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Projet Européen : L’école d’aujourd’hui doit préparer les jeunes à l’acceptation du système néolibéral

   L’école est de plus en plus sélective. Elle a calqué ses méthodes d’enseignement sur la logique du management d’entreprise — par exemple, en adoptant la « pédagogie par projets » ou en adoptant le discours des compétences. C’est une école qui fabrique des travailleurs adaptables et pas du tout des esprits critiques qui se syndiqueront et feront des grèves. Les méthodes pédagogiques par projets se présentent toujours sous un angle généreux (comme le travail en équipe) mais calquent complètement le modèle néolibéral de l’entreprise afin de fabriquer des individus extrêmement autonomes et pas du tout des collectifs, qui risquent de devenir contestataires et de s’organiser dans la critique, si besoin.

Le schéma est très simple : c’est la disparition des services publics d’éducation, de toutes les éducations nationales, pas seulement en Europe, d’ailleurs, mais partout dans le monde. C’est limpide, cela apparaît partout. C’est le transfert vers ce que l’on appelle « le marché éducatif », à savoir des opérateurs privés d’éducation. Et les logiciels vont jouer un rôle majeur dans ce processus. Il est quasiment inévitable, parce que c’est déjà prêt, que les apprentissages vont se faire sur Internet via des logiciels. On voit que l’on peut effectivement apprendre des choses seul, sans maître et sur Internet (nous le faisons tous), et ce sera le logiciel qui évaluera la progression de l’élève dans l’apprentissage de la matière. Les professeurs n’ont pas du tout conscience qu’ils vont disparaître ! Cela leur semble surréaliste car ils pensent être indispensables. Mais cela arrivera tellement vite qu’ils n’auront probablement pas le temps de s’organiser pour y répondre. Décalons le problème. Il y avait jusque dans les années 2000 un service public du chômage : l’ANPE. Il y avait des conseillers qui venaient comprendre la situation du demandeur d’emploi pour tenter de l’aider, de l’orienter, et qui avaient tout le temps nécessaire pour ce faire. On a supprimé l’ANPE et fait fusionner « le crocodile » (le comptable) et « l’éléphant » (le conseiller) en associant les ASSEDIC. Et, en général, quand on associe un crocodile et un éléphant, c’est plutôt le crocodile qui a le dessus.

Aujourd’hui, le résultat est un service quasiment privé qui est Pôle Emploi, dans lequel les « opérateurs » ont exactement vingt minutes, surveillées informatiquement, pour remplir des formulaires et pour orienter les gens qu’ils entendent vers des prestataires privés de formation. Le rôle d’un conseiller de Pôle Emploi consiste désormais à faire rentrer les demandeurs d’emploi dans un algorithme, en fonction de son parcours et de ses compétences, qui l’orientera ensuite vers l’un de ces prestataires privés, qui sont financés pour réaliser des formations qui, bien souvent, ne servent à rien du tout. On a ici un excellent exemple de la façon dont un service public est transformé en un service privé. Prenons le cas de Manpower : cette entreprise peut réaliser une convention avec une mission locale et sur, par exemple, les 350 demandeurs d’emploi, repérer ceux qui sont le plus facilement et rapidement employables. Admettons qu’il y en ait 150. Elle les récupère, facture une somme tout à fait honorable à l’État pour les caser sur le marché et va sortir des résultats tout à fait meilleurs que la mission locale. Il reste 200 clampins sur le carreau, qui sont les personnes qui se trouvent dans les plus grandes difficultés sociales et personnelles. Ensuite, on pourra vous dire que le privé marche mieux que le service public. Je pense que c’est exactement comme cela que ça va se passer pour l’éducation. Il va y avoir des prestataires privés qui recruteront les bons élèves et il restera une forme d’éducation nationale pour s’occuper des mauvais élèves et leur trouver un boulot, pour balayer les cheveux chez le coiffeur. Voilà, c’est ça le projet. Tout cela financé par de l’argent public, bien entendu !

En réalité, il faudrait réouvrir toute la réflexion des années 1970, et faire des propositions de réforme de l’éducation nationale pour éviter la reproduction des inégalités de classe Vous voyez bien la difficulté, puisqu’il s’agirait de rechanger complètement l’école et non de constamment la rafistoler et la sauver. Il faudrait affirmer de façon extrêmement claire qu’il n’y a aucun rapport entre l’école et le marché du travail et qu’elle n’a pas à s’occuper de cela ; il faudrait refaire une école qui fabrique des citoyens critiques, et donc politiques. Bon, vous imaginez bien la réaction des parents, des enseignants et des syndicats ! Mais c’est la seule solution pour garder un service public d’éducation, sauf à vouloir que cela devienne une filiale de Pôle Emploi. Mais cela suppose de revenir sur la plupart des fondamentaux …

Aujourd’hui, le problème se situe du côté du marché du travail. Le problème est que ce que l’on appelle pudiquement « marché du travail » délocalise toute la production à l’étranger — et donc tous les emplois qualifiés. Il ne reste plus que les emplois sans aucune qualification, pour lesquels il n’y a même pas besoin d’aller à l’école, ou les emplois extrêmement qualifiés. On garde les ingénieurs en recherche et développement par stratégie politique parce qu’on veut garder « l’intelligence » ici et on garde certains emplois non qualifiés (qui sont de toutes façons non délocalisables), mais tout ce qu’il y a entre les deux, on le dégage ! On voit d’ailleurs que l’école qualifie très bien des gens mais que le marché du travail est absent — et de plus en plus absent !

