Espagne : La bombe Barcenas
Depuis plus d'un an et demi en détention provisoire, l'ex-trésorier du Parti Populaire est sorti de prison il y a quelques jours après avoir payé une caution de 200.000 euros.
Le désormais célèbre "doigt" de Luís Bárcenas aux médias, lors de son arrivée à l'aéroport de Madrid il y a tout juste deux ans. |
Accusé de corruption, fraude fiscale et détournement de fonds, Luís Bárcenas est sorti jeudi dernier de sa prison où il a passé 19 mois avec des copains de cellule qui l'ont défini de "super sympa et généreux".
Le juge Ruz a en effet pris en considération que l'instruction étant terminée, et dans l'attente du procés où Luís Bárcenas risque jusqu'à 42 ans de prison, il n'y avait plus de risque de fugue ou de destruction de preuves. De plus, il ne lui restait plus que quelques mois pour atteindre le maximum légal de la détention provisoire.
Une semaine plus tôt, Barcenas avait accepté sa première interview depuis le début de sa détention. Il y avait notamment fait part de son indignation parce que Rodrigo Rato (ancien directeur du FMI et ex-président de Bankia impliqué dans l'affaire des cartes bancaires black) bénéficiait d'un traitement de faveur car il pourrait être actuellement incarcéré pour les mêmes raisons que lui.
Attendu par la presse sur le parking de la prison, puis devant son appartement de Madrid, l'ancien homme de confiance de Mariano Rajoy ne s'est pas fait prier pour répondre aux nombreuses questions des journalistes et tirer à boulets rouges sur de nombreuses personnalités de son ancien parti.
Il s'est empressé de réaffirmer que le Parti Populaire possèdait une comptabilité "B" servant à la financiation de campagnes électorales et de versements de salaires "black"que lui même gèrait, tout comme les deux trésoriers lui précèdant. Il a insisté sur le fait que tout le monde, Rajoy compris, connaissait l'existence de cette compatibilté parallèle dont les fonds venaient de commissions illégales de constructeurs et promoteurs immobiliers.
Depuis, une semaine, il ne se passe pas un jour sans que Barcenas lache un commentaire compromettant sur ses anciens amis, entrainant des réactions nerveuses de la part de ceux-ci et des séismes réguliers dans la vie parlementaire.
Mariano Rajoy et son Parti Populaire ont adopté une stratégie erronée depuis la détention de leur ancien trésorier : Niant depuis le début les faits et lui assurant leur confiance et leur soutien (rappelons ce SMS du chef du gouvernement à Barcenas sur le point d'entrer en prison publié quelques jours plus tard : " Luis, je te comprends, soit fort. je t'embrasse"), ils sont passés soudain au mépris.
Luis, l'ami, le camarade, l'homme respectable est devenu "ce monsieur" "ce corrompu", dont on évitait jusqu'à prononcer le nom, que l' on avait connu de loin, qui n'était plus de "la maison" depuis longtemps (alors qu'il avait encore touché son salaire quelques mois avant).
Il n'en fallait pas plus pour énerver Luis Barcenas et lui donner toutes les raisons de vouloir faire des vagues.
Éviter de devenir le seul responsable, comme le prétendent Rajoy et ses amis, d'une trame mafieuse dont il est à peu près certain qu'elle englobe tous les éléphants du parti depuis 20 ans, sera sans aucun doute la base de la défense de Barcenas lors de son prochain procès. Il a déjà annoncé plusieurs fois qu'il possèdait des documents prouvant qu'il n'avait pas agit seul.
Bluff ou réalité ?
Ce qui est certain , c'est que pour le PP, Barcenas est plus dangereux en liberté qu'entre quatre murs. Sa liberté de s'exprimer devant des médias avides de rebondissements pourrait bien porter l'estocade à un Parti Populaire qui a toutes les peines du monde à conserver une première place dans les sondages, face à un Podemos dont l'ascencion depuis un an parait n'avoir aucunes limites.
Rappelons que 2015 sera une année électorale intense avec des élections municipales et régionales en mai, et des législatives en novembre, sans parler d'élections régionales avancées en Andalousie en mars et en Catalogne en septembre.
Vidéo de l'interview de Barcenas à sa sortie de prison. L'ironie du sort a voulu qu'elle se fasse en direct, pendant une émission satirique très populaire qui lui voue un véritable "culte".
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