Election Européenne : piège à con ?
Le 22-25 mai prochain, les citoyens européens seront appelés à voter pour renouveler le parlement européen. 751 eurodéputés qui forment le seul organe représentatif de l'Union Européenne. Avec comme nouveauté, permis par le traité de Lisbonne de 2007, une influence directe pour le choix du président de la Commission européenne. Et pourtant, cette élection ne semble pas se dérouler dans le meilleur contexte. La popularité de l'UE chez les peuples européens ne cesse de se détériorer. Un chiffre terrible en donne l'ampleur, seulement 4 pays sur 28 ont une confiance supérieur à la méfiance. Anatomie des sources de ce désamour.
Les politologues promettent une bataille qui se terminera entre les partis nationalistes/anti-européens et l'abstention. Face à ce tournant que l'on nous promet, la réponse ne doit pas être seulement fataliste. Interrogeons-nous sur la nature de cette campagne électorale ?
La campagne, qui ne fait que débuter, prend une tournure qui semble se tirer une balle dans le pied. Nos hommes politiques s'efforcent de démontrer l'intérêt de l'Union Européenne par le petit bout de la lorgnette. Tout y passe, les frontières quasiment disparues, ne pas devoir changer de monnaie entre les pays de la zone euro, ce fameux Erasmus (2 % des étudiants) ou l'Europe de paix. Un seul point commun à tous ces arguments, c'est l'Europe du passé. Des acquis obtenus depuis plusieurs années, voir dizaine d'années. Aussi juvénile qu'anachronique, leurs arguments apparaissent comme un pansement sur une jambe de bois.
Changer le pansement ou penser le changement
Le décalage entre les doutes des citoyens européens et le discours de nos politiques devient de plus en plus sanglant. Attachés aux acquis du passé qui font (presque) l'unanimités, l'Europe a oublié l'essentiel de la politique c'est à dire l'avenir. Ils préfèrent les arguments simplistes qui plaisent au "petit peuple". Le dernier exemple nous vient de la Commission Européenne qui propose d'universaliser les chargeurs des téléphones portables( déjà promis pour 2011), encore un petit biscuit d'unanimité ?
L'Europe du futur c'est l'Europe du plus jamais ça
Alors pourquoi se focalisent-ils sur des arguments que peu remettent en cause ? Le bilan de ces dernières années ne fait sans doute pas l'unanimité.
Les crises ont révélé les manquements de cette Union Européenne. Le poids de la Troika (BCE, FMI, Commission européenne, Eurogroupe) dans la résolution de la crise des dettes souveraines fut catastrophique par son manque de légitimité. Faut-il rappeler qu'aucun lien ne relie ces institutions aux peuples européens, ni par la représentation (le parlement européen n'a aucun contrôle sur la Commission, sur la BCE et sur l'Eurogroupe) ni par une démocratie directe (inexistante en Europe). Les mesures d'austérité furent appliquées par des technocrates aux gouvernements nationaux sur le dos des citoyens.
Ce manque de légitimité est aussi institutionnel. On peut citer la BCE. Cette institution qui est indépendante du pouvoir politique progresse en "pilotage automatique" et donc ne permet pas aux européens d'avoir une politique monétaire comme partout dans le reste du monde. Et de plus, bien loin d'un quelconque contrôle démocratique.
Quid du sauvetage des banques par les Etats qui a représenté 37 % du PIB de l’Union Européenne. Cela a provoqué une explosion des dettes souveraines alors que le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), renforcé par le « Six pack », oblige les Etats à descendre en deçà des 3 % de déficit budgétaire. Une équation impossible ou la politique est guidé par le chiffre et le bâton car dorénavent la Commission surveille et commente les budgets nationaux.
Le philosophe allemand Jürgen Habermas parle d' "autocratie post-démocratique", d'autre de dictature technocratique. Or les réformes macro et micro économiques furent nécessaires pour sauver la zone euro. Mais légitimement, les peuples européens jugent l'action politique ne correspondant plus aux idées originaires, que l'Union Européenne se proposait de mettre en oeuvre,que sont la démocratie et l'Etat de droit.
Dans le même temps, un plan d'aide pour lutter contre le chômage des jeunes fut créé, 6 milliards d'euro sur deux ans... Lorsqu'on sait qu'en Espagne ou en Grèce, plus d'un jeune sur deux est au chômage, 24 % à l'échelle européenne, beaucoup doute de son efficacité. Le présage d'une « génération perdue » de jeune sans emploi, comme au Japon durant les années 1990, est de plus en plus une réalité. Ils apparaissent comme les premières victimes.
C'est dans ce contexte difficile que les citoyens européens vont voter pour renouveler les eurodéputés
Caisse de résonnance
Dans une Europe qui n'intègre pas la démocratie, cela devient un "malheur" d'être le seul organe démocratique qui, de facto, se situe au centre de la bataille. Toutes les colères vont se cristalliser durant le seul moment où le citoyen a une action directe. Alors faut-il incriminer le parlement et son bilan ?
Tout d'abord, le parlement fut le seul à se battre pour augmenter le budget de l'Union européenne contre les gouvernement nationaux. De plus, les députés ont garanti un fond d'investissement de 325 milliards d'euros pour les projets de développement régional, ont refondu la politique agricole commune (PAC) pour la rendre plus « verte », ont permis d'aller plus loin dans la protection des données par rapport aux propositions de la Commission.
Nos députés ont aussi rejeté le projet ACTA sur la contrefaçon, ont permis l'indication du pays d'origine à tous les produits à base de viande, ont créé une législation pour mettre fin au démantèlement de vieux navires enregistrés dans l'UE sur les plages de pays tiers.
Voici quelques exemples de son travail peu connu. Pour finir, le parlement européen a approuvé le 3 mars 2014, un rapport qui affirme que la Troika est « dépourvue de transparence et de contrôle démocratique ».
Le bilan de la dernière législature n'a sans doute jamais été aussi important. Cela a été possible grâce aux pouvoirs et compétences acquissent par le traité de Lisbonne mais aussi par la nature consensuelle du travail qui caractérise ce parlement. Et pourtant, on peut s'attendre à une "sanction" politique du parlement pour le bilan de l'Union Européenne, alors même que celui-ci dépend plus du Conseil européen ou des traités, sur lesquels le parlement n'a que peu d'emprise.
C'est la terrible position institutionnelle du parlement.
Voter pour une Europe paresseuse ?
Le désintérêt ou le désamour va être criant de symbole lorsque Jean-Marie Le Pen (président d'honneur du Front National), sans doute futur doyen du parlement à l'âge de 85 ans, aura la charge de présider la séance inaugurale comme la tradition le demande. Cet homme symbolise l'erreur de jugement des européens (et dans ce cas-ci, francais). Après 30 années en tant qu'eurodéputé, il symbolise le néant idéologique. Depuis 2009, Jean-Marie Le Pen a déposé 0 amendement, 0 texte proposé, 0 déclaration écrite, 0 rapport, 0 motion pour résolution. Il symbolise la politique de la parole, sans les actes, qui tue nos démocraties.
Alors, peuple européens, ne vous trompez pas de bouc-émissaire. Au lieu de croire que les anti-européens changerons réellement cette Europe, demandons des réformes, demandons une "autre Europe" pour ne plus se faire prendre pour des cons !
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