Élections Indiennes : rien n’a donc changé ?
En apparence, et selon nos journaux télévisés, toujours très complets et très informés (je fais de l’humour !), effectivement le premier ministre Manmohan Singh a été reconduit, effectivement le parti du congrès continue d’exercer son hégémonie sur la politique indienne. Mais en réalité, ces nuances indiennes font toute la différence.
La première et peut-être l’unique chose à savoir sur l’Inde est que depuis cinq mille ans d’existence, ils ont pris la mesure du temps et les indiens savent que ce qui se fait dans l’urgence se défait tout aussi vite. Nous avons l’heure et ils ont le temps ! Ainsi, les élections ont été certes importantes mais aussi presque immuables. Pour en voir les révolutions il faut perdre notre vision occidentale avide de changements rapides mais inutiles face au temps, il faut poser la zapette et regarder vraiment ce qui se passe et non ce qui va se passer dans les secondes suivantes.
Pour ce qui relève de l’analyse des résultats, le changement le plus visible est la confirmation nette du renforcement du parti au pouvoir, le Congrès et ses alliés. Effectivement cette coalition amoindrie des partis socialistes a obtenu 79 sièges de plus dans la Maison du Peuple, soit 262 au total, ce qui représente 48% de l’ensemble des sièges. Et oui, pratiquement la majorité absolue. 60% des électeurs sont allés aux urnes soit beaucoup plus que ce que nous, européens allons faire pour nos élections de juin. La plus grande claque revient aux partis marxistes jusqu’alors majoritaires dans les états du sud-est. Le premier ministre sikh dans un pays de 800 millions d’hindous, Manmohan Singh est donc logiquement reconduit à son poste.
Ces résultats sont une confirmation de la politique de ces dernières années, mais aussi une demande de stabilité pour l’avenir. Effectivement, le Congrès au pouvoir depuis toujours est la propriété des Gandhi, ceux-ci pilotent cet énorme navire depuis l’indépendance et ils le font d’une main ferme et décidée, ce qui plaît apparemment aux indiens. L’inde qui traverse elle aussi la crise fait confiance en son gouvernement « conservateur ». Les problèmes géopolitiques environnants font peur et l’Inde veut rester forte, indépendante et efficace face à l’intégrisme montant et aux défis du XXIème siècle (écologiques dont tous les autres découlent). Le Pakistan atomique lui aussi est en passe de tomber entre les mains de plus intégristes qu’ils ne le sont déjà (voir mon article sur le sujet), le Sri-Lanka qui en a fini de sa guerre mais qui recommence son épuration et sa haine, le Bangladesh qui survit entre deux dévastations « naturelles » où rien ne peut donc être stable, le Népal où les marxistes manipulés par les partis indiens prennent et quittent le pouvoir dans le sang (voir mon article sur le sujet) et enfin et non le moindre, la Chine expansionniste et impérialiste (voir mon article sur le sujet). Tout ces pays ont participé à la victoire du Congrès, indirectement ou non. Je fais ici une petite parenthèse sur le « ou non » : effectivement au sujet des maoïstes, ceux-ci ont de fortes influences sur les népalais du même nom, on peut ainsi s’étonner de la concordance du calendrier entre les élections indiennes et les heurts au gouvernement du Népal (voir mon article sur le sujet). Et la question « à qui profite le crime ? ». Donc, tout ces pays ont renforcé le pouvoir du Congrès.
Ce parti au pouvoir depuis l’indépendance héberge la plus vieille dynastie démocratique moderne (oui je sais, dynastie et démocratie, ces deux mots cohabitent difficilement). Créé par Nehru en 1947, le pouvoir a ensuite échu entre les mains de ses enfants. Chronologiquement vient sa fille Indira Gandhi puis Rajiv Gandhi le petit fils. La mère et le fils ont tous deux quitté le pouvoir assassinés. Aujourd’hui, Sonia Gandhi, la veuve de Rajiv dirige le parti d’une main ferme et sûre. Cette femme politique douée et habile n’a pas voulu prendre le pouvoir pour favoriser une montée en puissance de sa filiation. Sa fille Priyanka est très active, et son fils Rahul se fait attendre stratégiquement. Il ne fait aucun doute qu’à 38 ans, Rahul Gandhi sera très bientôt sur le devant de la scène. La méthode fonctionne, beaucoup d’indiens possèdent déjà son portrait en posture de premier ministre, mais pour le moment sa mère les fait attendre…
Bien sûr, la démocratie indienne, la plus vieille du monde a aussi montré ses limites lors de cette élection. Les violences et les trafics de voix sont légion, certains bureaux de votes n’ont pas été accessibles, gardés par des milices armées ou attaqués par d’autres. Le prix d’une voix se négociait entre 1 et 3 euros selon les états (voir le rapport). Malgré tout, l’Inde nous a montré comment peut fonctionner une démocratie certes corrompue et identitaire, mais surtout volontariste avec des défis dépassant tout ce à quoi nos démocraties occidentales et arrogantes ne pourraient jamais survivre. Les leçons sont gratuites et l’exemple suffisamment rare, l’Inde est volontairement entrée dans ce siècle avec pour buts avoués d’être à la pointe, autant en économie qu’en développement durable…
source : LGV
livre à ce sujet : Cette nuit la liberté8 réactions à cet article
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