Burundi : des prisons remplies de domestiques et de petits voleurs
Au Burundi, beaucoup de gens savent que les grands criminels ne risquent jamais la prison, compte tenu des relations et moyens financiers dont ils disposent ; c’est pour cette raison que, pour avoir du travail, les officiers de police judiciaire emprisonnent les personnes dont les chefs d’accusation laissent perplexe et font rire plus d’une personne.
Au Burundi, petit pays d’Afrique centrale, à la frontière
avec le Rwanda, la RD Congo et la Tanzanie, détourner de milliers de dollars
dans les caisses de l’Etat, ne constituent pas plus un grand danger ni un
problème majeur que de voler une cuillère ou une fourchette à sa patronne ou patron.
Le trafic d’influence et usage des faux ne valent non plus pas
plus que de voler un canard ou une chèvre dans un champ.
Malgré les minces progrès dus essentiellement à l’avènement
de la démocratie et aux différentes pressions des organisations de défense des
droits humains, les prisons burundaises sont loin de respecter les critères de
détention des personnes soupçonnées des délits. D’ailleurs, la présomption d’innocence
n’est pas appliquée.
Malgré la formation des officiers de police judiciaire et les
dénonciations des médias sur les incarcérations abusives, les choses n’ont
vraiment pas changé et les policiers ont gardé les mêmes réflexes, c’est-à-dire détenir
les gens sans preuves ni motifs concrets.
Ainsi, Hassan, domestique de maison dans un quartier du centre de Bujumbura, fut amené à la police judiciaire de Bwiza par sa maîtresse
de maison parce, disait-elle, il a volé des verres de tables et pris deux
fourchettes.
Il fut mis en prison et y passa deux semaines avant que les officiers du Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies ne
viennent le faire libérer. Une fille de maison appelée « Yaya » dans le langage
du pays, d’un des quartiers périphériques de la ville, est accusée par sa patronne
d’avoir pris les vêtements de son bébé et a été livrée à la police pour y passer trois semaines, avant que
les mêmes services des Nations unies viennent la faire libérer.
Souvent, des patronnes ou des maîtresses mal intentionnées,
et n’ayant pas la volonté de payer les salaires mensuels de leurs travailleurs,
les accusent d’avoir volé des fourchettes et des cuillères pour s’en débarrasser
et le moyen le plus facile est de les conduire vers un officier de police, en
l’occurrence, leur frère ou membre de famille pour faciliter l’incarcération de
ces travailleurs. Et c’est un phénomène général qui règne dans toutes les
prisons du pays.
Ces prisons sont remplies par des jeunes gens sans famille,
morte pendant la guerre ; sans soutien et sans moyens financiers pour se
défendre, ils y passent des semaines, mêmes des mois pour finir dans la grande
prison centrale de Bujumbura ou des autres provinces du pays.
Le vol d’une poule ou d’habits d’enfants peut valoir à ces domestiques
une voire deux années de prison . Les prisons, pleines à craquer, sans les
conditions minimum d’hygiène et marquées par le manque de nourriture,
constituent un enfer sur Terre.
Les jeunes garçons de moins de 20 ans ou mineurs y sont
souvent incarcérés loin de leurs familles. Ce sont toujours des descentes
tardives des quelques observateurs de Nations unies, qui peuvent sauver ces
pauvres jeunes gens et les libérer. Souvent des jeunes y laissent la vie sans
poursuite judiciaire comme qui dirait "ni vu ni connu".
Le corporatisme du corps de police et les liens familiaux
font que les poursuites judiciaires n’aboutissent jamais et ces jeunes garçons
et filles sont souvent victimes de viols et de divers sévices sans que personne ne le sache puisque il en va de leur libération. Pour les personnes disposant
de moyens financiers, les délits et chefs d’accusation, n’ont aucun sens et
n’aboutissent nulle part.
Pour tromper l’opinion, les officiers de la police
judiciaire font semblant de mettre en détention les personnes accusées de
grandes crimes de vols ou de détournement des fonds ; mais elles sont libérées
moyennant l’intéressement des juges et officiers de police et, souvent, les
plaignants se retrouvent coincés et abandonnés, quitte à juger lui-même de la
procédure à l’amiable faute de quoi le dossier reste sans suite.
Les relations familiales et amicales priment sur le
jugement équitable et beaucoup de gens se retrouvent sous les barreaux sans
motifs valables, parce qu’ils n’ont pas été capables de monnayer leur liberté.
Tous les délits et crimes sont susceptibles d’être monnayés ;
cependant, il existe le crime non monnayable : ce sont les atteintes à la
sûreté de l’Etat, ces actes visant à déstabiliser les institutions politiques
; et ces actes sont légion parmi les hommes des médias, les organisations civiles
avec lesquelles le pouvoir n’a pas pitié. Si les organisations des droits de
l’homme traînent à intervenir, c’est la sentence suprême, seule voie pour se débarrasser
d’un élément gênant et capable d’empiéter aux intérêts d’un groupe non
représentatif de la volonté du peuple.
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