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Accueil du site > Actualités > International > Otan et Russie : les animaux malades de la peste

Otan et Russie : les animaux malades de la peste

Le procès de la Russie est difficile à faire ! Comment les grands de ce monde s’y prennent-ils ? Est-ce que cela leur rapportera quelque chose ? Vraiment pas sûr !

Lorsqu’une maison brûle, l’arroser d’essence n’est pas une bonne méthode pour éteindre l’incendie. Aussi, dans l’affaire du Caucase, faut-il y aller avec une bonne dose de rationalité si on veut bien comprendre les événements et les comportements des acteurs, en s’interdisant bien sûr les préjugés, les émotions et les affirmations expéditives, et en lisant le moins possible les médias.

Dressons d’abord un état des lieux sommaire.

Après l’effondrement de l’Union soviétique, les anciennes Républiques autonomes ont choisi d’être indépendantes de la Russie. Tout au plus ont-elles souvent accepté d’adhérer à la CEI (Communauté des États indépendants), structure politique assez lâche qui constitue une sorte de structure de concertation.

Cela se passe plutôt bien avec les cinq Républiques situées entre Chine et Caspienne : Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan.

*1*

Rappelons par contre le conflit qui a opposé l’Arménie et l’Azerbaïdjan entre 1988 et 1994, en raison de l’existence, à l’intérieur de l’Azerbaïdjan, d’une zone montagneuse, le Haut-Karabagh, essentiellement peuplée d’Arméniens. La population de cette enclave choisit à son tour de prendre son indépendance, et, après un référendum positif, proclama la République du Haut-Karabagh.

L’Azerbaïdjan protesta et voulut alors récupérer ce territoire qui lui avait été dévolu par la grâce de Staline aux alentours de 1920, malgré les protestations de ses habitants – est-ce que ça vous rappelle quelque chose de récent ? – une guerre s’ensuivit et l’Arménie s’en mêla pour assister sa population sœur de l’enclave.

Un cessez-le-feu intervint en 1994. Le Haut-Karabagh se rattacha logiquement à l’Arménie, mais la communauté internationale ne reconnut pas l’indépendance du Haut-Karabagh et considère toujours aujourd’hui qu’il fait partie de l’Azerbaïdjan – est-ce que ça ne vous rappelle pas aussi quelque chose ? – mais heureusement, l’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient peuplés de gens plus sages que ceux qui régissent aujourd’hui la « communauté internationale », et les choses s’arrêtèrent là.

Pour résoudre ce conflit, on s’appuya donc sur le principe selon lequel la terre appartient à celui qui l’habite, ce qui semble fort raisonnable, car, par le jeu des migrations et de la démographie, il est tout à fait évident que les frontières démographiques évoluent et finissent par ne plus coïncider avec les frontières politiques, dont le tracé est surtout fonction des lignes de puissance qui fracturent le monde. Il semble donc normal que des réajustements de frontières doivent finir par s’imposer d’une façon ou d’une autre en fonction du désir des populations concernées, en tenant compte du fait que des populations ayant une unité culturelle forte [langue, religion, ethnie] trouvent très naturel de vivre ensemble sur un même territoire.

C’est d’ailleurs en raison de ces considérations que l’indépendance du Kosovo a été admise récemment par la « communauté internationale », en violation des principes de la charte des Nations unies qui font de la fixité des frontières un précepte absolu.

*2*

La même chose vient de se produire un peu plus à l’ouest du Caucase entre la Géorgie et deux de ses enclaves, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, qui lui avaient été dévolues en 1922, à nouveau par Staline.

Mais cette fois, la « communauté internationale » glapit contre la Russie, qui avait agi de la même manière dans le conflit arménien, 14 ans auparavant, à la satisfaction de tous. Surprenant ! Pourquoi ?

J’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé aucune raison objective à cette attitude. Finalement, je me suis rabattu sur une idée qui ne me satisfait guère : c’est que la Géorgie était devenue un satellite de l’orbite états-unienne, avec un président états-unien, des armes états-uniennes, et même deux mille « conseillers militaires états-uniens » qui ont dû se carapater très vite à travers la Turquie pour ne pas être capturés par l’armée russe et être montrés sur tous les écrans du monde comme preuves du complot de Bush.

