Europe, Euro… les derniers soins ?
Comme pour ne pas assumer la crise qui frappe l’Europe dans son assise globale, au cœur même de tout son mode de développement depuis bien des années, l’on nous évoque ainsi « la Crise Grecque », élargie parfois en Italienne, Portugaise, Espagnole… française bientôt ? Dette souveraine, diktat ravageur des Agences de notation, solidarité relative habituelle de la Grande Bretagne mais aussi de l’Allemagne, absence d’Autorité Politique réelle, miracle ou malédiction d’une monnaie sans état réel… Le fameux « Cabri » sautillant du Général de Gaulle a le vertige pour affronter tant de problèmes.
Ainsi, face à la crise première des dettes souveraines menaçant tant d’autres à travers l’emblématique Grèce, l’existence même de l’Euro est en question. Le rôle de l’Etat aussi. Les Sommets « de la dernière chance » se suivent. Définir l’aide indispensable à la Grèce, pour ne pas avoir (encore ?) à œuvrer pour celle de toute l’Europe, en vue de sa permanence prolongée sous perfusion de prêts ou emprunts. Que faire face à des acteurs privés ébranlant sans cesse les marchés publics et états ?
Telle est la problématique première de l'Europe, et plus largement de l’Occident, vivant à crédit et au dessus de ses moyens depuis des lustres. Une nouvelle révolution, cette fois-ci dans les mentalités et la culture économique, semble inévitable et souhaitable.
L’autre question est de savoir ce qui demain va créer suffisamment de croissance pour parvenir à sortir d’une économie maintenue en survie par l’endettement. Celle croissance salvatrice sera t’elle verte ? L’Europe imposée à marche forcée (contredisant au besoin en catimini un référendum…) a le visage bien pâle. On ne peut plus continuer d’augmenter la dette publique en intégrant les conséquences de jeux boursiers privés souvent irresponsables. Si aux USA, il y a la notion raisonnée de « plafond » limitant les excès, il n’en est pas de même en Europe. Les prêteurs privés n’hésiteraient pas à y provoquer la faillite si tel devenait leur intérêt, à court terme.
De fait, le Libéralisme creuse peu à peu la tombe de son idéal premier à la hauteur d’un certain interventionnisme régulateur étatique s’avérant inévitable. Le retour de l’état marque premièrement le stade actuel de la muti-crise, en avant goût de celui du cadre structurant de la Nation. Les idéologues fédéralistes auraient oublié qu’il est moins facile de fédérer le néant, que d'unifier un contenu bien réel. A trop tenter de vider les nations de leur spécificité, à trop réduire « à minima », l’ensemble européen ressemble de plus en plus à un château de sable. On ne renforce pas une famille en niant l’identité personnelle de chaque enfant.
Comment freiner l’irresponsabilité d’une partie des prêteurs privés ? Interdire ? Seuls les politiques, les états et leur administration le pourraient. L’Europe parait hélas s’être édifiée en niant au maximum ces supposées entités dépassées. La tête de la pyramide pourrait tenir toute seule dans l’espace sans racines nationales agglomérées ? Il y a peu, les chefs d’états s’accordèrent sur le montant de 1000 milliards de dollars pour engager une lutte réelle contre la spéculation régnante en maître. La concrétisation de l’engagement se fait largement attendre. Alors que faire ?
La nouvelle mesure remède miracle serait donc de créer des bons du Trésor à compenser ensuite par la TVA ou équivalent. L’Europe garde ses vieux démons d’une vie par procuration. Le renvoi à un futur meilleur, ou idéal, reste au cœur de la création idéologique ou conceptuelle de la grande Europe élargie jusqu’au cosmos, le cas échéant. Le « cabri » du Général de Gaulle devra prendre une navette américaine, pour peu que le programme de lancement reprenne. A trop vouloir tuer le père américain sauveur de la seconde guerre mondiale, les pays d’Europe s’apparentent à des enfants volontairement illégitimes, et qui ne parviennent pas à s’entendre.
