Le Fonds monétaire international n’a pas réussi son virage
Le tout nouveau président du Fonds monétaire international (FMI),
Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français des Finances, en a
décidément plein les bras. La crise des marchés hypothécaires à risque
aux États-Unis et ses effets potentiels sur l’économie mondiale, la
possibilité d’une correction abrupte des déséquilibres mondiaux et ses
conséquences pour les principales devises, doivent déjà occuper son
emploi du temps. Il lui faudra tout de même en trouver, du temps, pour
s’occuper de la réforme en profondeur du FMI.
Avec en fond de scène la demande insistante des pays émergents qui
veulent jouer un plus grand rôle au sein du FMI, Strauss-Khan vient de
recevoir un rapport mi-figue, mi-raisin, du Bureau indépendant
d’évaluation (BIE) - créé en 2001 pour évaluer, en toute indépendance
et objectivité, les politiques et les activités du FMI.
Le BIE souligne les efforts faits par le FMI pour mieux aligner ses conditionnalités
avec sa mission, mais remarque du même coup que plus du tiers des
conditions imposées aux pays qui veulent bénéficier de son aide ne sont
toujours pas liées à cette mission.
Avec bien d’autres, le réseau pour la réforme des institutions financières internationales (site du réseau),
reproche au FMI son nombre élevé de conditions pour obtenir un prêt,
conditions qui équivalent trop souvent à mettre sous tutelle les
finances et les services publics des pays pour lesquels il agit, en
quelque sorte, comme un banquier de dernier recours (voir Les conditionnalités de la Banque mondiale et du FMI : les injustices du développement).
Dans le passé, ces conditions ont souvent signifié la privatisation des
services publics, quand ce n’est leur diminution. Le paradoxe de cette
politique est d’avoir empêché l’atteinte des objectifs d’amélioration
des conditions de vie des plus démunis que les pays membres de l’ONU se
fixaient.
Mais le bon vieux temps est fini. Le FMI n’a plus le haut du pavé. Il
est même en sérieuse difficulté. De plus en plus de pays le boudent
carrément. Il faut dire que la situation économique de ces pays et
l’arrivée de nouveaux joueurs beaucoup moins regardants quand ils
accordent des prêts (qui vient de pointer la Chine ?), leur permettent
de se passer de ses bons offices.
Ce qui est tout de même incroyable, et que souligne le rapport du BIE, est que le nombre de conditions n’a pas diminué.
Dans un communiqué émis suite au rapport du BIE, le FMI reconnaît que
le nombre de conditions demeure toujours élevé - plus de 17 en moyenne
par programmes - mais se défend sur le dos des pays donateurs qui
exigent d’inclure ces conditions parce qu’elles leur servent d’outils
de monitorage de leurs propres programmes.
Pour faire image, le FMI continuait de jouer le rôle du vilain tandis
que les politiciens des pays donateurs se pavanaient dans les réunions
internationales imbus de leur bonne volonté.
Qui vient de mentionner le nom de Tony Blair ?
Ce qui est vraiment ironique dans tout ce vaudeville, c’est que la
Chine prête avec beaucoup moins de conditions aux pays les moins
développés grâce à ses énormes réserves en dollars américains.
Dire que les États-Unis ont été les premiers à insister pour que ces
pays libéralisent leurs économies et coupent radicalement dans leurs
dépenses publiques.
Il y a tout de même une justice en ce bas monde.
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