragilisées – voire détruites – par un contexte financier et réglementaire qui ne leur est pas favorable.

Des PME fragilisées par un système qui les broie

La fiscalité d’abord, qui est, sur le papier, équitable entre toutes les entreprises, est en réalité beaucoup plus lourde pour les plus petites d’entre elles. Ne disposant pas des moyens pour mettre en place des politiques d’optimisation fiscale, elles sont davantage taxées, comme le révèle la dernière étude Lowendalmasai (1).

Par ailleurs, les (trop) régulières modifications réglementaires du secteur de l’énergie ont des conséquences dramatiques pour beaucoup de PME, qui ne peuvent assumer cette instabilité. Le cas des tarifs d’achat de l’énergie solaire (qui a subi de fortes hausses avant de connaître des baisses drastiques) est éloquent : beaucoup de PME du secteur n’y ont pas survécu. Pour Loïc Heuzé, de Delta Dore : « les PME sont au cœur du quotidien de la transition énergétique. Mais elles ont besoin de cadres juridiques et réglementaires pérennes  ». Cet appel prend toute sa force à la lumière d’un récent communiqué de la Cour de Justice de l’UE, qui estime que « le mécanisme français de financement de l’obligation d’achat de l’électricité produite par éoliennes relève de la notion d’intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ». En clair : c’est tout le dispositif de soutien à la filière éolienne qui est aujourd’hui menacé.

Enfin, les PME ont tendance à être, de fait, écartées des gros appels d’offre : « Les PME profitent peu de la transition énergétique. Un certain nombre de blocages l’expliquent, notamment sur les marchés publics [qui] se ferment, du fait de la position des fournisseurs d’énergie  », explique Pauline Mispoulet, du Gesec (2). Et si, sur tous ces points, les PME sont perdantes, les gagnants sont toujours les mêmes : les grands groupes. Au point d’en abuser ?

Des oligopoles nuisibles à la concurrence, à l’innovation… et à la compétitivité

En effet, profitant de leur puissance financière, les grands groupes rachètent à tours de bras les PME technologiques qui ont assumé tous les risques pour mettre au point leurs brevets. Dès lors ces PME sont intégrées à une politique de groupe… qui ne leur est pas forcément favorable.

C’est du moins l’expérience qu’en a fait La Compagnie du Vent, qui, alors leader dans le domaine de l’éolien, a eu besoin au milieu des années 2000 de capitaux pour poursuivre son développement. C’est GDF Suez qui se présente, et devient en 2007 actionnaire majoritaire de la société. Mais depuis, les choix du Groupe dirigé par Gérard Mestrallet n’ont pas franchement été bénéfiques à la PME : la Compagnie du Vent a d’abord perdu un important appel d’offres au Maroc… GDF Suez ayant mis face à elle une autre de ses filiales – dont le projet était pourtant plus onéreux. Puis le groupe a décidé de l’écarter du projet d’éolien offshore dit des Deux-Côtes, qui faisait l’objet d’un important appel d’offre de l’Etat pour lequel la Compagnie du Vent avait mené de nombreuses études préparatoires et noué de multiples contacts. GDF Suez, après avoir exigé le rachat de ces travaux préparatoires à sa filiale – ce qui a provoqué la colère, puis la révocation, de son fondateur Jean-Michel Germa – a proposé un autre projet avec Areva et Vinci. Manque à gagner estimé pour la PME mise de côté : 245 millions d’euros… Un épisode d’autant plus ubuesque que la proposition de GDF Suez a été rejetée, car jugée non compétitive ! GDF Suez a d’ailleurs été un actionnaire peu heureux pour plusieurs autres PME du solaire et de l’éolien : Energia, Clipsol ou encore Panosol, rachetées en pleine santé, ne pouvaient plus en dire autant après quelques mois de pacte actionnarial.

Ces entreprises ne sont pas les seules à avoir été intégrées à de grands groupes, malgré de vraies capacités à proposer des innovations potentiellement rentables. Thermya, une PME qui a mis au point une technique de torréfaction de la biomasse, a assumé les frais de recherche et développement qui ont fragilisé sa trésorerie et l’ont conduite au redressement judiciaire. Cette PME, dont tout le monde reconnaît pourtant l’immense potentiel, ne parviendra pas à rester indépendante : Areva la rachète à l’été 2012. On peut aussi citer l’exemple de Photowatt : malgré ses forces, l’entreprise n’a pas été soutenue par son actionnaire de l’époque, un fond canadien, qui ne lui a pas permis de se développer pour, peut-être, affronter plus sereinement la crise du solaire… Et si Photowatt a été sauvée, de justesse, c’est parce qu’elle a été rachetée par EDF.

Or l’indépendance a ses vertus : « Si on n’incite pas à l’émergence de TPE et de PME (indépendantes), on manquera de toutes les opportunités d’innovation et de développement économique engendrées par les PME (nouveaux produits, services ou marchés…) », prévient une étude TNS Sofres réalisée pour l’association Marianne, qui révèle que plus de 3 PME sur 4 intègrent un groupe quand elles atteignent une certaine taille. Sans parler du fait que l’on peut légitimement s’interroger sur les logiques de ces énergéticiens mangeurs de PME : « Les fournisseurs d’énergie sont assis sur un modèle qui gagne si les clients consomment. Est-on à ce point naïf pour penser que ce sont eux qui vont porter l’innovation, la pédagogie et les services optimum pour réduire la dépendance des consommateurs ?  », demande Pauline Mispoulet, du Gesec… Car en outre, pour bloquer une innovation, il leur suffit de ne pas la financer ! Le cas du moteur à air développé par MDI, qui présente un vrai potentiel, mais a toutes les peines du monde à trouver des appuis, en est une illustration.

Un nécessaire soutien aux PME pour réussir la transition énergétique

La réussite de la transition énergétique, appelée de ses vœux par le gouvernement, devra donc passer par un vrai soutien aux PME innovantes, et ne pas se limiter à des aides ponctuelles – utiles certes, mais non suffisantes – comme le déblocage de fonds spécialisés ou le Crédit Impôt Recherche. La France a résolument besoin d’une politique industrielle plus protectrice pour ses PME, comme celle qui est mise en œuvre en Allemagne par exemple. Un projet de loi, inspiré de la mésaventure de la Compagnie du Vent, a d’ailleurs été déposé par plusieurs parlementaires au début de l’été pour permettre aux PME de se protéger en cas de rachat par un grand groupe. C’est une réflexion qu’il est urgent de mener à bien si l’on ne veut pas manquer le train de la transition énergétique, qui devrait d’ailleurs faire l’objet d’un projet de loi du gouvernement avant la fin de l’année. 

(1) http://www.lowendalmasai.com/fr/index.php/presse/communiques-de-presse/web/2013/indice-ttc-2013-les-petites-entreprises-toujours-plus-taxees-que-les-grandes/

(2) Un groupement de 350 PME de services dans l’énergie, l’eau et l’air


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1 réactions à cet article    


  • La mouche du coche La mouche du coche 5 novembre 2013 23:37

    Votre combat est très beau, mais perdu d’avance.
    Devinez qui détient les médias ? les PME ou des grandes entreprises ? Alors devinez pourquoi les hommes politiques nationaux qui doivent obligatoirement passer dans les médias pour être élus votent ensuite une fois élus, des lois pro-grandes entreprises et jamais pro-PME ? Si vous ne comprenez pas que vous devez vous rassembler pour former un syndicat qui achète ensuite un média, vous passerez votre vie à aboyer pendant que la caravane des commandes passe.
    .
    Il faut grandir maintenant.
    .
    cordialement

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