Une monnaie sans réel Etat, reposant sur un territoire fragmenté et désuni dans sa gestion, relève t'elle d’une utopie ou d’un objectif possible et raisonnable ? Gardons que l’Europe, et donc l’Euro, devaient premièrement se structurer au niveau politique. Trop consciente de la résistance des peuples (attachement légitime à la Nation), la classe dirigeante aura tenté d’imposer une Europe économique pensant mieux dominer les citoyens le jour venu, trop habitués qu’ils seraient à leur jolie monnaie. Or, la sortie de l’Euro est aujourd’hui envisagée par des économistes de référence. Sans revenir aux monnaies d’antan personne n'ose plus exclure l’émergence d’une monnaie à double valeur, nationale et européenne. Infaisable ? Le passage se ferait pour le moins plus en douceur, permettant de continuer d’évaluer les dettes de façon partielle sur les deux niveaux. Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement du Politique au niveau national face au marché global européen (ou mondial) n’est qu’une résultante logique de la déconstruction progressive de l’autorité au niveau de chaque pays. Songer à contrer les Agences privées de notation en confiant au FMI le soin « officiel » d’agir en la matière constitue un rattrapage d’autorité bien tardif. L’Europe commença par la fin. Désormais, sa fin globale ne semble plus impossible en tant qu’entité fédérale.
Ainsi, toute procédure de notation devrait être non autorisée dans la phase première d’une autorisation d’emprunt. Oser « boursicoter » immédiatement sur des prêts est « monnaie » courante, autant dire, tirer sur une ambulance ou un brancard. Que faire ?
L’idée de racheter de la dette (Grecque,Portugaise, Italienne…) au travers d’Euro-obligations aulieu de compter encore sur les bons du Trésor Américain, tel serait donc un autre remède anti-crise miracle. Cela ne réglerait en rien les déséquilibres, durablement. En attente des lendemains qui chanteront forcément pour l’Europe contrainte, tenter des artifices de fonds de caisse. Que faire ?
La nomination d’un Secrétaire Général Européen des Finances s’offrirait en absolue urgence. Outre les potions magiques évoquées, bientôt l’homme ou le statut administratif providentiels ? Le mythe errant de cette Europe dispose d’une grande imagination. Ce que tant de sommets de la dernière chance n’ont pas pu, un sur-ministre des finances le pourrait. Le dirigeant du FMI n’y suffirait donc pas.
Quoi qu’il en soit, cette longue et large crise reste liée au transfert d’activité aux pays émergents, vivant encore une phase de croissance presque assurée. L’Europe aura t’elle à régresser dans son niveau de développement pour pouvoir survivre ou renaître ?
Comment réduire les dépenses, ne pas augmenter les impôts pour compenser une faible croissance ? Faut-il imposer des limitations et cadres de gestion de façon constitutionnelle afin de s’y tenir ? Telle est la cadrature du cercle. A moins que celui-ci ne tourne en bourrique, et nous tous avec lui. Continuer de compter sur les USA, sans le dire ? Toutes les idées sont bienvenues, même les plus impensables.
Les Etats Unies ne sont hélas pas épargnés (sans mauvais jeu de mot) pour voir leur principal prêteur qu’aura été l’Asie rentrer à terme dans une croissance plus faible. Cela constitue une angoisse supplémentaire pour les marchés, souvent eux même responsables de ce qui les angoisse par la suite. Le « cabri » de l’Europe reste en outre, non pas bi-national, mais multi-national. Une faillite en chaîne marquant successivement divers pays, n’est donc plus exclue.
Le cas Italien reste doublement particulier pour y voir le Politique assumer largement une cure d’austérité, ayant de quoi faire rêver un politique français. Cette cure est atténuée par une épargne quasi aussi massive que la dette. Cela recouvre un exemple de pouvoir Politique affirmant son autorité. Celle là même qui fait défaut à l’Europe dans son ensemble.