Au passage, j’ai remarqué que la seule timide preuve de la non-forfaiture des États-Uniens dans cette affaire tient à deux déclarations de l’ambassadeur des États-Unis à Tbilissi, et de la secrétaire d’État Rice, indiquant que les États-Unis avaient conseillé Saakachvili de ne pas entreprendre d’opération militaire contre les enclaves. Personne n’a réagi à la suite de ces déclarations. Elles sont pourtant lourdes de sens.

D’abord elles ont été faites huit à dix jours après le premier engagement, ce qui laisse à penser que les États-Unis voulaient attendre de savoir comment le vent allait tourner avant de se défausser. Curieux ! Mais surtout, elles constituent l’aveu que les États-Unis étaient au courant des intentions de Saakachvili, et qu’ils n’ont rien fait pour l’en dissuader, le fait de seulement le mettre en garde n’étant pas acceptable, puisque l’armée géorgienne a été constituée par les fameux « conseillers militaires états-uniens », entièrement équipée de matériel états-unien et entraînée par eux. Ils avaient donc le pouvoir d’imposer à Saakachvili de rester tranquille.

*3*

Autre chose curieuse : la plupart des gens ont parfaitement compris que la Géorgie était l’agresseur de premier niveau. Mais alors s’est déclenchée une nouvelle guerre, médiatique cette fois, et l’assourdissant caquetage des associés de l’Otan a réussi à faire croire aux médias que, tout bien pesé, c’était la Russie l’agresseur. Pourquoi ?

La seule explication que j’ai trouvée peut paraître un peu simpliste, mais je la donne quand même : l’armée géorgienne est une création des États-Unis. Bien qu’équipée de pied en cape par les États-Unis et entraînée par les redoutables « conseillers militaires états-uniens », elle n’a pas tenu 24 heures devant les Russes. Où était donc le problème ? Je pense que les États-Uniens en étaient restés au souvenir de la lourde et inefficace armée soviétique, alors qu’ils se sont heurtés à une armée moderne, parfaitement organisée et commandée. On est loin de la guerre de Tchétchénie où les Russes se battaient contre des bandes terroristes.

Il fallait donc impérativement masquer ce nouvel échec des États-Unis par un vacarme médiatique tonitruant et passer pour la victime plutôt que pour l’agresseur. Pure hypocrisie ! Pour cela, un bouc émissaire était nécessaire, et… comme l’écrivait notre bon La Fontaine :

Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! Quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir.

D’où, l’ostracisme dont la Russie est maintenant l’objet.

On voulait bien qu’elle soit intervenue pour protéger les Ossètes, mais envahir le chérubin états-unien, quel épouvantable crime ! Elle l’aurait fait, paraît-il, d’une manière excessive. Avons-nous déjà vu qu’une guerre ne soit pas violente ? Une guerre pacifique en somme, dont des exemples seraient peut-être celles d’Afghanistan et d’Irak.

Si les troupes russes restent un peu plus longtemps que prévu, quelle en est l’importance ? On peut comprendre que la Russie finisse de nettoyer ce qui reste de l’armée « américaine » de Saakachvili, pour qu’il ne soit pas tenté de recommencer. Logique aussi que les troupes russes repartent avec une prime de risque sous la forme du matériel offert par la Graaande Amérique et dont les secrets, s’ils en contiennent, peuvent être très précieux pour l’avenir, dans les drones, le matériel de communication et bien d’autres objets militaires sophistiqués. Une telle récolte ne se fait pas du jour au lendemain. Mais, visiblement, cela met mal à l’aise l’oncle Sam, qui préférerait garder ses petits secrets.

Le journal Le Monde est même allé jusqu’à soupçonner la Russie de vouloir annexer la Géorgie. Quelle stupidité ! Il s’agissait simplement de neutraliser ce pays dont Saakachvili voulait faire le levier qui ferait tomber l’ours russe. Trop petit, le mercenaire états-unien !

On n’en est pas resté là. Faute d’avoir réussi à faire trébucher l’ours russe, on allait donc le bannir de l’Otan, du G8, de l’OMC, bref de toutes les précieuses innovations états-uniennes fabriquées pour domestiquer le monde et promener en laisse ses courtisans. Jusqu’ici, ça avait parfaitement marché. Mais à présent ?

