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Accueil du site > Actualités > International > Liban : à quand une vraie démocratie ?

Liban : à quand une vraie démocratie ?

 La nette reprise économique amorcée dès la fin de la guerre civile (1975-1990) et le dynamisme d’une classe moyenne traditionnellement éduquée et entreprenante ne semblent pas suffire pour la transition démocratique au Liban : les obstacles sont toujours tels qu’il aura fallu environ cinq mois d’intenses tractations politiques pour qu’un premier ministre nommé réussisse enfin à former un gouvernement. Quels sont les facteurs internes et externes qui pourraient expliquer ce contraste entre dynamisme économique et social et blocage politique ?

Une institutionnalisation du confessionnalisme

Le Liban est un pays multiconfessionnel où vivent dix-neuf communautés religieuses formant deux grands blocs, musulman et chrétien. Ayant ses racines sous la tutelle ottomane et instauré officiellement sous mandat français, le confessionnalisme visait probablement au départ à garantir une cohabitation pacifique entre les divers groupes. Toutefois, cette volonté louable a fini par engendrer l’institutionnalisation des communautés religieuses en tant que composantes de la société libanaise. Ainsi, la constitution de 1926, le pacte national de 1943 et les accords de Taëf de 1989 ont tenté de garantir un partage équilibré de l’ensemble des fonctions de l’Etat entre les communautés.

Dans ce cadre, le parlement est partagé à égalité entre musulmans et chrétiens et à l’intérieur de chaque communauté proportionnellement au poids de chaque groupe. Au sommet de l’Etat, ce n’est pas l’équilibre des pouvoirs qui est recherché mais plutôt l’équilibre de la représentativité de chaque communauté. Le président de la république devrait être chrétien maronite, le chef du gouvernement musulman sunnite et le président du parlement musulman chiite. Ce n’est, donc, pas tant la diversité religieuse en soi qui constitue une entrave mais plutôt son institutionnalisation : elle a favorisé l’émergence d’une forme de féodalisme qui empêche le renouvellement des dirigeants en renforçant la main mise de quelques grandes familles sur la scène politique. Le leadership au sein de chaque communauté donne souvent lieu à une rivalité intense entre les clans au niveau local et parfois même au niveau national.

Dans ces conditions, le vote des citoyens n’est déterminé que marginalement par les programmes politiques et économiques, mais en grande partie par l’appartenance communautaire et la loyauté envers un clan. Il n’est pas surprenant, alors, de constater que les postes politiques se transmettent d’une manière héréditaire entre les membres d’une même famille (Frangié, Gemayel, Jumblat, Hariri etc..). En outre, il est indéniable que le mode de scrutin choisi (majoritaire à un tour) favorise le vote pour les personnes et renforce le poids de la notabilité en politique. Finalement ce système a fini par créer un cercle vicieux. En voulant pacifier les tensions il a consolidé les appartenances communautaires au lieu de les affaiblir, ce qui laisse toujours planer le spectre d’un retour à la confrontation violente et augmente ainsi le besoin de cet équilibre confessionnel en dépit de sa fragilité.

Un théâtre de conflits régionaux et internationaux

La complexité de la situation interne au Liban a été renforcée par des facteurs externes. Sa position géographique a fait de lui un théâtre de conflits entre des puissances régionales et internationales. Ainsi, dès 1948, l’arrivée des réfugiés palestiniens après la création de l’État d’Israël l’a placé au cœur du conflit Israélo-arabe. Outre la guerre civile, le pays a payé un lourd tribut de trois guerres menées par Israël (contre L’OLP en 1982 et contre le Hezbollah en 1996 et 2006). D’un autre côté, la défense de leurs intérêts et le soutien de leurs alliés locaux ont souvent motivé l’intervention militaire de forces étrangères (américaine, française et syrienne). La diversité communautaire a amené les différents groupes à renforcer leurs alliances avec les pays étrangers. Dans ce contexte complexe il serait difficile de nier que des enjeux géostratégiques importants se jouent sur l’échiquier libanais.

Certes, l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafik Hariri a envenimé les tensions entre une coalition anti-syrienne composée de sunnites et d’une partie des chrétiens maronites soutenue par Riad et Washington et une autre composée de chiites et de chrétiens du Courant Patriote libre du Général Aoun soutenue par Damas et Téhéran, mais cette situation reste traversée par une confrontation plus globale entre deux axes : le premier se dit modéré vis-à-vis de la politique américaine au Proche-Orient et un autre s’y oppose farouchement.

