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Enseignement au Maroc : Le problème de la base ou la base du problème

L’enseignement n’est pas seulement l’un des problèmes, comme on dit souvent pour relativiser son échec. C’est le problème lui même.

Comment prétendre se positionner parmi les autres si l’on ne dispose pas d’un enseignement efficient ? Comment convaincre nos enfants même d’aller à l’école lorsque devant leurs yeux, au premier tournant ils butent sur des chômeurs éclairés assis à l’ombre avec leurs diplômes dans la main en guise de chasse-mouche et d’éventail ? De quels arguments pourrions-nous encore étoffer nos propos devant une jeunesse en perdition dans les méandres d’une modernité dont ils ne connaissent pas les codes servant à la déchiffrer ?
   Allons-nous continuer à abuser des générations après d’autres en leur fraisant croire qu’ils maîtrisent le monde de la technologie parce qu’ils savent écrire un message douteux dans leur langue maternelle en caractères latins, parce que nous n’avons pas été capables de leur fournir des programmes en Tamazight ni en Arabe ? A quand donc la désillusion qui nous fera voir le monde tel qu’il est vraiment et non pas tel que nous le croyons ? Etre incapable de se voir en face ou avoir le courage de démasquer nos illusions, that is the question !

      Le ministère de l’enseignement pourrait-il répondre à la question de savoir la raison pour laquelle les exemplaires de la charte n’ont pas été généralisés et mis à la disposition de tous les intervenants dans ce domaine ? Pourquoi s’est-on donc limité à mettre dans le secret des dieux seulement les services d’encadrement pédagogique et avoir omis les enseignants, fer de lance du système qui sont directement sur le front pédagogique ? N’est-ce pas en effet une guerre que nous menons tous contre l’ignorance et l’analphabétisme, chacun selon son niveau de responsabilité ? Qui oserait encore nier aujourd’hui que se sont les enseignants qui sont mis à l’index chaque fois qu’il s’agit de présenter le bouc-émissaire idéal sur l’autel de la baisse du niveau scolaire ? Alors pourquoi ne sont-ce pas eux qui sont consultés directement ? Ou bien préfère-t-on ne leur offrir qu’un ersatz de cette charte sous forme d’un " projet de document sur l’organisation de l’année scolaire", sans aucune référence à l’exception de la liste des auteurs, forcément inconnus du grand public ?
 
    Je pense que tant qu’on continuera à vouloir décréter l’apprentissage, à partir des bureaux soyeux, au lieu de travailler en profondeur en commençant par le bas, toute réforme entreprise ne sera qu’un simulacre né dans l’esprit de gens qui ont encore certainement beaucoup de choses à ...apprendre. L’apprentissage ne se décrète pas comme le dit si bien Philippe Meirieu et si nous voulons obtenir un résultat concret, nous devons, bien sûr, commencer par débattre de la finalité de l’enseignement ; mais aussi prendre le taureau par les cornes et écouter les praticiens du domaine.Tout le monde, diriez-vous n’a pas grand chose de pertinent à dire et quand il s’agit de théoriser les expériences acquises, l’on se heurte incontournablement à des lieux-communs réitérés sans relâche par les professionnels, si ce n’est parfois à des inepties pures et simples. Mais qu’avez-vous donc fait pour que l’acte d’enseigner puisse passer, chez ces gens, que vous jugez ignares, de l’acte végétatif à l’acte conscient et réfléchi, susceptible d’être théorisé et enrichi par le savoir-faire des autres et capable à son tour de contribuer à enrichir incessamment la pratique didactique ?
 
     Dans certains centres de formation pédagogiques à tous les niveaux les "apprentis sorciers" à savoir les futurs enseignants sont pris en charge par des pédagogues sans pédagogie car, pour la majorité leurs connaissances ne sont nullement basées sur aucune pratique tangible mûrie par une longue et patiente réflexion, mais seulement sur un savoir livresque (lieberstellung) et ne constitue qu’un vernis pédagogique pour la consommation locale devant un public de non-initiés.
 
   Les centres de formation des instituteurs, auxquels normalement devraient être réservés les meilleurs pédagogues et le meilleurs encadreurs afin de produire des praticiens éclairés à la base de l’édifice de l’enseignement sont malheureusement ouverts à des personnes,qui, généralement n’ont d’autres compétences que le nombre d’années passé dans la carrière d’instituteur même, ou encore leurs relations partisanes et autres avec un centre de décision quelconque. Comment oser donc compter sur un enseignement performant si la base même de cet édifice est en terre meuble ?
 
       Dès que la gangrène a commencé dans ce corps anémié de l’enseignement, comme dirait le docteur Harouchi, les virus n’ont fait que se multiplier et engendrer des espèces virales de plus en plus récessives. C’est ainsi que les premières promotions de bacheliers à peines alphabétisés ont "contaminé" plusieurs générations de leurs élèves qui se sont ensuite disséminés à travers des services stratégiques du pays, dont bien sûr l’enseignement et c’est ainsi qu’est née et s’est multipliée la chaîne de la médiocrité. Et dans un bouillon de culture favorable, cela a donné naissance au monstre hybride de l’incapacité et de l’incompétence dont la baisse du niveau scolaire n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le germe a pris racine et ce ne sont pas les quelques timides injections de réformes rapiécées importées d’outre-mer qui en viendront à bout.
 
