De quoi dépendent les indépendances ?
L’occident a reconnu le Kosovo, et la Russie s’est vengée en votant l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Conséquence : la Guerre Froide semble relancée. Mais pourquoi reconnaitre certains pays comme indépendants, et pas d’autres ? Quels intérets occidentaux ou russes se cachent derrière chaque déclaration d’indépendance ? Et puis, jusqu’où poursuivre ces reconnaissances d’indépendances ?
17 février 2008 : le Kosovo accède à l’indépendance. Paris, Londres et Washington ont décidé de reconnaitre cet état dont la superficie équivaut à celle d’un département français. Le peuple kosovar est heureux : normal, il vient d’accéder à la liberté, après tant d’année de guerre et d’asservissement. Ainsi, la position des occidentaux parait tout à fait justifiable. Belgrade proteste contre une énième amputation de son territoire... L’allié russe, dont le poids international est bien plus important, gronde, menace... Puis le Kosovo peut écrire une nouvelle page de son histoire.
Problème : le peuple kosovar n’est pas le seul à réclamer son indépendance. Citons la Palestine, la Tchetchenie... Voire le Pays Basque, la Corse... voire un jour l’Occitanie et la Provence, qui sait ?
Mais de son coté, Moscou sait vers quelle région orienter sa revenche. Six mois plus tard, les troubles en Géorgie éclatent, la Russie en profite pour mener son offensive militaire, tarde à se retirer, se met les Etats-Unis et l’Europe à dos pour l’agression qu’elle vient d’effectuer. Et là, la Douma vote l’indépendance du tiers du territoire de la Géorgie, à savoir de l’Abkhazie et de l’Ossetie du Sud. Les peuples abkhaze et ossete, qui attendaient cela depuis longtemps, manifestent leur joie. Dans le même temps, Moscou se retrouve isolée du reste du monde, aucun pays occidental n’applaudissant cette reconnaissance illégale.
D’un coté, il est clair que si Moscou a accordé l’indépendance à ces deux régions, c’est plus parce que MM. Poutine et Medvedev veulent renforcer leur influence sur le Caucase, et de là sur le monde, afin de rendre à l’Empire russe sa grandeur perdue avec la chute de l’URSS... sans doute dans le but d’annexer par la suite ces jeunes républiques, que parce qu’ils sont particulièrement sensibles au bonheur de peuples. Néanmoins, le refus des Européens et des Américains de suivre Moscou réside quant à lui plus dans le fait que la Géorgie est pro-occidentale que parce qu’ils ne veulent pas voir ces peuples heureux. Rappelons également les enjeux géopolitiques, mais plus encore énergétiques de la région...
La Russie se justifie ainsi en demandant pour quelle raison le Kosovo soutenu par les occidentaux aurait plus le droit que l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud pro-russes d’accéder à l’indépendance. Oui, au fond, dans ce monde dominé par Washington, les peuples pro-occidentaux ne sont-ils pas favorisés ? Il est vrai que si la Douma seule ne peut reconnaitre une indépendance, encore moins deux à la fois, le principe du droit à l’autodétermination des peuples mériterait que l’on y réfléchisse... que des conférences soient organisées... Lentement, mais surement. Dans cette mesure, les Russes peuvent être compris. Pas pour leurs offensives militaires meurtrières, j’entends, mais pour leur initiative postérieure de reconnaissance des deux républiques subcaucasiennes.
Oui, mais attention, les Russes ne sont pas non plus des anges : n’oublions pas les Tchétchennes, traités comme des animaux depuis deux siècles successivement par l’Empire des Tsars, par l’Union Soviétique et aujourd’hui par la Fédération de Russie. Nous pourrions tout aussi bien reconnaitre leur indépendance (sans doute méritée après toutes les épreuves que ce peuple a connues) juste pour embeter les Russes. Et qui sait où cet engrenage finirait...
Accepterions-nous, nous Français, que notre pays soit annexé à un autre ? Pourtant tant de peuples, marqués par la notion d’auto-détermination, demandent encore aujourd’hui à pouvoir choisir par eux mêmes l’orientation de leurs destins. Le mieux serait sans doute d’examiner chaque situation au cas par cas à l’ONU. Un nouveau problème apparaitrait alors : jusqu’où décréter l’indépendance ? Va-t-on aller vers un démantelement total de nombre de pays du monde, si le Pays Basque, la Corse, la Catalogne, l’Irlande du Nord, la Bavière, et comment oublier la Flandre, réclament à ce moment là l’indépendance ? D’où l’importance de définir la notion de pays, de fédérer mais aussi de régionaliser...
Pour en revenir aux conflits d’indépendance actuels, il est clair qu’est et ouest sont guidés par des intérêts politiques et économiques pour reconnaitre ou non l’indépendance d’un pays tiers, plus que par les revendications des peuples en questions. Cette situation pourrait bien menacer sérieusement l’état actuel des relations internationales. La Russie ne peut reconnaitre ainsi l’indépendance de régions situées à l’extérieur de son territoire. L’Europe et l’Amérique ne peuvent, eux, exclure l’hypothèse d’une indépendance future de ces régions.
Alors, la Guerre Froide va-t-elle redémarrer ? Le contexte ayant changé depuis 1991, on ne devrait pas en revenir aussi loin. Néanmoins, un monde de plus en plus complexe chaque jour est dans la main d’une dizaine de puissances. Mais que doivent-elles décider, lorsque l’indépendance de micro-régions dépend des intérets politiques et économiques des uns et des autres ?
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