Par ailleurs, l’opposition initiale du monde Anglo Saxon à l’Euro, voire à l’Europe, se prolonge. La crise semble dangereusement s’étendre à terme bien au-delà de la dette Grecque (353 euros par citoyen européen). La France semble progressivement s’apparenter à l’Italie, laquelle doit faire face à une dette 7 à 8 fois supérieure aux recettes annuelles de l’Etat. Si la France dispose aussi d’un bon matelas d’épargne, reste que ce facteur ne saurait garantir l’avenir. Alors ?
Les moins courageux s’accordent déjà pour relancer la planche à billets. L’inflation devient à nouveau un remède possible à tous les maux. A croire que la politique menée en France à la fin des années 70 n’a pas servi de leçon. Renvoyer les vrais problèmes aux calandres grecques (sans jeu de mot) ou chercher le placebo temporaire, le vieux démon de la vieille Europe sursaute avec le cabri. Le procédé n’est pas plus fiable que de monétiser la dette, induisant un rachat ultérieur nourrissant à nouveau la dette publique. Tout cela n’écarte pas une faillite des banques, catastrophe vécue de 1929 à 1931 avec les suites que nous savons.
Face à l’irresponsabilité boursicoteuse d’un certain secteur privé prêteur, l’angoisse des peuples croissant, réimposer la fiabilité des Etats est indispensable. Ces derniers pourraient s’en donner autoritairement les moyens, et pas seulement au travers d’un Secrétaire Général Européen aux Finances.
Outre la Grande Bretagne « génétiquement » hermétique à l’Euro pour résider dans un monde avant tout Anglo-Saxon, l’Allemagne pose aussi problème pour manifester une solidarité limitée, privilégiant souvent ses performances propres à celles de l’Europe dans son ensemble. Reste qu’elle doit une grande part de sa relative bonne situation aux exportations sur le territoire européen. Jouer vraiment « perso » n’est donc pas dans son propre intérêt durable. Une des deux jambes fondatrices du corps européen avance à pas lents et dissociés. La vieille Europe ne compte plus ses nombreuses béquilles, ni ses dettes.
La tentation protectionniste mena à la guerre par le passé. Pour éviter le pire, le retour du Politique et des Etats-Nations s’imposera de façon coordonnée. Pour s’être repliés dans « l’économisme », maltraitant au passage la dimension affective et symbolique nationales des peuples, les politiques devront faire preuve de diplomatie entre eux, et de beaucoup de pédagogie et respect envers leurs peuples. Le potentiel de l’Europe, celle des nations unies dans ce qui les renforcera chacune, reste conséquent. Si l’union fait la force, elle ne doit pas être celle de maillons faibles ou affaiblis.
Au niveau territorial comme international, survivre par la dette ne recouvre aucune ambition ni réelle stratégie à long terme, telle sera la leçon première. Si la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, devront leur éclosion passée à l’Europe, la problématique de l’intégration ou unification plus politiques pourrait constituer longtemps encore une démarche impossible. L’Europe ne peut recouvrir seulement une « identité » économique. Oser s’interroger sur un équivalent possible (ou pas) au niveau plus politique reste la question fondamentale. Lorsque le Général de Gaulle invitait à ne pas invoquer l’Europe à l’image d’un cabri sautillant, il invitait aussi à une « Europe des Nations ». Le Pouvoir politique de chaque état serait donc un impératif. Vouloir immédiatement une Europe autre qu’économique et marchande, interroge. D’aucuns voient dans le développement d’une intelligence économique commune le salut de l’Europe. Reste que « l’intelligence » des cœurs européens, n’est pas au rendez vous. Cela ne se décrète pas. Le « cabri »… c’est fini ?
Alors qu’aucun remède ne semble à même de sauver durablement l’Euro, et donc l’Europe… en sommes-nous au stade des derniers soins ?
Guillaume Boucard
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