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Fin de partie à Ceylan

La guerre civile au Sri-Lanka a enfin fait les gros titres des journaux – enfin de certains d’entre eux. Il était temps. Cela ne fait après tout que vingt-cinq ans qu’elle dure, et l’on peut être sûr que lorsque la bataille en cours s’achèvera, ce conflit qui a quand même fait plus de 80,000 morts continuera à ne pas faire parler de lui dans les médias occidentaux.

Une phase de la guerre est manifestement en train de s’achever. L’armée a reconquis au cours de ces deux dernières années l’essentiel du territoire tenu jusque là par les rebelles tamouls du LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam). Ceux-ci n’ont pas seulement vu s’effondrer le quasi-état qu’ils avaient réussi à construire dans le nord et l’est de l’île et perdu une grande partie de leur financement international. Ils risquent fort de bientôt cesser d’exister en tant que force combattante. Ils ne contrôlent plus qu’une vingtaine de kilomètres carrés dans le district de Mullhaitivu sur la côte nord-est et la seule chose qui empêche l’armée de donner l’assaut est la présence sur place de nombreux réfugiés.

La seule question que se posent la plupart des observateurs désormais, c’est de savoir si Velupillai Prabhakaran, chef et fondateur du LTTE, va se faire tuer avec ce qui reste de ses troupes, ou s’il a déjà quitté les lieu avec son état-major pour reprendre la lutte dans la jungle.

On aurait tort de soutenir les rebelles sous prétexte qu’ils sont les rebelles. C’est avec ce genre de raisonnement que la gauche a, au cours des 80 dernières années, soutenu un dictateur sanguinaire après l’autre sous prétexte qu’il a commencé dans la jungle. Pour citer Gilles Servat "l’agression ne change pas l’agressé en héros clair et pur" et clair et pur le LTTE ne l’est certainement pas.

Lorsqu’il a commencé sa campagne de guerrilla contre le gouvernement, c’est par des massacres de civils comme ceux des fermes Kent et Dollar en 1984 (62 civils tués dont des femmes et des enfants). Le quasi-état qu’il dirigeait dans les territoires sous son contrôle était tout sauf démocratique et était dirigé d’une main de fer par Velupillai Prabhakaran. L’organisation utilisait massivement des enfants-soldats et fut la première – avant les islamistes – à recourir aux attentats suicides. A la fin des années 80, il a expulsé tous les musulmans – 75,000 – de la province du nord, dans le but de créer un état tamoul éthniquement pur.

Les tamouls du Sri-Lanka, installés sur cette terre depuis plus de deux mille ans, méritent mieux et on frémit à l’idée de ce qui se serait passé s’ils l’avaient emporté.

Ce n’est cependant pas une raison pour absoudre le gouvernement sri-lankais et la majorité cingalaise ou pour céder à l’idéologie pseudo-républicaine qui voit dans les minorités en lutte des instruments aux mains du "libéralisme mondialisé" - on ne dit plus "capitalisme apatride" parce que ça fait mauvais genre mais on le pense en général très fort.

Le fait est qu’en faisant du cingalais la langue de l’administration, à l’exclusion du tamoul, en 1956, ce qui a abouti à l’exclusion de fait des tamouls de la fonction publique locale, le gouvernement sri-lankais a semé les graines de la discorde puis de la guerre civile. Quant aux appels à l’unité du peuple face aux impérialisme qui accompagnent toujours ce genre de mesure, elles ne sont là-bas comme ici que le masque du nationalisme le plus rance et le plus réactionnaire. Ceux qui justifient l’injustifiable au nom de la République, de la Démocratie ou du Socialisme ne défendent ni la République ni la Démocratie ni le Socialisme. Ils justifient l’injustifiable.

Ce sont d’ailleurs les cingalais majoritaires qui ont lancé les premiers pogroms, dés 1956 à Gal Oya où plus de cents tamouls ont été tués, pogroms qui ont abouti au juillet noir de 1983 – plus de 1000 morts – et à l’incendie de la bibliothèque de Jaffna, symbole de la culture tamoul. Certains députés du parti alors majoritaire ont même, à la tribune de l’assemblée, suggéré aux tamouls de quitter le pays s’ils ne voulaient pas subir de discriminations.

Les choses se sont améliorées depuis et le tamoul a été reconnu comme langue officielle mais on peut comprendre que ses locuteurs se méfient de la majorité cingalaise. Le LTTE s’est lui même enfermé dans une logique jusqu’au-boutiste qui lui a fait refuser une solution politique quand il était encore en position de force. Il en paye aujourd’hui le prix et ce n’est pas forcément un mal.

Cela ne signifie pas pour autant qu’une "solution" à la Chevènement ou à la Mélenchon soit plus acceptable. Le chauvinisme reste du chauvinisme quel que soit son adversaire et quelle que soit la situation politique. Si les Sri-Lankais veulent construire un avenir juste et soutenable sur cette île, ils doivent respecter les droits de la minorité tamoul et en premier lieu son droit à choisir son destin.


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2 réactions à cet article    


  • alberto alberto 25 avril 2009 15:20

    Votre article est très équilibré en ce qui concerne les responsabilités de chaque camp.

    Mais je crois quand même que Velupillai Prabhakaran n’a jamais souhaité la fin du conflit car il gérait sa guérilla comme une petite entreprise familiale dont il était naturellement le chef suprême et tout accord aurait abouti à ruiner son affaire. D’où d’interminables négociations qui n’ont jamais pu se finaliser. Même si des milliers de victimes ont payé de leurs vies cette obstination...

    Par ailleurs, difficile pour le pouvoir central de tolérer indéfiniment cette sécession. (qui a souvent été aidée de l’extérieur)

    Il reste à espérer que les instances internationales interviendront rapidement et efficecement pour protéger les populations civiles.

    Bien à vous.


    • phiconvers phiconvers 25 avril 2009 20:57

      C’est bien de faire un article sur ce pays et je vous sais gré de votre juste dénonciation des complaisances de la gauche. Il est vrai que les difficultés entre tamouls et cinghalais survivront au LTTE. Espérons que le gouvernement sri-lankais, après avoir éradiqué définitivement les tigres, saura avoir l’intelligence de’offrir aux tamouls une paix des braves.

      En attendant, je suis scandalisé que des manifestation d’apologie du LTTE se tiennent à Paris. Les bannières représentant ces chefs terroristes n’ont pas leur place ici.

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