      Réformer l’enseignement devrait, à mon sens, être mené en parallèle avec une réforme patente du projet de société. Et tant que que nous ne savons pas quel genre de société devra être le nôtre pour le siècle à venir il est pratiquement vain de perdre du temps et des ressources faramineuses à vouloir faire avancer une monture dont nous ne faisons que darder le bât. Si vraiment nous estimons qu’il est de notre devoir de prendre le train de la modernité en marche, alors il faut faire vite, avant que plusieurs wagons ne nous séparent irrémédiablement de la motrice. Mais pour cela il faudrait savoir que nous rendrions indirectement un immense service à notre enseignement en agissant sur bien des domaines apparemment sans relation avec la pédagogie ni la didactique.
 
      Bien sûr le savoir, dit-on, serait perdu s’il n’ y avait pas les fils des pauvres, mais il ne faudrait point pour autant employer cet adage désuet pour soutenir qu’il faudrait de plus en plus de pauvres pour augmenter le nombre de savants de par le monde. C’est là une absurdité que n’importe quel ignorant mettrait rapidement en évidence.
 
  L’aisance n’est pas la richesse ! Alors que l’élève marocain ne manque d’abord de rien de ce qui est jugé, par consensus indispensable à une vie décente, au lieu de profiter de la sobriété camélienne des démunis pour décréter que cet "indispensable" se limite à un sac de farine noire vermigène, à un pain de sucre fade et à un paquet de thé sans saveur, malgré toutes les publicités mensongères.
 
   Notre pays ne peut continuer encore longtemps à faire sienne la politique de l’épicier dont la devanture est éblouissante, éclairée au néon étincelant, mais dont l’arrière-boutique est infestée de rats et de détritus en tous genres. La diversité des régions et des idiomes devrait être considérée comme un facteur progressiste et non comme une partie honteuse de soi qu’on n’ose montrer que rythmée de mouvements synchrones, suivant une musique qu’on ne considère comme intéressante que si les étrangers la jugent comme telle. Et si vraiment l’on ne peut se démarquer de la tendance libérale qui privilégie les devantures et les néons, alors que tout le pays profite à mesures égales des produits que nous commercialisons.
 
    Personne à mon avis n’a le droit de se considérer plus marocain qu’un autre sous quel prétexte que ce soit. Nous sommes tous dans la même galère, alors nous serons tous sauvés grâce à l’effort de tous, sinon nous redeviendrons les esclaves de ceux qui, à travers les décennies de colonisations passées n’ont fait qu’éprouver de loin nos capacités et qui n’hésiteront pas à nous remettre les boulets aux chevilles, une fois qu’ils jugeront que l’aliénation psychologique et culturelle ne suffisent plus à garantir leurs intérêts. Il n’est pas encore trop tard, non pas pour être parmi les leaders, seul un peuple débile ou attardé mentalement pourrait encore se hasarder à en rêver par les temps qui courent, mais pour être dans la file de ceux qui arrivent à déchiffrer les hiéroglyphes du progrès sans trop y perdre notre âme ni notre identité.
 
 
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3 réactions à cet article    


  • barbouse, KECK Mickaël barbouse 24 juillet 2009 11:36

    article courageux qui montre bien la difficulté de tous les systemes d’éducations


    • Ahlen Ahlen 25 juillet 2009 10:16

      Effectivement, tous les systèmes d’éducation de par le monde ont des difficultés. L’évolution toujours plus rapide des moyens de communication et d’information rendent désuets, du jour au lendemain, les mesures les plus modernes de rattrapage...du temps !

      Au Maroc, outre le faire semblant des responsables politiques, un autre facteur aggravant va en se développant, c’est la régression des parents parmi les instruits engendrée par l’absence d’horizon et le découragement, de parfaits « laisser-passer » à l’obscurantisme.

      Une anecdote : Je suis allé chercher ma fille qui revenait d’une excursion scolaire. Au moment de démarrer, j’ai évité de justesse un clochard qui traversa la chaussée. Ma fille me rectifia :« Papa, ce clochard est le prof qui nous a accompagné durant l’excursion » !! Sincèrement désolé !


      • Az. boufous. Boufous Aziz 25 juillet 2009 19:09

        oui mais les difficultés ne sont pas toutes de la même acuité d’un pays à l’autre.

        La majorité des parents étant analphabètes ne savent même pas parfois en quelle classe et encore moins en quelle filière évolue leur progéniture.Et ce n’est pas de leur faute ,du moment qu’il y a une volonté délibérée de maintenir les marocains dans l’ignorance pour qu’ils soient plus corvéables à merci.Des générations en longtemps été privées de l’étude de la philosophie sous prétexte qu’elle les entraînainait vers l’agnosticisme et l’apostasie,mais en fait c’était parce qu’on leur refusait cette branche éclairées qui leur enseigne la logique aristotélicienne et l’Histoire des idées.Et même maintenant les programmes de cette matière,d’aprés les profs qui l’enseignent est une pâle imitation de ce que pourrait être vraiment un programme de philo digne de ce nom.

        Concernant ton histoire du prof clochard je l’ai déjà lue dans un numéro de « sélection du readers digest » alors il n’ y a pas de quoi être désolé !! Quoi que notre réalité soit encore plus amère que les connotations de cette anecdote.

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Az. boufous.

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