Des lauriers dans les palmes de Cannes pour Eurimages
Une composante du Conseil de l’Europe.
Il s’agit tout bonnement d’un fonds culturel du Conseil de l’Europe ( CE- 47 Etats), pour la promotion de l’industrie audiovisuelle européenne, entendez ici particulièrement le cinéma. Le but est d’encourager la coopération entre professionnels de 36 pays d’Europe qui y ont adhéré depuis sa création en 1988.
Une fois de plus, on est prié de ne pas confondre l’Union Européenne (UE-27) plus préoccupée, surtout en cette période, par les problèmes économiques et financiers, et le CE. Ce dernier a souvent servi à la première, d’antichambre d’attente dans laquelle certaines conditions du respect de valeurs communes sont exigées. Parmi ces valeurs qui se voudraient universelles mais qui sont en tout cas celles de la civilisation dite, par facilité, « occidentale », il s’agit cette fois de culture. C’est si rare !
L’apport financier.
Ainsi, depuis sa création, le fonds a distribué 434 millions d’Euros en soutenant 1438 productions européennes, soit plus de 300 000 Euros par film en moyenne.
De quelle source jaillissent ces millions ?
Le budget annuel de 24 millions d’Euros est alimenté en premier flot par les Etats membres. On notera au passage que la France est le premier contributeur avec 4,6 millions prévus en 2013 devant l’Allemagne et l’Italie car ce sont, en effet, les pays les plus prolifiques qui sont aussi les premiers bénéficiaires. Normal ! D’un autre côté les Britanniques, après avoir participé à la création du fonds, se sont mystérieusement retirés. Normal ? So British !
En seconde source coule, en flux variable, le remboursement des soutiens accordés à partir des recettes nettes - après de multiples déductions - de chaque production, au prorata de la participation. Normal vraiment, comme pour tous les autres producteurs qui se servent différemment !
Ce n’est pas pour autant que les choix obéissent à un souci commercial. Quand un film soutenu fait un flop, parfois en dépit de sa qualité, ce petit ruisseau-là est tari. D’autres le compenseront. Ce serait trop facile de spéculer sur des valeurs commercialement sûres mais ici les critères sont tout autres, ambitieux, surtout plus nobles.
La qualité artistique et européenne avant tout.
D’abord l’ « européanité » si on peut oser ce néologisme : à cette fin on utilise une grille arithmétique prenant en compte par attribution de points, la nationalité du réalisateur(3), du scénariste(3), des acteurs (1pour chacun des trois principaux) etc…jusqu’au lieu de tournage(1). Il en faut 15 sur 19 possibles pour être considéré comme européen. Depuis peu, lorsque deux coproducteurs au moins ont cette qualité, on peut accepter un partenaire non européen mais en possible symbiose comme le Brésil avec le Portugal, l’Argentine ou le Mexique avec l’Espagne ou encore la France avec le Canada, par exemple. Ici cette innovation répond surtout au souci de la diffusion sans négliger l’apport particulier sur d’autres plans.
Mais le prestigieux label Eurimages recouvre surtout une exigence de qualité.
- MM. Plog et Olla
- Contents le président et le directeur général
En décide alors une structure solidement charpentée, multinationale ( notre photo) composée du Secrétariat qui opère sous la direction exécutive de Roberto Olla ( italien) et de son adjointe Isabel Castro ( espagnole) et du comité de direction présidé par Jobst Plog ( allemand, ancien président d’Arte) et comprenant les représentants des Etats membres. Sont-ils pour autant aptes à juger de la qualité artistique ?
Là encore les critères sont clairs : le scénario, le thème ou sujet, les personnages et dialogues, la structure narrative, le style , le genre, l’universalité… et évidemment le réalisateur et son équipe technique. Tout est examiné, analysé, discuté. Par ce goupe hétéroclite
Les critères de production comme le potentiel de diffusion et de circulation viennent en second lieu.
Quelques précisions éclairantes du directeur exécutif Roberto Olla :
« Le scénario (script) est donné à lire et à analyser à plusieurs experts dans la production audiovisuelle, en quelque sorte en aveugle, pour éviter tout préjugé. On se doute que leur jugement n’est pas facile tant la traduction en film d’un scénario écrit est difficile à imaginer. Comment ferait-on pour Jean-Luc Godard qui n’écrit pas de scénario ? Bien sûr, on consulte aussi les archives de presse et autres documentations. Mais il ne faut pas négliger la part du « flair » et surtout celle de la chance. »
· La Palme d’Or a été décernée au film Amour de Michael Haneke, une coproduction entre la France, l’Autriche et l’Allemagne ; il s’agit de la 2e Palme d’Or du réalisateur autrichien Michael Haneke dont le film Le ruban blanc, également soutenu par Eurimages, avait obtenu la Palme d’Or en 2009 ;
· Le Prix d’interprétation féminine a été attribué aux deux actrices principales (Cristina Flutur & Cosmina Stratan) du film Au-delà des collines de Cristian Mungiu ; cette coproduction entre la France, la Belgique et la Roumanie a également valu à son réalisateur Cristian Mungiu de remporter le Prix du Scénario ;
· Le Prix d’interprétation masculine a été décerné à l’acteur danois Mads Mikkelsen pour son rôle dans le film Jagten (La Chasse) de Thomas Vinterberg ; cette coproduction entre le Danemark et la Suède a également été récompensée par le Prix du Jury Œcuménique ;
· Enfin, le Prix FIPRESCI a été attribué au film In the Fog de Sergei Loznitsa, une coproduction entre l’Allemagne, les Pays Bas et la Lettonie.
Les deux films soutenus par Eurimages sélectionnés dans la compétition Un Certain Regard ont eux aussi été distingués par le Prix d’interprétation féminine pour Emilie Dequenne dans Aimer à perdre la raison de Joachim Lafosse (BE, LU, CH, FR) et par une Mention Spéciale du Jury pour Djeca d’Aida Begic (BA, DE, FR, TR).
Peut-être faudrait-il y ajouter la participation tardive et noyée dans une abondance de coproducteurs à « Paradis » de l’autrichien Ulrich Seidl, palme potentielle du film le plus controversé pour ses audaces sexuelles, mais il n’y a sûrement pas que çà bien sûr. Donc pas de pudibonderie chez les sélectionneurs et pas de lauriers non plus pour ce film qui dénonce le tourisme sexuel. On avait vu et récompensé plus salace.
Antoine Spohr.
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