L’Otan ne comprend à peu près que l’armée des États-Unis, et vogue d’échec en échec. À part les États-Unis, les autres font tapisserie et ne savent qu’offrir leur territoire pour le truffer de bases militaires états-uniennes. Qu’y ferait la Russie ? Ça ne peut plus guère l’intéresser.

Le G8 est un club qui s’occupe des affaires du monde. Ah bon ! Eh bien dans quel foutu état serait le monde si le G8 ne s’en occupait pas ! À part demander à la Chine à chaque réunion de réévaluer le yuan – ce qu’elle ne fait pas, ou peu – que fait-il ? S’ajouter la Russie ne ferait qu’admettre un bavard de plus, et Poutine a vraiment autre chose à faire que de se balader pour prendre l’apéritif avec les grands de ce monde.

L’OMC contrôle le commerce mondial. Ah oui ! La belle affaire ! Le monde n’a pas attendu l’OMC pour commercer sur toute la planète depuis des temps immémoriaux. Lorsqu’une plainte est déposée sur le bureau de l’OMC pour violation des accords, il faut un minimum de deux ans pour instruire l’affaire. S’y ajoutent deux autres années pour l’appel qu’interjette nécessairement le pays délinquant. Il faut ensuite à peu près doubler ce temps, car il est possible de faire traîner éternellement les procédures sous prétexte d’études d’expert et de contre-étude d’experts de la partie adverse. Je dois en oublier. Consultez les dossiers de plaintes non traitées, comme celles du Canada contre les États-Unis, par exemple. Vous serez surpris.

L’OMC ne sert donc à rien. À preuve le récent échec du cycle de Doha au sujet des produits agricoles. Franchement, qu’irait faire dans cette galère la Russie, alors qu’il est si rapide et si efficace de revenir à la pratique des anciens accords bilatéraux, dont la mise en place était facile et qui donnaient satisfaction à tout le monde. La Russie n’a jamais souffert de ne pas appartenir à ce nouveau club états-unien.
Donc, toutes ces menaces envers la Russie ne servent à rien, sinon à souligner l’impuissance dans laquelle se trouvent ceux qui les profèrent.

Il est pourtant facile d’imaginer ce que devraient faire tous ces gorgés d’importance pour que la Russie sortent plus rapidement de la Géorgie.

Il faudrait tout simplement qu’ils cessent de japper en tournant autour d’elle comme des caniches autour d’un chien danois. Ce qui doit prodigieusement amuser Poutine et Medvedev.

@ André Serra http://andreserra.blogauteurs.net/blog/


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9 réactions à cet article    


  • 5A3N5D 28 août 2008 11:39

    " et en lisant le moins possible les médias."

    J’ai suivi à la lettre votre conseil : je ne suis pas allé plus loin.

    Encore un qui va nous dire ce qu’il convient de lire ou de ne pas lire.


    • Voltaire Voltaire 28 août 2008 11:45

      L’auteur est manifestement mal informé sur la réalité de la situation qui a présidé à l’intervention militaire. En effet, l’essentiel de la population "géorgienne" avait été déplacée et expulsée des régions revendiquant leur autonomie en 1994. Assez logiquement, ces population souhaitent rentrer chez elles, mais elles deviendraient alors majoritaires et opposées à l’autonomie...

      Le reste de la démonstration est donc caduque, puisque basé sur une information incomplète.


      • ndnm 28 août 2008 12:38

        Voltaire, votre réponse est pour le moins étonnante... 

        Vous dites donc, qu’en Georgie, des georgiens (qu’il est raisonnable, vous en conviendrez de distinguer socio-culturellement des ossétiens) ont été déplacés (par qui ? sous quelle autorité ?) de la province de l’ossétie au motifs qu’ils refusaient l’indépendance de la dite province ?

        Donnez donc plus de détail et plus de référence car en l’état votre propos semble bien confus et bien improbable.

        les faits sont que cette année un référendum a eu lieu en ossétie et que 90% des habitant de l’ossétie souhaitaient l’indépendance. Les faits sont qu’hélas, suite à la déclaration d’indépendance des georgiens ont fuit le territoire ossète, dans des conditions qui sont humanitairement regrettables (euphémisme) mais hélas classiques en ce genre de situation et que la communauté à toléré au kosovo.

