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Histoire : Quand Massalia la fière fit place à Massilia la soumise

Si l’influence grecque à Marseille est bien connue, l’influence romaine l’est un peu moins. Car finalement, pourquoi donc Massalia est-elle devenue Massilia, et surtout qu’est-ce que cela a bien pu changer pour les Marseillais de l’époque ? J’avoue qu’après avoir choisi mon sujet, je me suis dit qu’il eût été plus logique de commencer par le commencement et de vous conter la fondation de Marseille par les Grecs de Phocée. Mais pourquoi faire simple ? Et puis d’abord c’est moi le chef, alors je fais ce que je veux (ne le dîtes pas à Jeff quand même…). En dépit du bon sens chronologique, je vais donc vous raconter comment notre belle ville s’est lamentablement plantée dans ses choix stratégiques au temps de la domination romaine.

A quoi ressemble Marseille au IVème siècle avanjézucri ? Disons-le en toute humilité, c’est une ville qui en jette pas mal. En dépit des idées reçues, les Grecs phocéens ne passent pas leur temps à philosopher en jouant de la harpe, ni à abuser sexuellement des insectes volants. Au lieu de ça ils introduisent la culture de la vigne et de l’olivier dans l’arrière-pays marseillais, ce qui favorise une économie fondée sur l’exportation de vin et d’huile d’olive, deux produits extrêmement recherchés dans le monde méditerranéen, ainsi que des amphores de grande qualité. Peuple de tradition maritime, les Phocéens ont développé des routes maritimes leur assurant une incroyable prospérité. Ils possèdent des comptoirs commerciaux tout le long des actuelles côtes provençales et on considère que le commerce fait vivre l’immense majorité des 40 000 habitants de l’époque. Notre cité s’étend sur les rives du Vieux-Port, et on retrouve les ruines du port de l’époque au Jardin des Vestiges, que vous apercevez entre le Centre Bourse, la Rue de la République et le World Trade Center (si si, on a notre WTC à Marseille, mais curieusement personne ne veut l’attaquer). Bref, tout va si bien que la ville est totalement indépendante et se gouverne elle-même selon une constitution inspirée du modèle grec. Aristote fait d’ailleurs l’éloge de nos lois, et Strabon quant à lui dit ceci : « Les Massaliotes ont un gouvernement aristocratique, et il n’y en a pas dont les lois soient meilleures (…). »

Mais cette réussite suscite les jalousies, et les Massaliotes sont doublement inquiétés. Premièrement ils sont encerclés par des peuples Celtes et Ligures, avec qui ils entretiennent des relations tendues : la culture grecque n’est pas forcément du goût de ces « Barbares », bien que les Barbares en question doivent aux Massaliotes la possibilité de transcrire les langues gauloises en utilisant l’alphabet grec. Celtes et Ligures s’allient contre les Massaliotes, et l’arrière-pays marseillais garde des traces de batailles entre grecs et peuples autochtones. Et par-delà les mers, des puissances montantes comme Rome et Carthage cherchent à prendre le contrôle des routes commerciales au détriment de Massalia. Les notables massaliotes choisissent de s’allier avec Rome, dont la force militaire est une « assurance bottage de fesses » face à leurs nombreux ennemis. En – 387 les Gaulois emmenés par Brennus arrivent jusqu’à Rome et battent les légions romaines, avant de piller la ville éternelle et d’exiger une très forte rançon en échange de leur départ. Massalia n’hésite pas à faire don de son trésor public pour aider à payer la rançon. Cet épisode renforce considérablement les liens, et à partir de – 181 Massalia appelle à l’aide lorsque la guerre fait rage contre les peuples Cimbres, Teutons et Ambrons. Notre statut d’enclave libre dans une zone d’influence gauloise a effectivement le don d’énerver le voisin moustachu. Mais personne n’est dupe des intentions réelles de l’allié romain, qui a sauté sur l’occasion d’affirmer son pouvoir dans une région voisine de l’Italie et sur laquelle la République lorgne depuis longtemps. En – 109 le général romain Caius Marius écrase les Cimbres et leurs alliés lors de la bataille d’Aix-en-Provence, une ville fondée quelques années plus tôt par les Romains eux-mêmes.

