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Accueil du site > Actualités > International > Deux millions de personnes vivent dans les cimetières du Caire

Deux millions de personnes vivent dans les cimetières du Caire

Il y a quelques semaines, lors d’une exposition au CCCB de Barcelone, plus ou moins l’équivalent local d’un Palais de Tokyo parisien, j’ai eu l’occasion de découvrir un phénomène surprenant.

Tout d’abord pour remettre les choses dans leur contexte, l’exposition intitulée “Post-It City” consiste en une succession de mini-espace consacré à un phénomène étonnant et propre à une ville dans le monde. D’où le concept de Post-It. Pour le reste, les supports sont assez classiques à savoir textes, photos et vidéos principalement.

Le “Post-It” sur les cimetières du Caire m’a franchement impressionné. J’ai ainsi pu découvrir que des centaines de milliers de familles qui vivent dans la misère la plus complète, ne trouvent aucune autre alternative à celle de s’y installer pour y habiter. C’est par exemple le cas dans la Cité des Morts où l’habitat est toléré depuis 1967. Les gens s’installent dans ces petites maisonnettes qui rappellent un peu celles qui parsèment le cimetière du Perre Lachaise.

Le phénomène qui pourrait paraître chaotique pour un néophyte dissimule en fait une organisation très minutieuse où chaque cimetière est organisé en quartiers, chaque quartier comprenant plusieurs tombeaux et son croque-mort (tourabi) attitré, en charge de l’entretien des lieux. Il y a ensuite bien souvent un patron (mu’allem) qui contrôle plusieurs quartiers et s’occupe, pour sa part, des vivants. Un peu concierge, un peu agent immobilier, il encaisse les loyers (entre 1,5 et 3 € par mois) et perçoit parfois un pas de porte qui lui permet de vivre plus que confortablement.

Pour certains de ces “vivants parmi les morts”, habiter dans un tombeau implique un petit arrangement avec la famille du défunt avec qui ils sont forcés de cohabiter. Les familles, en plus de donner leur consentement pour transformer la tombe en habitat de fortune, donnent bien souvent un peu d’argent à ces “locataires” particuliers, s’assurant ainsi que le caveau et le corps du défunt soient protégés d’éventuels pillards et notamment d’étudiants de médecine peu scrupuleux.

Certaines familles vivent avec un confort relatif, à savoir un mobilier sommaire, un lavabo et éventuellement des toilettes et même une douche dans une tombe voisine. La salle à manger et la chambre, bien souvent, ne font qu’un, au dessus de la chambre funéraire où reposent les morts. Surprenant toutefois, la télévision est omniprésente, et les paraboles ne sont pas rares, grâce à quelques branchements électriques bidouillés et reliés aux quartiers voisins.

Si le phénomène n’est pas très facile à identifier pour un touriste, cela n’empêche pas le fait qu’ils seraient environ 2 millions à vivre ainsi dans les cimetières du Caire, symbolisant de manière criante la crise économique qui ronge le pays. Pour une ville de presque 18 millions d’habitants, ce serait tout de même plus de 10 % de la population qui serait concernée. Cette situation est très difficile à accepter pour les enfants ou les adolescents qui le vivent comme une honte, notamment à l’heure de présenter le futur époux ou la future épouse à la famille.

Pourtant une fois la nuit passée, ce sont souvent les familles des défunts qui reprennent possession du lieu et se recueillent comme si de rien n’était. Seuls quelques uns, dont tout le monde a sans doute oublié qui peut bien reposer en paix en dessous de ce qui leur sert d’habitat, sont autorisés à rester la journée aussi. Drôle de vie toujours est-il…

Crédit Photo : Isabelle Bandela - 1999

 


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11 réactions à cet article    


  • morice morice 31 mai 2008 12:51

     Etonnant !! merci pour cet article !!! 


    • Méric de Saint-Cyr Méric de Saint-Cyr 31 mai 2008 17:16

      Je ne savais pas les Égyptiens écologistes à ce point : recycler la demeure des morts ? certes c’est une conséquence de la misère, mais au moins ces gens ont un toit et les voisins ont le mérite d’être particulièrement… silencieux !

