Kosovo - Serbie : carrefour brûlant de l’Europe
La crise entre le Kosovo et la Serbie invite l’Europe à dépasser les passions nationalistes. Un défi de politique fédérale majeur.
Des manifestants serbes ont incendié, jeudi soir (21 février), l’ambassade des Etats-Unis à Belgrade. Un corps carbonisé a été découvert dans le bâtiment. Les forces de l’ordre ont dû contenir des violences dans plusieurs quartiers de la capitale serbe, toute la soirée, après un rassemblement contre l’indépendance du Kosovo, auquel 150 000 personnes ont participé. Bilan : 90 blessés à Belgrade, dont une trentaine de policiers.
Les Etats-Unis ont officiellement protesté et demandé aux autorités serbes de renforcer la sécurité de leur ambassade. D’autres ambassades occidentales, dont les pays qui ont reconnu l’indépendance du Kosovo, ont également été visées. La diplomatie américaine a été la première à reconnaître le nouvel Etat kosovar. Les dirigeants serbes ont reproché aux Etats-Unis de jouer le premier rôle dans l’indépendance du Kosovo.
L’Europe dans une position délicate
La Serbie et le Kosovo ne font pas partie de l’Union, mais ces deux pays mettent l’Europe à l’épreuve, et contribuent à interroger la stabilité du Continent et la formation de sa politique commune. Ce vendredi 22 février, le représentant de la diplomatie de l’Union, Javier Solana, a indiqué que les négociations sur un accord d’association entre la Serbie et l’Europe ne reprendraient pas dans un climat de violence. C’est la parole minimale que l’on pouvait attendre de la part de l’Union.
Dans ce dossier, la politique commune européenne s’est mise dans une posture délicate depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo. L’UE a choisi de ménager ses divergences internes en n’organisant ni majorité ni position collégiale. L’Union européenne en tant que telle n’a donc pas reconnu l’indépendance du Kosovo. Elle a préféré laisser à chaque Etat membre le soin de se prononcer unilatéralement. Fallait-il procéder ainsi, au risque d’entretenir le flou et les tensions locales entre Serbes et Kosovars ? Les Européens ont-ils tellement peur de réveiller les démons de l’Histoire qu’ils préfèrent la tiédeur des non-décisions ? On sait aussi que plusieurs pays de l’UE qui connaissent des problèmes avec leurs propres minorités indépendantistes (l’Espagne et la Grèce notamment) ne veulent pas entendre parler de reconnaissance d’un nouvel Etat sur le continent. Celle-ci pourrait en effet créer un précédent.
Une porte ouverte aux tourbillons fous
Les valeurs de l’Europe, et son Histoire, plaident pourtant en faveur d’une attitude commune claire et ferme dans ce type de crise. Peut-être fallait-il reconnaître le Kosovo en bloc ou, au contraire, condamner cette déclaration unilatérale d’indépendance ? Peut-être fallait-il affirmer que la négociation avec l’UE devrait passer par le préalable de la reconnaissance mutuelle des Etats serbe et kosovar ? En ne donnant aucun signal pour forger une réelle politique commune, respectueuse des identités des peuples et des cultures, l’Europe fait-elle le jeu du pire ? Au lieu de répondre à ces questions, l’absence d’Europe laisse la porte ouverte aux tourbillons les plus fous. La classe politique européenne, dans son ensemble gestionnaire plutôt que visionnaire, est la grande coupable de ce flou persistant. Le Traité de Lisbonne, qui n’est pas encore entré en vigueur, ne garantit pas de sortir de ce marasme.
Une fois encore, on a le sentiment que les passions nationalistes prennent le pas sur l’ambition de fédérer une Europe qui en a pourtant besoin. Et une fois de plus, les Balkans sont le centre du drame européen.
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