Hélas ces bonnes relations ne vont pas durer. En – 49 Rome se déchire entre les partisans de Jules César, général auréolé de ses victoires dans la Guerre des Gaules, et Pompée, le glorieux militaire d’Orient. César voudrait affronter ses ennemis en Hispanie Citérieure (Espagne) mais cherche d’abord à obtenir l’appui de Massalia, craignant de laisser une puissance hostile sur ses arrières. Mais les dirigeants de la ville prennent finalement le parti de Pompée, en pensant se ranger du côté du vainqueur. Voici alors ce qu’écrit César lui-même, toujours en verve quand il s’agit de conter les exploits de César : « César, se sentant profondément outragé, conduisit sous Marseille trois légions ; il ordonne la construction de tours et abris pour l’assaut de la cité et de 12 navires de guerre à Arles. Après trente jours quand ces navires furent terminés, armés et amenés à Marseille, il en donna le commandement à Decimus Junius Brutus et confia le siège de la cité au légat Gaius Trebonius. »

Dès le début du siège les légions de César s’installent à la fois sur terre, mais surtout sur mer, plus précisément sur l’île de Ratonneau. Ils construisent donc des machines d’assaut et des navires de combat pour contrer la redoutable flotte massaliote. Rapidement atteints par la famine, les Massaliotes lancent une première tentative le 27 juin 49 avanjézucri pour briser le blocus de la ville. Ce sera la Bataille de Marseille, remportée par des Romains très inférieurs en nombre. Une défaite qui refroidit un peu les Marseillais, mais ne les empêche pas de retenter leur chance au large de Saint-Cyr sur Mer le 31 juillet : c’est la Bataille de Tauroenthum, un nom qui sonne tout de même vachement mieux que la Bataille des Lecques, qui aurait plutôt fait penser à Intervilles… Une fois encore les romains se présentent en large infériorité numérique puisqu’ils ne disposent que de 18 navires, contre 17 navires massaliotes épaulés par 17 navires supplémentaires, des renforts envoyés par Pompée et commandés par Lucius Nasidius. Pourtant les Romains prennent à nouveau le dessus, et sentant la bataille mal engagée, Lucius Nasidius décide de vaillamment abandonner ses alliés phocéens pour filer en Hispanie rejoindre les autres partisans de Pompée.

Cette ultime défaite sonne le glas de la résistance de Massalia à Jules César, et en octobre de la même année la ville se rend. La suite on la connaît : César vaincra Pompée et mettra fin à la République romaine. Quant à Massalia, elle est punie pour son soutien au vaincu et c’en est terminé de sa belle indépendance. César intègre Massalia à la province de la Narbonnaise, plus simplement appelée « Province », c’est d’ailleurs l’origine du nom de Provence. Comme le reste de la Gaule romaine, Massilia – puisque c’est désormais par son toponyme romain qu’on désigne la ville – est administrée par l’Empire. La culture romaine imprègne la ville dans le prolongement de la culture grecque, dont les Romains se sont d’ailleurs largement inspirés. Néanmoins la période qui s’ensuit est prospère pour Massilia qui conserve une place stratégique dans le commerce en Méditerranée mais également entre le bassin méditerranéen et l’Europe du Nord en passant par le Rhône et la Saône. Le développement de la Province avec des villes comme Arles, Nîmes, Orange ou Aix profite également à Massilia. La langue latine et le droit romain seront de puissants vecteurs de croissance. La Pax Romana assure une stabilité bénéfique à l’essor du commerce et de la démographie, une stabilité qui prendra fin avec les Invasions Barbares. Mais c’est un autre sujet, qui méritera peut-être un prochain article.

Lire la suite de l'article - Histoire : Massalia la fière

Pierre SCHWEITZER
- News Of Marseille



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6 réactions à cet article    


  • King Al Batar King Al Batar 18 novembre 2011 16:22

    Z’auaient jamais du vendre Niang, maintenant c’est la merde !
    Le problème des Marseillais, c’est Margarita ! Il faut quelqu’un pour controler les égos de Anigo et de DD... Ca c’est du boulot !
    Gignac est vraiment mauvais....


