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Les zones de non-traitement de pesticides et le chantage de la FNSEA

En réponse au décret gouvernemental relatif à la protection des populations face aux pesticides, la FNSEA vient de décider de bloquer les stations d'épuration. Retour sur un contentieux larvé qui traine depuis plusieurs mois ...

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A l'initiative le 18 mai dernier, le maire de Langoüet (Ille et Vilaine), Daniel Cueff, qui prend un arrêté pour interdire l'épandage des pesticides à moins de 150 mètres des habitations. L'arrêté est ensuite suspendu (le 27 août, par le tribunal administratif de Rennes) mais le mouvement est lancé. D'autres maires s'engouffrent alors dans la brèche et prennent à leur tour des arrêtés ; certains pour interdire totalement l'usage des pesticides sur le territoire de leur commune, d'autres pour en restreindre l'utilisation (distance à respecter par rapport aux habitations).

Petites villes, grandes villes (Paris, Grenoble Lille, Nantes ...), ce sont au total plusieurs dizaines d'arrêtés qui fleurissent un peu partout en France au cours de l'année 2019.

Problème : ces arrêtés sont systématiquement retoqués par les tribunaux administratifs ; la raison invoquée est que "la réglementation de l'utilisation de ces produits relève de l'état et non pas des communes". En réalité, la plupart des maires savent cela, mais donnent à leurs arrêtés une portée symbolique. Ils espèrent ainsi dénoncer les carences réglementaires concernant la protection des riverains et mettre l'état face à ses responsabilités.

Mission réussie puisque la question des zones d'épandages s'invite peu à peu dans le débat public. Le 14 juin, l'Anses rend un avis recommandant "la mise en place de distances minimales entre les habitations et les zones de traitement des cultures" et le 26 juin, le conseil d'état demande au gouvernement de prendre des mesures en ce sens d'ici la fin de l'année.

Comme on pouvait s'y attendre, ce projet de réglementation ne plaît guère aux agriculteurs. Pour essayer de les apaiser un peu, le ministre de l'agriculture Didier Guillaume évoque alors à la mise en place de "Chartes de Bon Voisinage". L'idée ? Plutôt que d'imposer des zones/distances de non-traitement au niveau national, permettre aux agriculteurs et aux riverains de se mettre d'accord au niveau départemental (sous l'égide des élus et/ou des services préfectoraux).

Une solution qui tourne bien sûr nettement à l'avantage des agriculteurs. Et pour cause : quel niveau de connaissances (techniques, scientifiques, juridiques) pour permettre aux riverains de faire valoir leurs droits face à des professionnels ? quel poids politique pour les petites associations locales (écolos ou autres) face aux représentants de grands syndicats agricoles (FDSEA & JA notamment) ?

De fait, les engagements des agriculteurs virent rapidement au pipeau ("on va faire plus de pédagogie ... mieux expliquer notre métier ...) et les chartes se retrouvent avalisées par les élus locaux sans que les riverains n'aient vraiment eu leur mot à dire.

Reste que ces chartes représentent juste des arrangements à l'amiable et ne sont pas censés se substituer à la réglementation. Pressé par le conseil d'état, le gouvernement fini alors par pondre un décret le 29 décembre, lequel reprend globalement les préconisations de l'Anses : à savoir, une distance minimale d’épandage de 5 mètres pour les cultures dites basses (légumes, céréales), 10 mètres pour les cultures hautes (arbres fruitiers, vignes) et 20 mètres pour les produits "les plus dangereux" (0,3 % des produits phytosanitaires).

D'où le courroux de la FNSEA, qui vient de décider contre-attaquer en boycottant les stations d'épuration. Explication : en traitant les eaux usées industrielles et urbaines, les stations d'épuration génèrent des déchets appelés boues d'épuration ; habituellement, une grande partie de ces boues est épandue dans les champs comme engrais ; en stoppant cette coopération, la FNSEA pourrait, à terme, obliger les stations à envoyer leurs boues dans des centres de traitement, ce qui leur coûterait beaucoup plus cher.

Voilà plusieurs décennies que la FNSEA impose son modèle productiviste avec ses conséquences néfastes pour l'environnement (gaz à effets de serre, érosion des sols ...), les animaux (élevés hors-sol et nourris de façon artificielle) et la santé des français (pesticides, nitrates, antibiotiques ...). Habituée à souffler à l'oreille du ministre de l'agriculture, la FNSEA menace à chaque fois de tout bloquer (voire tout casser) dès que les décisions n'abondent pas dans son sens.