Le problème n’est pas du côté de l’école, c’est celui du chômage et des difficultés d’insertion, alors que le pays regorge de richesses. Cette violence du capitalisme, les gens ne la dirigent pas contre les vrais responsables, mais contre l’école. La figure de l’enseignant devient celle de la raison pour laquelle mon fils ne réussit pas. Les enseignants deviennent des ennemis…mais on se trompe d’ennemi !

D’après une interview de Franck LEPAGE 

« Ceux qui n’ont pas le courage de lutter devraient au moins avoir la décence de se taire »…José Marti


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14 réactions à cet article    


  • Coeur de la Beauce Fabien de Berchères-en-Beauce 28 septembre 2015 17:31

    ROBERT GIL : il y a désormais deux écoles. L’une, publique, pour garder les gosses de pauvres destinés à devenir des moutons consuméristes, galvanisés par le rap et l’opium islamiste et l’autre, privée, pour les gens bien-nés. Toute la logique de l’économie de marché....


    • Sozenz 28 septembre 2015 17:41

      Dans les deux cas ce seront , comme cela a presque toujours été ( car il y a des professeurs d’exceptions) des écoles de formatage.
      Sinon , il y aurait certainement beaucoup plus de « révolutionnaires » et de libre penseurs.


      • mac 28 septembre 2015 17:49

        A peu près d’accord avec vous sur le fond mais dire que l’école est de plus en plus sélective ne me semble pas exact. Tout dépend à quel niveau on se place. La vrai sélection se fait en post Bac dans les grandes écoles ou dans les filières universitaires qui ne sont pas des voies de garage comme la médecine ou le droit.
        Jusqu’au bac peu de sélection et des programmes de moins en moins exigeants sur le plan théorique à un point tel que ceux qui en ont les moyens finiront pas scolariser leurs enfants dans des écoles privées hors contrat pour être certains que leurs enfants n’auront pas à suivre des programmes de plus en plus incohérents et allégés. Cela aussi fait peut-être partie de la casse de l’école...


        • Trelawney 28 septembre 2015 19:12

          @mac
          Cela aussi fait peut-être partie de la casse de l’école...

          Aussi vous allez m’expliquer (en quelques lignes) pourquoi la grosse majorité des élèves (et quand je dis majorité je parle de 60% des étudiants) intégrant les grandes écoles comme les écoles d’ingénieurs, Polytechnique, ENA, HEC, EDHEC etc. sont des enfants de professeurs ou d’instituteurs ?


        • mac 28 septembre 2015 21:23

          @Trelawney
          Ces sont aussi aussi beaucoup des enfants dont le parents sortent eux même d’une grande école du même type car pour renter à Louis Le Grand ou Henri IV, il vaut mieux habiter Paris intra-muros. C’est la reproduction sociale, il n’y a rien d’autre a expliquer et l’école en ne donnant pas le goût de l’excellence aux enfants de« prolos » ne leur rend pas forcément service.
          Pendant les trente glorieuses, on a vu des gamins de l’assistance publique devenir médecins ou professeurs agrégés, je pense que ce temps est plus ou moins révolu...


        • Jason Jason 28 septembre 2015 18:22

          Bonjour Robert Gil,

          Votre article est tout à fait louable et les dangers qu’il souligne bien réels.

          Cependant, j’ajouterai qu’il manque un élément essentiel que je nommerai les contre-pouvoirs. En effet, à ce jour ils n’existent pratiquement pas. Les parents ne sont que dans une position de rejet ou d’acceptation, effrayés qu’ils sont par le manque d’alternatives.

          Puisque l’esprit critique touchant le système lui-même est très émoussé, la création de cercles de réflexion, d’associations, de bénévolat, seraient les bienvenus qui remettraient en question cet immense hold-up.

          Face à un état qui tend à privatiser et à un secteur privé qui profite de la situation pour se servir, il faudrait que les citoyens reprennent la situation en mains. Mais, devant la passivité générale, les frayeurs, et les syndicats tout-puissants entretenant le statu quo, que peut-on faire ?


          • Sozenz 28 septembre 2015 19:21

            Puisque l’esprit critique touchant le système lui-même est très émoussé, la création de cercles de réflexion, d’associations, de bénévolat, seraient les bienvenus qui remettraient en question cet immense hold-up.

            très juste. mais il ne faut pas oublier le rôle parental... (parents qui demanderait eux aussi à être ... euh ... formé ? reformé ?.... informé ça c est certain smiley


            • Jason Jason 28 septembre 2015 21:26

              @Sozenz

              Les parents étant au premier rang, ça va de soi.


            • Parrhesia Parrhesia 29 septembre 2015 08:47

              @Sozenz
              Il ne faut pas oublier le rôle parental ! Certes ! D’autant que ce rôle est devenu globalement nul. (Je n’ai pas écrit : « globalement inexistant ». J’ai bien écrit « globalement nul » !)