      Rien de plus inutile et coûteux qu’un cimetière et l’entretien ou la construction d’une tombe, en pure perte sauf à la rigueur pour les pompes funèbres et le marbrier… Là au moins cet espace habituellement perdu qu’est le cimetière reprend du sens grâce aux vivants.

      Il y a une leçon à tirer.

      Et un avantage : en cas de décès, tu es déjà sur place !


      • Sahtellil Sahtellil 31 mai 2008 21:13

        Tout aussi étonnant, un autre créneau immobilier que les Egyptiens investissent massivement : les toits d’immeubles.

        En effet, le toit d’immeuble autrefois habité uniquement par le concierge qui y occupait une cabane tout a fait convenable est devenu, misère, exode rural et spéculation aidant, de véritable bidonvilles suspendus que sont venus peupler les paysans en quête de mieux-être, étudiants pauvres et couples nouvellement mariés. Ces immeubles de 6 à 12 étages sont équipés d’ascenceurs que ces populations undurground, si j’ose dire, n’ont pas le droit d’utiliser, le gardien veillant comme un gendarme, pas plus d’ailleurs que l’escalier principal. Ces équipement sont strictement réservés aux habitants officiels, issus en général d’une classe moyenne assez aisée, qui n’entendent rien céder de leur espace vital à leurs voisins indésirables. Les "sur les toits", c’est ainsi qu’on les appelle, sont donc obligés d’emprunter les escaliers de secours pour leurs besoins quotidiens - on imagine le travail - les femmes et les viellards quittant rarement leurs logis pour des raisons évidentes.

        Il faut noter que ces toits communiquent entre eux, favorisant un voisinage étendu et une solidarité qui fonctionne à fond.

        BMD


        • Sahtellil Sahtellil 31 mai 2008 21:45

          Erratum 1e ligne : "que les Cairotes investissent massivement"


        • HELIOS HELIOS 2 juin 2008 00:58

          une sorte de canopée...


        • Sahtellil Sahtellil 2 juin 2008 03:15

          Asolument. Une femme qui a passé ainsi 20 ans de sa vie en contact direct avec les étoiles a dit qu’elle n’échangerait son logis que contre une maison avec jardin. Elle voulait sans doute parler du Jardin d’Eden...

          Euh... salut Helios.


        • Radix Radix 1er juin 2008 15:18

          Bonjour

          Quel dommage que ce terrain soit occupé par des morts au lieu de laisser la place aux vivants.

          Vive l’incinération !

          Radix


          • hihoha 1er juin 2008 17:33

            radix, c’est mauvais la fumée pour le réchauffement de la planète vaut mieux les vers.ça au moins c’est écologique.


            • Baltar 1er juin 2008 18:51

              De tout temps en occident et jusqu’à récemment (avant je crois certaines décisions d’urbanisme de l’ère Napoléonienne ou dans ces eaux là), le cimetière était le centre névralgique de la ville, avec toute une population vivant intégré au site pour commercer etc. Le cimetière était aussi très souvent juxtaposé à l’église mais sur ce point aussi, une décision les déplaça après le Moyen-Age.

              L’ère moderne a isolé la mort pour des raisons de toutes sortes sauf naturelles.

              Cela ne me choque pas que les pauvres se réfugient dans les cimetières. Je préfère les voir entre les tombes et redonner vie à ces lieux de morts, que de les voir être ghétoisés dans des bidonvilles.

              Allons-y pour la pensée unique comme quoi le cimetière est un lieu sacré de recueil où les morts doivent être respectés ... parce qu’ils ont payé pour ? Allez, allez ...


              • HELIOS HELIOS 2 juin 2008 01:04

                Un non-respect pour la mémoire ou un respect pour la non-memoire...

                Vous êtes interressant... et que faites vous des deux plus grandes cultures qui s’occupent de ses ancètres, au cimetière ou a la maison ? (je parle de la culture asiatique et la culture occidentale) ? On abandonne tout pour un peu plus de déracinement ? d’identité ? ... nous sommes déjà des numeros, demains nous en perdrons notre histoire personnelle.


              • vinvin 2 juin 2008 11:24

                Bonjour.

                 

                Ben pour ceux qui "crèchent" dans des cimetières, une fois morts ils seront au moins habitués au "site" !.......

                 

                 

                Cordialement.

                 

                 

                VINVIN.

                 

                 

                 

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