Dans le cas présent, la décision de boycott des stations d'épuration est d'autant plus absurde que ces dernières ne sont pas gérées par l'état mais par les communautés de communes (gestion en régie) ou par des entreprises privées (Veolia ...) en contrat avec les premières (gestion en affermage).

Et quand bien même le choix de la cible serait plus pertinent, le ministère de l’agriculture a toujours été le principal allié de la FNSEA pour toutes les questions relatives au monde agricole (on a souvent parlé de cogestion), pourquoi lui reprocher des choses qui ne sont pas de son ressort ?

Rappelons que le gouvernement était contraint par le conseil d’état de prendre une telle décision, et qu’il en a sans doute atténué la vigueur (la consultation publique sur le sujet a donné lieu à 53.000 contributions citoyennes que le ministre a toujours refusé de publier).

Nul doute que le gouvernement saura encore une fois apaiser tout ça. En attendant, il ne tient qu'à nous de boycotter la FNSEA (en regardant les étiquettes et en bannissant de nos assiettes les produits issus de l'agriculture intensive).


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8 réactions à cet article    


  • ETTORE ETTORE 17 janvier 2020 15:12

    A force de rentrer dans un système concentrationnaire pour leurs animaux....

    Ils ne se rendent même plus compte que ces grands groupes, font de même ; avec eux.

    Il n’y a pas que les vaches qui se font traire, certains « exploitants » agricoles aussi.

    Relégués à la simple fonction d’épandeurs....Ils ne savent même plus pourquoi ils sont malades de leurs propres pratiques sur commande.

    Fini, désormais, l’agriculteur jardinier de la planète.
    Sont devenus ’(certains, du moins) désormais aussi nuisibles que ceux qu’ils combattent.


    • sls0 sls0 17 janvier 2020 15:59

      Oui, pourquoi pas, remplacer de la boue gratuite par des engrais payants.


      • foufouille foufouille 17 janvier 2020 16:42

        la conclusion de l’article est typique du bobo.


        • Le421... Refuznik !! Le421 18 janvier 2020 09:08

          @zygzornifle
          Si.
          Mais elle est inscrite sous le pseudo « Mrs Robinson » !!  smiley


        • zygzornifle zygzornifle 18 janvier 2020 07:27

          Les zones d ’épandage sont interdite autour de l’Élysée ....


          • anamo 18 janvier 2020 07:30

            Utilisation des pesticides en augmentation de 23% l’année dernière. Le besoin a t- il réellement augmenté ? Absolument pas ! On nous retorque qu’une météo défavorable ... +23% quand même.

            Retour sur le glyphosate. Depuis les menaces sur l’autorisation de ce produit, j’ai pu constater un usage accru et inconsidéré de ce produit. D’où viennent les recommandations en de sens ? Dans quel but ?

            Le paysan paie le produit. Il agit donc sur demande, non de sa propre initiative. Le préjudice financier assumé ne l’est pas sans mauvaise raison. Où l’on retrouve la FNSEA et ses accointances.

            Le traitement au glyphosate est reconnaissable sur des surfaces ’mortes’ de couleur jaune orangée. Le principe retenu, pour un plus grand volume de produit epandu, est une faible densité de traitement sur la plus grande étendue, pour noyer le coût à l’hectare.

            Quel bénéfice pour l’agriculteur. COSMETIQUE. Le caractère esthétique d’un terrain sans pousse verte après travail du sol.


            • Le421... Refuznik !! Le421 18 janvier 2020 09:18

              La gestion des épandages relève de personnes qui sont à Paris et qui s’en fichent comme de l’an 40...

              C’est marrant que pour beaucoup de choses, c’est comme ça.

              Ceci dit, dans les coteaux du Périgord, bien peu d’agriculture intensive, donc, à la limite, je vais faire comme tous les clampins.

              Je m’en fous !!

              En plus, j’ai vécu les deux tiers de ma vie...

              A la retraite, plus rien à faire, que demander de mieux !! smiley


              • Bellis 18 janvier 2020 13:47

                Bonne nouvelle pour les riverains qui subissent les odeurs de ces boues et pour les sols qui se gorgent des produits qui ne sont pas éliminés par les stations d’épuration.

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