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Chine, Google, NSA, Europe : petit décryptage autour de l’opération « Aurora »


Quelques articles ont récemment souligné le danger de voir la NSA (US National Security Agency) secourir Google dans sa lutte contre les agressions extérieures. Les dernières en date, chinoises, surnommées « Opération Aurora » par McAfee, visaient également d’autres sociétés américaines telles qu’Adobe ou Yahoo ! Ce genre de coopération n’est pourtant pas vraiment surprenant puisque des backdoors volontaires existent depuis longtemps, dans de nombreuses applications, à la demande de gouvernements divers. La NSA, premier employeur de mathématiciens au monde, est d’ailleurs plutôt experte en la matière, même si des voix tempèrent parfois ce jugement.

Pour Google et les USA, une opportunité plus qu’une menace ?

Concernant la possibilité de voir le moteur américain quitter l’Empire du Milieu en réaction aux tentatives chinoises, on notera qu’elle relève peut-être davantage d’une situation peu flatteuse en Chine où Google se voit largement devancé par baidu (百度), que d’un choix délibéré dicté par des principes nobles et courageux. Il est vrai que la multinationale de Mountain View, bien qu’elle se soit pliée aux exigences du gouvernement de Beijing en termes de contrôles, n’a pas réussi à s’imposer face au moteur chinois. On peut donc raisonnablement émettre l’hypothèse d’une sortie « par la grande porte » opportunément orchestrée par nos amis d’outre-Atlantique, sous prétexte d’intrusions chinoises qui ne tombent finalement peut-être pas si mal que ça. En effet, un tel départ serait finalement le bienvenu puisque, pour Google, il réduirait surtout le risque d’exploitation de l’une de ses failles, sur un marché qui lui résiste de toute façon !

En outre, en termes de guerre de l’information, le message véhiculé est assez limpide : les Chinois apparaissent une fois de plus – et plus que jamais – comme les méchants, tandis que les USA se rachètent une virginité aux yeux de la planète en se posant comme les défenseurs des Droits de l’Homme. Or sur ce point, on peut objecter que la lecture des emails de deux dissidents est un élément relativement marginal et peu important comparé à l’enjeu économique et stratégique d’un vol massif de code source. Du moins pour celui qui est volé, en l’occurrence Google ! Côté américain, cette inclination à l’humanisme semble d’ailleurs être une tendance assez forte actuellement, il suffit pour s’en convaincre d’observer ce qui se passe à Haïti depuis quelques semaines, où là encore, le prétexte humanitaire est largement utilisé à des fins moins dicibles.  

Des soupçons légitimes, mais inutiles et vains

Bien que totalement légitimes, les alarmes levées sur cette coopération entre l’Etat américain et Google cachent pourtant une contradiction flagrante chez nous, les Européens : comment vouloir d’un côté mettre fin au « turbo-capitalisme » anglo-saxon en demandant aux pouvoirs politiques une plus forte implication dans le contrôle des entreprises, tout en criant au scandale dès qu’un Etat vient en aide à une entreprise privée ? On peut aisément comprendre le souhait d’un meilleur encadrement de la sphère « business » par le pouvoir politique, à l’échelle mondiale, car il s’agit d’enjeux économiques (création de valeur) et sociétaux (partage des richesses). Mais si telle est l’approche choisie, alors on peut difficilement s’offusquer lorsque – pour des enjeux de sécurité intérieure et de sécurité économique – un Etat vol au secours de l’un de ses acteurs privés.

