Jeu de poker menteur à Bogotà
Contrairement à ce que le silence de nos médias laisse entendre, l’opération Emanuel n’est en rien terminée. Comment la déclaration d’Alvaro Uribe peut-elle être ressentie par les familles, et comment elle peut changer la donne.
La décence à l’égard de toutes les familles de tous les prisonniers politiques, ou de tous les "otages" du monde (le terme fluctue selon qu’on se trouve, ou non, du bon ou du mauvais côté de la barrière) m’aurait incité observer le silence à propos de l’opération "Emanuel" avortée ces derniers jours en Colombie.
Mais après l’insoutenable feuilleton que nous ont fait vivre les autorités vénézuélienne et colombienne, et les déclarations ahurissantes du président colombien, on est en droit se poser quelques questions.
Le président de ce beau pays démocratique qu’est la Colombie nous apprend
que le fils de Clara Rojas né en captivité, selon les services de
renseignement de son pays, aurait été recueilli en juillet 2007, par un
orphelinat de Bogotà.
D’où une question simple : Mais que ne le disait-il il y a encore trois jours, alors que la grand-mère du petit se faisait une joie de connaître enfin son petit-fils ?
Posons la question au niveau humain, ce que ne fait visiblement pas Uribe : comment cette dame âgée, mère de Clara Rojas, peut-elle accueillir cette nouvelle ? Avec joie ou avec inquiétude ? Car s’il n’y plus d’enfant en jeu, le ressort émotionnel corrélé à cette affaire en est d’autant amoindri et réexpose à nouveau tous les otages à des interventions musclées, préconisées par Bogotà...
Avec les nerfs de qui le président colombien joue-t-il, et se rend-il compte de la souffrance des familles qui attendent ?
Cette
révélation, s’il en est, signe à elle seule la mauvaise foi et même
l’innocence (si je puis dire) de Alvaro Uribe ; ça sent la
désinformation à plein nez.
A en croire Mélanie Betancourt elle-même dans ses récentes déclarations au JT de France 2, la Colombie ne sort pas grandie de toute cette affaire où, faut-il le rappeler, pour la première fois, les Farc proposaient un geste sans contrepartie, mais laissaient Uribe bien seul à détenir l’avenir des négociations.
Ce rôle, Alvaro Uribe n’en veut pas. Son voisin Hugo Chavez ne parle que de cela lorsqu’il explique en quoi les autorités colombiennes dynamitent le processus de libération en cours ("dinamitan el proceso de liberación de los retenidos").
A cette occasion comme dans d’autres, tout ce qui pourra écarter Uribe sera l’option des Farc. Si une libération s’était produite, le monde entier aurait eu les yeux rivés sur Chavez, de qui les Farc ne sont pas hostiles idéologiquement, et si elle échoue, le monde entier les aura sur le président colombien, destiné au mauvais rôle, car seul capable de gracier les quelque 500 prisonniers politiques qui moisissent dans ses geôles, ce dont personne ou presque ne parle jamais.
Contrairement à ce que laissent entendre nos médias, l’opération n’est en rien terminée. Le président Chavez vient d’obtenir que des expertises ADN soient pratiquées sous l’égide du ministre de la Recherche Héctor Navarro (Cuerpo de Investigaciones Científicas Penales y Criminalísticas) à Caracas de façon à identifier clairement l’enfant.
Nous ne saurons rien de ce qui se passait entre le 28 décembre et le 1er janvier au-dessus du ciel colombien, des avions drones de l’armée américaine le survolaient-ils ? L’armée colombienne était-elle prête à sauter sur les soldats des Farc aussitôt les trois otages rendus ? Quelles conditions de sécurité exigeaient les ravisseurs ? De leur côté, Les Farc parlent d’opérations militaires (“los intentos operativos militares desplegados en la zona nos impiden por ahora entregar a usted a Clara Rojas, Emanuel y a la ex representante Consuelo González como era nuestro deseo”), selon l’agence de presse vénézuélienne.
Le Venezuela et la Colombie, s’ils ne sont pas en guerre, sont deux pays ennemis. Aurait-on vu hier l’Allemagne accepter que la Résistance française négocie grâce à de Gaulle le retour au pays des malgré-nous ? Improbable. Quel autre rôle peut donc jouer la Colombie qui s’oppose depuis 1948 aux tentatives de création d’une République autonome au sud-est du pays ?
http://www.aporrea.org/
L’AFP du Venezuela http://www.abn.info.ve/
Sur les Farc
(« Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia - Ejército del Pueblo »)
"Les Farc se définissent comme un groupe politico-militaire marxiste-léniniste d’inspiration bolivarienne. Ils déclarent représenter les pauvres du monde rural contre les classes riches de la Colombie et s’opposent à l’influence des États-Unis en Colombie, à la privatisation de l’exploitation des ressources naturelles, aux multinationales et aux groupes paramilitaires d’extrême droite. Ils se financent à l’aide d’une multitude d’activités incluant la prise d’otages (1 600 estimés), l’extorsion, le détournement et la participation directe ou indirecte au marché de la drogue. Cette drogue est en partie vendue aux États-Unis", selon l’article de Wikipedia qui leur est consacré.
On comprend que ce groupe communiste armé ne veuille discuter que par l’entremise conciliatrice de Hugo Chavez.
Ce que le traitement de l’information
ici en Europe n’autorise jamais c’est la compréhension de la complexité
historique et politique de la situation des otages d’aujourd’hui dont
Ingrid Betancourt, leur carte maîtresse.
Les Farc demandent régulièrement la démilitarisation de deux zones afin d’échanger leurs 56 otages politiques contre 500 de leurs guerilleros emprisonnés dans les prisons d’État.
Le site des Farc : www.farcep.org (difficile d’accès)
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