Dans ce cadre, une partie de bras de fer entre l’Iran et les Etats-Unis se joue sur le sol libanais, la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah en a constitué probablement une étape. Dans ce climat on ne devrait pas être étonné de constater que le dénouement de la dernière crise entre la majorité et l’opposition sur la formation du gouvernement a été rendu possible grâce à un apaisement des relations entre Damas et Riad. D’ailleurs les deux camps s’accusaient mutuellement de jouer le jeu de Téhéran et Damas pour l’opposition menée par le Hezbollah et celui de Washington et Riad pour la majorité anti-syrienne. Ce qui est évidement loin d’être totalement faux : de ce fait c’est la démocratie libanaise qui se retrouve prise en otage par les aléas d’un environnement géopolitique très mouvementé. Un environnement qui, de surcroît caractérisé par l’autoritarisme, voit dans un Liban démocratique et pluraliste une menace sur la durabilité des régimes des pays voisins. Israël, voulant garder l’exclusivité de la nature démocratique de son régime vis-à-vis de l’occident opterait aussi pour un statu- quo politique dans ce pays.

Cependant, il serait illusoire de croire qu’une fois que les interférences étrangères cesseront, les difficultés politiques disparaîtront à jamais. Croire en cette hypothèse c’est tout simplement nier la complexité de la situation interne. Au Liban, les facteurs internes et externes se mêlent, se combinent se renforcent mutuellement pour rendre difficile la consolidation d’une démocratie très fragile.

Il serait grand temps de sortir d’un système dont le seul mérite est d’augmenter les chances d’une paix temporaire. Il est nécessaire d’amorcer un processus de déconfessionnalisation que le président libanais Michel Sleimane a appelé de ses vœux le 21 novembre à l’occasion de la célébration de l’indépendance. Mais l’entreprise est loin d’être facile tant les résistances pourraient être nombreuses à la fois sur le plan interne que sur le plan externe.

Errachid Majidi analyste sur le site ; www.unmondelibre.org


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10 réactions à cet article    


  • Ahlen Ahlen 22 décembre 2009 09:21

    Oui, Dalamix, et c’est bien le dilemme que constate l’auteur. On peut dire qu’au Liban, c’est la non démocratie (puisque ethnique) dans la démocratie (toutes les ethnies représentés). Malgré cet handicap, le Liban reste le plus démocratique du monde arabe. La démocratie la plus risible est précisément à l’israélienne où tous les coups sont permis : Communautarisme, racisme, crime et mauvaise foi sont les meilleurs critères de succès aux élections.


    • le-Joker le-joker 22 décembre 2009 11:02

      La démocratie au Liban est morte avec l’expansionnisme des groupes terroristes religieux qui y sévissent.

      Vous pouvez dire adieu à un Liban multi-confessionnel qui disparaîtra comme il disparait partout ou l’Islam s’étend.
      L’Islam sonne le glas de la démocratie, de la liberté des femmes.
      Pour les autres, bienvenue le temps des dhimmis.
      Le temps des cèdres est bien sombre et il n’y a pas loin avant qu’il ne finisse en cendres de l’Islam.

      • Barrous Barrous 22 décembre 2009 12:50

        @ le joker
        Quel beau joke vous nous sortez là ! Vous ne savez de l’Islam que ce que vous voyez à la télé, et ce qui se passe dans certains pays où ce n’est pas l’Islam qui reigne, mais une culture macho ! L’Islam a donné aux femmes le droit de vote il y a 14 siècles, il est allé même jusqu’à dire que les femmes ont des désirs sexuels qu’il faut combler, et que leurs maris doivent prendre ça en compte, alors que vous, ça ne fait que 50 ans que vous avez commencé à voir les femmes autrement que le déversoir de vos plaisirs !
        Vous êtes incapables de faire un travail académique sur l’Islam, et d’essayer d’évaluer objectivement le système soci-économique et financier qu’il propose. Vous vous attardez sur un point que vous avez jugé archaique, sans prendre la peine de remettre les choses dans leur contexte, et de les analyser d’une façon globale, car tout est interdépendant ! Vous croyez tout savoir sur l’Islam en jetant un coup d’oeil rapide sur ce qui se passe dans les pays « musulmans ». Et bien sachez que vous vous mettez le doigt dans l’oeil !

