Une chose est sure : avec ce décès, c’est tout un pan de l’histoire du Gabon, et dans une plus large mesure, de l’Afrique, qui disparaît.
Bongo a, en effet, été l’une des figures les plus célèbres de l’histoire récente du continent africain. Il était connu pour son franc-parler, sa fortune incommensurable, son penchant avéré pour la gent féminine ainsi que ses relations privilégiées et très opaques avec la France, dans la mesure où il symbolisait à lui seul la stabilité et la vitalité de la Françafrique.
Le décès d’Omar Ondimba Bongo est une tragédie à bien d’égards. Il intervient quelques mois après celui de son épouse Edith Lucie et à la suite de révélations accablantes sur sa fortune. Mais, le plus grand défi auquel le pays doit faire face, c’est d’assurer une transition dans le calme et la sérénité ; ce qui n’est pas acquis.
De fait, dans de nombreux pays africains, les mandats présidentiels se renouvellent indéfiniment à travers le tripatouillage de la loi fondamentale, ou des manœuvres politiciennes ostensiblement en porte-à-faux avec les dispositions constitutionnelles. Cette situation donne le sentiment à plus d’un président africain qu’une fois au pouvoir, il peut y rester ad vitam æternam.
Les exemples sont légions sur le continent : Mobutu Sese Seko (Président de l’Ex-Zaïre, décédé le 7 septembre 1997 après 32 ans au pouvoir) et Gnassingbé Eyadema (ancien Président du Togo, disparu le 5 février 2005 après 38 à la tête du pays) étaient sans doute avec Bongo les exemples les plus probants de cet état de choses.
Mais quand on sait le destin mouvementé qu’ont connu le Togo et l’Ex-Zaïre lorsque ces hommes forts ne tenaient plus les rênes de l’Etat, on est en droit de s’interroger sur l’avenir du Gabon.
Certains observateurs estiment que l’histoire du Gabon n’est pas comparable à celle des deux pays précités, dans la mesure où Bongo avait réussi à museler l’opposition et les contre-pouvoirs, en conférant des postes ministériels ou en offrant des affaires juteuses à ces plus farouches opposants et détracteurs, qui, pour la plupart, n’ont pas su résister à ces appels de sirènes.
Aujourd’hui, la voie semble donc ouverte pour un régime dynastique, sachant que l’un des fils du défunt Président occupe un poste ministériel clé dans le gouvernement actuel. Seuls hics : la constitution prévoit que ce soit le Président du Sénat qui prenne le relais en pareilles circonstances, en attendant l’organisation d’élections. Par ailleurs, connaissant l’état de santé fébrile du premier inscrit sur la liste de succession, on se demande s’il caresse (encore) le rêve de la magistrature suprême.
On est toutefois porté à croire que si Ali Bongo, pour ne pas le citer, fait acte de candidature, il pourra compter sur le soutien indéfectible des plus fidèles alliés de son père et de certains opposants qui semblent plus s’inscrire dans la mouvance présidentielle que dans l’opposition. Bonjour donc le régime dynastique aux relents monarchiques dans un pays qui se défend d’être démocratique.
Il convient de se demander également quel sera le rôle politique de la France dans ce pays après la disparition de celui qui a fait les heureux jours de plus d’un Président français. Les prochaines semaines nous le diront. Mais à en croire Nicolas Sarkozy, qui a toujours prôné la rupture et la fin de la Françafrique, malgré un premier voyage officiel effectué dans le pays du Président défunt, les Gabonais décideront eux-mêmes de leur avenir politique sans la moindre ingérence.
Il faut juste espérer que cette nouvelle page qui s’ouvre ne sera pas entachée de sang, et que la démocratie pourra librement s’exprimer dans un contexte de transparence et dans le strict respect de la légalité constitutionnelle pour le plus grand bonheur du peuple gabonais.
John Patrick