Conseil de l’Europe : 47 condisciples : les bons catéchisent les plus faibles
Tour d'Europe de la démocratie et des droits de l'homme.
Vous les Arméniens, vous les Géorgiens, vous les Roumains, vous les Turcs, vous les Grecs et surtout vous les Azerbaïdjanais…, attention ! Vous n’êtes pas assez bons en démocratie, ni dans l’option Droits de l’Homme. Nous vous observons et sommes prêts à vous donner des cours de soutien. La démocratie téléologique quoi, une fin en soi !
Nous, c’est les « bons », les anciens à démocratie installée depuis belle lurette, du moins le croient-ils. Comme si quelque part, elle était déjà parfaite et que tous devaient aller vers cette perfection. 20/20 ou summa cum laude pour les plus avancés. Passable, le plus souvent pour les nouveaux venus d’Europe Centrale et Orientale.
Pour percevoir la complexité de la région de « l’Europe Médiane » selon l’expression Czelaw Milosz, on peut s’imprégner de la carte que cette vision a inspiré à Spiridon Lon Cepleanu ( cf carte)
Noble ambition de la plus vieille institution européenne, gardienne sourcilleuse, ipso facto, du respect des Droits de l’Homme pour 800 millions d’Européens.
Les travaux de l’APCE ( Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe) lors de la session de printemps à Strasbourg, traduits en bulletin de notes seront moins fastidieux à partager !
Arménie
Elections présidentielles du 18 février 2013 : « bonne application de l’administration, respect des libertés fondamentales mais persistance de sérieux problèmes ». C’est la remarque de synthèse de la commission d’observation et de conseil de l’APCE et d’une délégation de l’UE.
Bonne organisation donc par une administration qui a néanmoins utilisé abusivement ses ressources en faveur du sortant, Serge Sagsian, proclamé réélu une semaine plus tard avec 58,64 % des voix. Le second ( Raffi Hovhanissian), avec 36, 75% s’était proclamé lui aussi vainqueur. Il a vu son recours devant la Cour Constitutionnelle rejeté le 14 mars. Au passage, signalons qu’un candidat déclaré a dû renoncer à se présenter après avoir été blessé par balle. Mais comme les principaux partis avaient renoncé à présenter un candidat, « la campagne fut « calme » sans véritable engouement sans qu’il y ait eu un débat politique d’importance et sans réelle compétition » selon Milan Cabrnoch, chef de la délégation du Parlement Européen. Des doutes sur la fiabilité des listes électorales, quelques bavures dans les bureaux de vote ici ou là mais globalement le bilan est positif ! Cela rappelle quelques propos concernant l’URSS.
Passable donc mais des progrès tangibles sont en vue.
Géorgie
« La cohabitation n’est pas un dysfonctionnement du processus politique », peut-être cette bonne note accordée par M. Mignon, le président français de l’APCE, émane-t-elle d’un politicien autorisé en la circonstance puisque, député français, élu et réélu depuis 1988, il sait de quoi il parle. La transplantation est cependant osée : la Géorgie est apprentie démocrate, c’est pourquoi une réforme institutionnelle est nécessaire. Le 1° ministre M. Ivanishvilli chef du parti du « Rêve géorgien » a succédé au Conseil de l’Europe, pour cette session de printemps, au président Saakachvilli qui y était venu à la session d’hiver, en janvier, pour y déclarer sa flamme à la démocratie et surtout à l’Occident et son refus du diktat russe. Cf notre article : http://blogs.mediapart.fr/blog/aspohr/250113/georgie-russie-un-conflit-brulant-sous-la-glace.
Plus favorable à la Russie, le premier ministre, milliardaire, ne s’en déclare pas moins friand de valeurs occidentales et confirme la demande d’adhésion à l’OTAN.
Pour ce qui est de l ‘Abkhazie et l’Ossétie du Nord qui se sont déclarées « indépendantes » sous la protection de la Russie, voici sa position :
« Nous voulons rétablir nos relations avec nos voisins, les Abkhazes et les Ossètes du sud, et unifier le territoire en recourant uniquement à des moyens pacifiques ». Un bon point ou un requiem ? Le talentueux peintre et caricaturiste politique Shota Leladzé que la Russie insupporte depuis l’ère soviétique ( cf la photo) opte pour la deuxième formule. La loupe symbolise l’observation du CE mais elle est occultée par le drapeau russe.
La Roumanie
Encore un satisfecit du président de l’APCE à ce jeune membre de l’Union Européenne et de l’OTAN, mais depuis plus de 20 ans au CE , l’antichambre.
Là encore majorité et opposition ont accepté la cohabitation. Décidemment ! Le président Basescu cohabite avec le 1° ministre Viktor Ponta, un ancien procureur. Des réformes institutionnelles sont en cours par des amendements conséquents qui devraient pallier d’éventuelles nouvelles crises. En second lieu sur les 3500 affaires pendantes à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’immense majorité concerne le restitution des biens confisqués par le régime communiste. Le nouveau gouvernement s’applique à résoudre ces problèmes par une restitution équitable.
Pour le respect des minorités ( Hongrois par exemple …) va répondre progressivement un nouvel arsenal juridique en voie d’élaboration conjointement avec une réorganisation des territoires.
Mais « le plus important pour mon gouvernement et ceux à venir est d’arriver à une meilleure intégration de la communauté rom… en s’attaquant aux racines du mal… ». On a bien compris que cela prendra du temps. Il semblerait que les rapports avec l’Azerbaïdjan, où le 1° ministre se rend en visite officielle le mois prochain, soient plus prégnants, besoins d’énergie obligeant.
En gros tout va bien pour la Roumanie, l’élève attentif qui progresse. Patience !
Turquie
Bien que faisant partie du groupe des anciens puisque membre fondateur du
Conseil dès 1949 et malgré ses succès économiques reconnus et enviés, cette puissance est sous haute surveillance. Sans doute en raison de sa candidature à l’Union Européenne, elle est soumise à « un dialogue de postsuivi » ( procédure assez inhabituelle), les exigences de démocratie devenant croissantes. Cette procédure considérée à juste titre comme humiliante est désormais abandonnée.
La Turquie mérite un article à part, car il s’agit en effet d’une puissance très influente dans la zone de la Méditerranée orientale et d’un modèle observé attentivement particulièrement par les pays du printemps arabe. Elle ne sera pas clairement notée dans l’immédiat.
Suisse.« L ‘avenir de l’Europe c’est voir rire le regard des enfants »
La formule est belle. Elle est portée en exergue du discours du vice-président du Conseil Fédéral, chef du Département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse, M. Didier Burkhalter. Pour simplifie, avec nos appellations contrôlées, le N°2 du gouvernement suisse et ministre des affaires étrangères.
Membre du CE depuis 1963, la Suisse fait évidemment partie des très bons élèves quasiment hors concours. Le très long discours de son représentant, vrai polyglotte avec un brin de coquetterie, fut d’une très grande hauteur de vue par sa teneur autant politique que philosophique. Il mérite qu’on y revienne avec un peu plus d’esprit critique sur cette Confédération Helvétique qui se voudrait absolument exemplaire.
Enfin en gros « tout va très bien madame la marquise ». Si on veut et, si ce n’est pas le cas, le Conseil de l’Europe n’y est sûrement pour rien, bien au contraire.
Antoine Spohr. ( article paru également sur Médiapart)
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