    • Constant danslayreur 18 novembre 2011 17:22

      J’ai visité 2 fois Marseille, la première c’était en 1985 dans les quartiers nord essentiellement faute de sous et j’en gardais un « bof » comme souvenir. Mais pour la deuxième 15 ans plus tard, j’avais un Dupleix à ma disposition nettement plus au Sud (pas très loin du parc Borély et donc de la mer) et c’était pour mon voyage de noces (moitié à Marseille, moitié à Paris).

      Une ville magnifique finalement très différente de celles que je connaissais un peu en France à savoir essentiellement Paris, Lyon, Grenoble, Toulouse, Biarritz et des villes plus petites comme St Jean de Luz, Bourgoin-Jallieu, Bagnères de Bigorre, Lourdes…

      Avec un coup de cœur très spécial pour Massalia : Au détour d’une rue, un petit parc et au milieu dudit un … Séquoia.

      Je suis resté de longues secondes interdit devant sa majesté impériale… Depuis des années déjà, je savais que jamais je n’irai en Amérique du nord et qu’en conséquence, je mourrai connement comme j’avais vécu, sans jamais avoir vu une de ses merveilles, qui vous rappellent à quel point vous n’êtes pas grand chose…

      Un Séquoia nom de nom, le verdict est vite tombé : Marseille, paradis sur terre…

      Cela dit, j’étais en voyage de noces hein… alors j’imagine que le sens critique s’en trouve … quelque peu affecté  smiley Non je plaisante, c’est définitivement une très belle ville et vous êtes de sacrés veinards.

      PS : Que la narine nationale se rassure, j’aime beaucoup la France et les français mais j’ai conscience que quand le Hadj Zamed Constant al jojoique s’installe, les bornes cessent d’avoir des limites … alors je n’irai ni lui bouffer l’oxygène ni lui polluer le Séquoia
       


      • Richard Schneider Richard Schneider 18 novembre 2011 18:42

        Bel article d’un historien amoureux de Massilia.

        Je me suis régalé à le lire. Car c’est clair, pédagogique avec juste ce qu’il faut d’humour.
        Bravo !

        • NeverMore 19 novembre 2011 12:51

          Et vous n’avez rien vu ...

          Vous verrez les « feux de joie » lorsque le printemps arabe embrasera la France, en mai prochain, grâce à FH, si par malheur ...

           

          PS : ce jour là, garez votre voiture en sûreté


          • COVADONGA722 COVADONGA722 19 novembre 2011 13:21

            la revanche d ’Annibal :
            Delandae est Massilia !


            • Emile Mourey Emile Mourey 19 novembre 2011 15:15

              @ NewsofMarseille


              J’aime bien votre article. Connaissant un peu les écrits de César, je me rappelle avoir été très impressionné par la rapidité avec laquelle les habitants d’Arles avaient réussi à mettre sur pied la flotte de navires que César avait exigée, ce qui suppose l’’existence, déjà à cette époque, d’un véritable chantier naval. Je me rappelle également m’être interrogé sur les armées celto-ligures contre lesquelles Massalia a dû batailler. Je pense qu’il faut interpréter les textes autrement car celto-ligure ne veut rien dire. Comme le disent clairement les textes anciens, les Celtes habitaient au nord du cours supérieur du Rhône avec une capitale que je situe à Mont-Saint-Vincent et une ville à Cabillo. Les Ligures étaient une cité des bords du golfe de Gênes qui tenait alors dans sa vassalité toutes las autres cités des bords de la Méditerranée. Il faudrait donc comprendre, à mon sens, que les Ligures défendaient leur territoire et que les Celtes sont descendus, à leur demande, depuis l’actuelle Bourgogne, pour les soutenir militairement. Pourquoi ? Parce que, manifestement, Marseille était leur débouché sur la mer,et cela, probablement avant même l’implantation des Grecs.

              Merci pour votre article.

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