        Et puis vous n’arrêtez pas de nous sortir cette phrase « terrifiante » qui ne veut rien dire : « tant que l’Islam continuera à s’étendre... », une phrase qui a pour but d’assimiler l’Islam à une sorte de monstre métaphysique engloutissant tout sur son passage, et qu’il faut combattre à tout prix. Si l’Islam se propage, c’est parce qu’il y a des gens font ce choix, et chacun est libre de faire ce qu’il veut, vous n’y pouvez rien, sauf peut être un petit génocide, comme vous en avez l’habitude !

        De toute façon, mon poste n’a pas pour but de défendre l’Islam, mais je ne pouvais pas laisser passer encore une fois ce genre de conneries, ça me démengeait trop  smiley

        Mon poste concerne la démocratie ! Cette illusion dont vous êtes si fier, et qui vous fait croire que vous êtes au sommet de la civilisation humaine. Vous choisissez démocratiquement des gens qui ne vous servent à rien, et qui n’ont aucun pouvoir de décision, car ce sont les multi-nationales qui contrôlent tout. Vos élus ne défendent pas vos intérêts mais ceux des lobbies industriels, pharmaceutiques, financiers... Ils sont là comme des figurants dans un film, ils servent à remplir la scène !
        Faisons un peu le bilan de votre civilisation : secteur financier ? pourri, secteur médical ? pourri, secteur économique ? pourri, secteur politique ? pourri. Une civilisation belle en apparence, mais pourrie à l’intérieur, qui sert chaque jour une minorité au sommet de la pyramide, et écrase le pauvre peuple naif.

        Franchement, à l’heure où les complots se dévoilent l’un après l’autre, et que vous vous rendez compte vous même, petit à petit, jour après jour, de l’ampleur de l’arnaque, il n’y a plus vraiment de quoi être fier, et surtout pas de cette pseudo démocratie !


      • ELCHETORIX 22 décembre 2009 12:56

        à mon avis c’est l’expansion des sionistes qui menace la démocratie , je dirai même plus , l’entité israélienne et ses soutiens menacent la paix du monde .
        Les religions , et donc l’Islam n’ont rien à voir dans la situation au Moyen-Orient !
        Votre réflexion est donc fausse .
        Le Liban ne souhaite pas une « démocratie » servile aux intérêts de son voisin Israélien .
        RA .


      • le-Joker le-joker 22 décembre 2009 16:58

        Oui oui on sait Elchetorix tout est de la faute des Israéliens. D’ailleurs d’après ce que j’ai entendu dire au Théâtre de la Main d’Or, en fait le Hamas, Hezbollah, les Musulmans radicaux et extrémistes et bien en fait ce sont des Israéliens.

        Mais ne le dites à personne hein.
        Au fait l’entonnoir du parfait antisioniste qui est le gros lot de cette année sur le site, je l’envoie à quelle adresse ? celui en or Abdelkader l’a déjà gagné, mais pour tous les autres on a un modèle en plastique magnifique à offrir.

      • ELCHETORIX 22 décembre 2009 20:10

        Non , le joker , le « marasme » du Moyen-Orient n’est pas seulement dû aux responsables politiques et militaires de l’entité israélienne , mais aussi de la responsabilité des dirigeants de l’Union Européenne et des Etats-Unis qui soutiennent cet état illégal et belliqueux qu’est Israèl ( le Golan est un territoire Syrien - la Cisjordanie ne doit plus être occupée ni par l’armée ni par les colons Israéliens )
        La paix viendra lorsque la diplomatie Française soutiendra le futur état Palestinien au coté d’un état Israélien débarrassé de ses armes nucléaires et de ses dirigeants sionistes partisans du grand Israèl .
        RA.


      • l’historien 22 décembre 2009 22:00

        il habite où barrous pour tenir de pareils propos sur les democraties ???


        • Barrous Barrous 22 décembre 2009 22:23

          pas dans le meilleur des mondes, contrairement à certains naifs smiley


        • Errachid Majidi 23 décembre 2009 10:48

          il y a pas de mal absolu ni de bien absolu, il y a des intèrêts qui convergent et qui divergent......


          • vinvin 29 décembre 2009 13:41

            La Démocratie n’ existe pas.


            Ni au liban, ni ailleurs !.......




            VINVIN. 

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Errachid Majidi


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