              Il ne faut pas oublier non plus que les cercles de réflexion et d’associations sont déjà infiltrés et noyautés en totalité par la pensée des vrais maîtres de la situation dès l’instant même de leur conception.

              Quant au bénévolat, en dépit des améliorations et du soulagement de douleurs qu’il apporte ici et là,  il présente l’inconvénient majeur de faire travailler le bon peuple à l’œil, contribuant ainsi à la perte d’emplois rémunérés, et ceci pour la plus grande satisfactions des rongeurs qui ont fait main basse sur notre société !!!

              Il est temps de reconnaître qu’à ce niveau de décomposition de la morale sociétale nationale, il n’existe plus de solutions simples ; ce qui n’est d’ailleurs pas sans grands dangers !!!

              Mais ceci étant… bonne journée à vous, Sozenz.


            • tf1Groupie 28 septembre 2015 22:06

              Article ridicule .

              Le travail par projet est une démarche indépendante de toute système économique, qu’il soit libéral ou marxiste.

              Pourquoi l’orthographe ne serait pas d’essence neo-liberale tant qu’on y est.

              Robert Gil montre juste que son « esprit critique » est totalement défaillant, il n’a pas du bien travailler à l’école et ça, ça donne de mauvais résultats, que l’école soit marxiste ou neoloberale.


              • Clark Kent M de Sourcessure 29 septembre 2015 09:19

                L’école continue à jouer le rôle qu’elle a toujours joué, c’est-à-dire

                fournir à la classe dominante des dominés formatés pour ses besoins de l’époque :

                - l’école enseigne l’amour de la patrie pour préparer la chair à canons quand la mode est aux guerres

                - l’école entraîne à l’obéissance au maître, à la discipline et eu travail quand le patronnat a besoin de main d’oeuvre qualifiée

                - aujourd’hui, l’école intègre la religion du « management », de la « gouvernance », et bientôt de la « bravitude »...

                Croire que l’école ou la justices sont indépendantes est une illusion. L’ascenseur social n’existe en apparence qu’aux périodes charnières de mutaions technologiques comme c’était le cas dans les années 50, quand la France est passée d’une nation de paysans à un patchwork de citadins connectés par la SNCF.

                • tf1Groupie 29 septembre 2015 14:29

                  @M de Sourcessure

                  Ah ben vous ça fait longtemps que vous avez quitté et perdu de vue l’école.

                  Aujourd’hui pas de célébration de la patrie, pas de lever des couleurs, pas de marseillaise et beaucoup d’écoliers qui n’aiment pas beaucoup la France.

                  Aujourd’hui les élèves obeissent assez peu à leurs maîtres et sont même très contestataires.

                  Bref question formatage et soumission vous êtes à côté de la plaque.

                  Par contre l’école est censée apprendre le respect des règles de collectivité et le respect des autres.
                  Et ça vous dérange ??

                  L’école aujourd’hui c’est beaucoup de fantasmes comme les votres et ceux de Robert Gil ...


                • Sozenz 29 septembre 2015 11:51

                  dans l éducation je vois plusieurs problemes qui ont été evoqués :
                  1- la libéralisation du marché de l éducation thème de l article .
                  2- la qualité et l excellence  C’est la reproduction sociale, il n’y a rien d’autre a expliquer et l’école en ne donnant pas le goût de l’excellence aux enfants de« prolos » ne leur rend pas forcément service.(mac)
                  4-
                  le formatage. fermant la porte la porte à la création de vraie nouvelles idées - fonctionnements
                  5- Orientation . l orientation se fait par « nécessité » et non pour de raison de convictions .
                  on oriente les jeunes par rapport à des besoin de marchés.poussé bien trop souvent par les institutions et les parent à choisir le « raisonnables plutôt qu un choix de conviction et de capacité ( quitte à ce que le jeune doivent plus tard plusieurs fois changer par la suite de voie il n y a pas de réelles ouvertures sur la recherche des potentiels des jeunes, et accepter ce qu ils appellent des voie de garage, acceptant par là même la destruction intérieur des jeunes faisant un travail pour manger qu’ un travail fait avec le cœur.
                  - dévalorisation de certains métiers. bien souvent nous avons des aprioris sur les métiers le travail purement intellectuel et bien trop souvent mis en survalorisation par rapport au travail manuel. erreur aussi faite est de mettre le travail manuel comme uniquement comme vision d un travail manuel sans y ajouter la possibilité d inscrire dans ce programme un travail de renouveau , de préservation des valeurs, de création , ou de travail manuel nécessitant aussi des compétences intellectuelles pour utiliser certaines technologies pour mettre en place de grands projets ;
                   il y a des combinaisons multiples qui pourraient etre mis en place pour retrouver une réelle dynamique du monde éducatif et faire trouver le bonheur des personnes dans leur développement personnel et leur vie » active".



                  • zygzornifle zygzornifle 30 septembre 2015 18:13

                    on devrait mieux apprendre a fabriquer des armes et a se défendre .....

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