La vraie question pour l’Europe

L’enjeu principal n’est-il pas ailleurs ? En effet, le problème n’est pas tant lié aux relations certes peut-être trop étroites entre la NSA et Google, mais plutôt au fait que les américains disposent – avec Google, Yahoo !, et MSN – d’une emprise excessive sur la messagerie et l’accès aux informations, dans le monde entier, Europe en tête. Le problème est donc avant tout celui d’une faiblesse Européenne puisqu’il n’existe aucun système équivalent en France ni même en Europe. N’est-ce pas sur cette fragilité et cette dépendance que devrait se porter toute notre attention ? Plutôt que de se mobiliser pour dénoncer des abus supposés – et sur lesquels on n’a de toute façon que peu d’influence – ne serait-il serait pas plus judicieux d’orienter tous nos efforts en amont, et agir, au lieu de seulement réagir ? Si l’on veut un jour pouvoir caresser l’espoir de voir le monde adopter nos propres solutions, et cesser par la même occasion de se sentir menacer par une forme d’impérialisme américain ou un totalitarisme chinois, il est important de dégager des priorités claires en termes d’innovation. Les pôles de compétence s’inscrivent dans cette logique, il faut plus que jamais poursuivre les efforts sur le terrain des technologies de l’information. Combinées aux stratégies d’influence, elles nous permettront d’être mieux armés et de jouer un vrai rôle entre les Américains et les Chinois. Les rapports de forces sur l’échiquier mondial s’en trouveront davantage équilibrés.

J.C.M.


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2 réactions à cet article    


  • verdan 17 février 2010 18:44

    Bonjour @ l’auteur

    Je ferais un parallèle , qui , me semble t-il n’est pas usurpé ; rappelez-vous en 1999 , alors qu’il était( le projet) question de galiléo , le concurrent direct du gps. Plus puissant, plus précis , bref« plus mieux » quoi  :)

    Clinton qui disait, ne vous inquietez pas ! Gardez notre gps , c’est gratuit, bref, pourquoi construire un doublon ?

    Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre. [Alfred de Musset] [+] Extrait de La coupe et les lèvres[+]
    D’accord avec vous


    • HanKuang HanKuang 18 février 2010 00:22

      Une première observation : après des déclarations plutôt fracassantes, Google non seulement demeure toujours en Chine en se conformément strictement à la règlementation chinoise — en d’autres termes en maintenant cette censure si décriée — mais, par la voix de Sergey Brin, estime avoir de bonnes chances de pouvoir y rester en négociant pendant « un à deux ans » !

      Deuxième observation : il semblerait que toute cette gesticulation concerne en réalité la mise-en-place prochaine de l’IPv6 (Internet Protocol Version 6) et la crainte américaine de rencontrer encore plus d’obstacles pour pouvoir accéder à l’internet chinois. N’oubliez pas que depuis 2006, la Chine a réformé son système de gestion des DNS qui ne passe plus par les serveurs de l’ICANN. Il en résulte que les internautes en Chine ne pourront pas accéder à des sites de type LDH (letters, digits, hyphen) sans autorisation gouvernementale préalable ; à l’inverse également, un site chinois — c’est-à-dire en « CN » — ne sera pas accessible de l’étranger sans l’agrément gouvernemental, google.cn compris !

      Vous avez raison, l’enjeu dépasse de bien loin un soit-disant piratage informatique. N’oubliez pas, non plus que, la semaine précédant l’annonce par Google de son intention de ne plus s’auto-censurer, Hillary Clinton a reçu à diner Eric Schmidt le 7 janvier, en compagnie d’autres dirigeants de firms informatiques, afin de préparer son discours du 21 janvier contre le « nouveau mur [électronique] de Berlin » ! Tout porte à croire qu’il s’agit, de la part des États-Unis, d’une offensive concertée « publique-privée » contre la Chine, et pas seulement pour de simples raisons commerciales ! Toutes proportions gardées, il s’agit d’une nouvelle guerre froide contre la Chine, et pourquoi pas chaude par la suite ? Cela permettra alors de geler les avoirs chinois aux États-Unis, en particulier ces centaines de milliards de dollars en bons du Trésor détenus par le gouvernement chinois.

      Que voulez-vous, quand on n’a plus d’argent il faut bien avoir des idées ! Les Américains ont du se souvenir de ce slogan français : « Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées ».

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