        Le déplacement des geogiens aurait donc été organisé pour rendre majoritaire la volonté d’indépendance ? je répètre donc ma question : par qui et sous quelle autorité ?
        L’éventualité d’un gouvernement georgien qui vide un territoire pour laisser place à une situation conflictuelle car jugée intolérable par ce même gouvernement.

        si vous accreditez cette thèse, vous donnez du grain à moudre à ceux qui prétendent que le conflit fut planifier par d’aucuns... 


        • ASINUS 28 août 2008 12:53

          yep plus trivialement
          le renard est entré dans le poulailler au fait quel est le con qui as laissé la porte ouverte ?


          • Céphale Céphale 28 août 2008 17:40

            Les Etats-Unis ont subi une cinglante défaite. Merci à l’auteur d’en donner quelques détails.

            Combien de temps faudra-t-il aux dirigeants européens pour comprendre que leur allié, militairement parlant, n’est plus qu’un tigre de papier ?


            • galien 29 août 2008 03:27

              Bon article mais bon il faut passer à autre chose les amis. Il n’est plus la peine d’épiloguer sans cesse sur le fondement de l’affaire. C’est un pêt foireux des Etats Uniens dans la droite ligne de celui du Liban. Ce qui est remarquable c’est le changement de ton adopté par Medvedev qui apparait enfin pour ce qu’il est : un dure. Contrairement au portrait de toutou de poutine que l’on en faisait dans nos chers médias.
              Pour appronfondir vos reflexions sur les conséquences pour l’OTAN sur le sujet je vous renvois à http://www.dedefensa.org/


              • ndnm 29 août 2008 11:05

                "Ce qui est remarquable c’est le changement de ton adopté par Medvedev qui apparait enfin pour ce qu’il est : un dure. Contrairement au portrait de toutou de poutine que l’on en faisait dans nos chers médias."

                Moui... enfin, le durcissement de ton n’empêche pas grand chose au contrôle de putin sur le gouvernement russe. C’est vrai qu’en France en matière de toutou on a surtout des incompétents comme Kouchner (dont la ressemblance avec Douste-Blazy m’effraie de plus en plus) alors ça fait drôle de voire une "voix de son maître" qui à l’air de "quelque chose" (aussi terrifiant que soit ce quelque chose). Mais, c’est juste une question d’habitude et surtout il n’y aurait rien de surprenant à ce que putin, lui-même, ait été au moins aussi dur dans ses positions... c’est quand même pas un tendre le vlad (un type qui gaze ses compatriote pour faire la nique à une poigné de "terroristes" c’est loin d’être un bisounours ou un fin diplomate...).




              • ZEN ZEN 29 août 2008 06:11

                Merci plur le lien, Galien
                Plus précisément ici


                • Manggiofagioli 29 août 2008 16:10

                  Voltaire, j’avais compris que lors de l’éclatement de l’URSS, à la suite de l’incitation d’Eltsine à ce que les anciennes "possessions" prennent autant d’indépendance qu’elles le voulaient, l’Abkhasie et l’Ossétie avaient voulu devenir indépendante et ne pas faire partie de la Géorgie.
                  Et ce surtout parce que la Géorgie naissante ne voulait plus leur octroyer la même autonomie qu’elle avaient sous l’ancienne organisation.
                  Qu’il y avait eu une guerre et que c’est celle-ci, la guerre, qui avait provoqué la fuite d’une grande partie des Géorgiens.
                  Par ailleurs, je suis particulièrement troublé par l’incohérence suivante :
                  Tout le monde a applaudit la déclaration d’Eltsine à l’époque : il consacrait alors le droit des peuples à disposer d’eux même.
                  Il est un peu pernicieux de considerer comme juste ce droit lorsqu’il s’applique à la subdivisions qui nous arrange.
                  Pourquoi serait-il juste à l’échelle de la Géorgie et néfaste à celle d’une de ses province, alors que ces regroupements ont la même cause initiale, la chute de l’URSS et que ces discussions ont eu lieu au même instant.
                  D’autant qu’il me semble qu’il s’agit de peuples culturellement différents. La légitimité de leur volontée d’indépendance ne me parait faire aucun doute.


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